Allons-nous tous devenir stupides ?

Paris, le samedi 4 septembre 2016 – Dans le grand tourbillon de l’information, la publication en 2015 d’une étude de deux chercheurs britanniques dans la revue Intelligence n’a sans doute pas eu l’attention qu’elle méritait (de l’avis de certains). Les deux spécialistes mettaient en évidence une baisse de quatre points du quotient intellectuel (QI) moyen en France entre 1999 et 2009. Ne soyons pas tentés d’y voir une nouvelle manifestation des rivalités franco-britanniques, la tendance est la même partout. Après une longue progression au siècle dernier, le QI n’augmente plus et connaît même une baisse partout dans le monde, de l’Australie aux Pays Bas en passant par la Norvège.

Bêtes et dévorés par l’IA : apocalypse now !

Après être demeurés relativement confidentiels, les résultats de ces travaux ont commenté à être plus largement commentés publiquement en France après avoir été rappelés dans le Monde en juin par le journaliste Stéphane Foucard dans un article sur les conséquences sur le cerveau de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Aujourd’hui c’est au tour du docteur Laurent Alexandre (dont les casquettes sont innombrables) de s’alarmer toujours dans les colonnes du quotidien vespéral. « Peut-on rester passif face au déclin de nos capacités intellectuelles, au moment où l’intelligence artificielle (IA) fait des pas de géants ? Les emplois les moins qualifiés disparaîtront massivement au profit de postes demandant de grandes capacités créatives, qu’une baisse importante du QI raréfierait. Mais le risque irait plus loin qu’un chômage de masse. Il est sans doute impossible d’interdire l’IA, mais il n’est pas envisageable d’accepter notre marginalisation face aux cerveaux de silicium » prophétise, un brin tragique, Laurent Alexandre.

Des éléments perturbants

La démonstration par trop apocalyptique n’est pas partagée par tous. D’abord, beaucoup ont déjà invité à prendre quelques distances avec l’outil de mesure qu’est le QI, qui en tout état de cause n’est probablement pas un bon étalon pour évaluer la vivacité de nos "capacités créatives". Mais d’autres, reconnaissant que casser le thermomètre n’a jamais permis de faire baisser la fièvre, admettent que la baisse parallèle du QI dans de nombreux pays du monde doit interroger. A cet égard, plusieurs chercheurs rejoignent Laurent Alexandre sur les causes à explorer et notamment l’exposition aux perturbateurs endocriniens. En la matière aussi, le praticien et philosophe n’hésite pas à se faire grandiloquent en exhortant : « Après les mensonges du "dieselgate" exigeons la vérité sur les pollutions  qui menacent nos cerveaux et sont les alliés objectifs de l’IA, et faisons-en une priorité politique ».

Plus posément, d’autres chercheurs estiment que les méfaits des polluants chimiques sur les capacités cérébrales et cognitives devraient faire l’objet d’explorations plus poussées. Dans son ouvrage, Le Cerveau endommagé, Barbara Demenix (CNRS/Muséum national d’histoire naturelle) accuse ainsi clairement les différents perturbateurs endocriniens de nuire au développement neurologique.

Elucubrations

Au-delà de ces risques environnementaux et nutritionnels (par le biais des pesticides), cette baisse du QI donne lieu à des interprétations très diverses et dont certaines s’éloignent dangereusement du champ scientifique pour flirter avec des considérations politiques inquiétantes. Outre l’accusation portée sur les réseaux sociaux et internet, sur le déclin de l’éducation, certains suggèrent que les personnes les plus intelligentes se reproduiraient moins. D’autres enfin pointent du doigt les méfaits de l’immigration sans plus aucun fondement scientifique. Des élucubrations qui rappellent une nouvelle fois combien bien plus que le test du QI, ce sont les discours qu’il favorise qui peuvent être potentiellement à risque.

Aurélie Haroche

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