Au cours de la maladie d’Alzheimer, une immunisation vis-à-vis du peptide amyloïde bêta (Aβ42) utilisé dans son intégralité pourrait favoriser la clairance des plaques amyloïdes qui s’accumulent au sein du cerveau, au fur et à mesure que la maladie évolue. De ce fait, le processus neurodégénératif pourrait être freiné, au point d’améliorer le pronostic fonctionnel et vital. La démonstration passe par diverses étapes : 1) établir une relation entre la réponse immunitaire à l’administration du peptide Aβ42 ; 2) apprécier la clairance des plaques amyloïdes ; 3) évaluer les effets à long terme d’une telle stratégie quelque peu révolutionnaire. Une étude de phase I illustre cette approche originale de la maladie.
En septembre 2000, 80 patients atteints d’une maladie d’Alzheimer ont été inclus dans un essai randomisé de phase I, mené contre placebo, destiné à évaluer l’efficacité de l’immunisation contre le peptide Aβ42. En juin 2003, les participants ou ceux qui les prenaient en charge ont donné leur consentement pour un suivi clinique à long terme et/ou un examen neuropathologique post-mortem.
Le suivi a été considéré comme complet en septembre 2006. Les plaques ont été évaluées au niveau du cortex, sous la forme d’un pourcentage de la surface cérébrale atteinte, grâce à un immunomarquage par le peptide Aβ (charge en Aβ). L’élimination des plaques a été appréciée au moyen d’une analyse histopathologique. La survie des 80 patients jusqu’à l’installation d’une démence sévère, ou jusqu’au décès, a été, pour sa part, étudiée à l’aide du modèle des risques proportionnels de Cox.
Vingt participants sont décédés avant le début du suivi, 22 autres au cours de ce dernier. Neuf des malades décédés qui appartenaient tous au groupe traité avait donné leur consentement pour une analyse post-mortem. L’un de ceux-ci n’est pas mort de sa maladie neurologique, de sorte qu’il a été sorti de l’analyse. Il est donc resté en tout et pour tout huit patients qui ont pu bénéficier de l’examen neuropathologique programmé. Celui-ci a révélé que chez les malades du groupe traité par immunisation spécifique, la charge moyenne en Aβ s’est révélée inférieure à celle d’un groupe de témoins, appariés selon l’âge au moment du décès, soit 2,1+/-0,7 % versus 5,1+/-0,9 % (p=0,02).
Malgré les variations considérables de la charge en Aβ et de l’élimination des plaques amyloïdes chez les patients traités, cette dernière variable a été significativement associée aux taux moyens d’anticorps atteints au cours de la phase thérapeutique (kruskal-Wallis p=0,02).
Sept des huit patients immunisés et décédés étaient atteints d’une démence sévère, en phase terminale, y compris ceux chez lesquels l’élimination des plaques amyloïdes était virtuellement complète. Au sein de la cohorte considérée dans sa totalité, la survie n’a pas été améliorée (risque relatif [RR]=0,93 ; p=0,86 versus placebo). Le délai avant l’installation d’une démence sévère n’a pas été significativement augmenté par le traitement (RR=1,18 ; p=0,73 vs placebo).
Cette étude randomisée de phase I porte sur un effectif restreint, ce qui limite sa portée. Elle n’en suggère pas moins que l’immunisation du malade au moyen du peptide Aβ42 augmente la clairance des plaques amyloïdes, sans pour autant prévenir ou ralentir la progression du processus neurodégénératif.
Dr Peter Stratford