Amylose à transthyrétine : un nouvel espoir avec CRISPR-Cas9

L’amylose systémique héréditaire liée à la transthyrétine (ATTR) est une maladie orpheline dont les manifestations cardiaques et neurologiques sont au premier plan. C’est l’accumulation tissulaire de cette protéine amyloïde anormale qui est à l’origine de ces dernières et qui conditionne son pronostic très péjoratif. Les formes héréditaires, qui ne sont pas les plus fréquentes (pas plus de 50 000 cas diagnostiqués dans le monde), résultent de plus d’une centaine de mutations du gène TTR responsable (18q12.1). Elles conduisent au décès dans les deux à six années qui suivent le diagnostic dès lors qu’il existe une cardiomyopathie amyloïde, la durée de la survie étant plus longue (4 à 17 années) en l’absence de cette dernière, alors que le tableau clinique peut se résumer à une polyneuropathie.

Arme du silence et CRISPR-Cas9

Les moyens thérapeutiques actuels passent par la réduction de la formation de la transthyrétine anormale. Cette option est depuis peu accessible à une classe pharmacologique nouvelle, celle des ARN interférents capables de réduire au silence le gène défectueux en le privant de son expression par le biais de la dégradation de l’ARN messager. Cette "arme du silence" constitue une véritable révolution thérapeutique qui relève du domaine de la thérapie génique mais il semble bien que ce ne soit pas la seule si l’on en juge d’après les résultats d’une étude ouverte pilote.

C’est une autre prouesse de la thérapie génique qui a été évaluée, celle qui repose sur les technologies de modification du génome, notamment la plus récente dite CRISPR (clustered regularly interspaced short palindromic repeats) utilisant une nucléase appelée Cas9 (CRISPR-associated protein 9) pour cliver spécifiquement l’ADN chromosomique. Cette action génomique ciblée déclenche l’intervention des systèmes de réparation endogène de l’ADN, tout en diminuant la synthèse de la protéine défectueuse bien en amont de l’ARN messager.

En tant que maladie monogénique, l’ATTR héréditaire constitue une cible idéale pour cette thérapie révolutionnaire, d’autant que la protéine visée est produite de manière quasi-exclusive (99 %) par le foie, facilement accessible à divers vecteurs tels les nanoparticules lipidiques.

Résultats encourageants pour six patients

C’est là le support biologique du NTLA-2001, un médicament qui rentre dans ce cadre et qui fait l’objet d’un essai thérapeutique ouvert de phase 1 dans lequel ont été inclus six patients atteints d’une ATTR héréditaire révélée par une polyneuropathie.

Le NTLA-2001 a été administré par voie intraveineuse à doses croissantes (0,1 ou 0, 3 mg /kg) sous la forme de nanoparticules lipidiques contenant l’ARN messager de la protéine Cas9 et un ARN ciblant le gène TTR. Les résultats intermédiaires de cette petite étude pilote quoique préliminaires apparaissent favorables. Les études précliniques avaient au demeurant révélé qu’une dose unique de NTLA-2001 était suffisante pour induire un knockout prolongé du gène TTR.

Les perfusions de NTLA-2001 ont été bien tolérées, aucun évènement indésirable sérieux n’étant à déplorer dans les 28 jours qui les ont suivies. Des effets pharmacodynamiques dose-dépendants ont été observés, notamment une diminution des concentrations sériques moyennes de la TTR, de l’ordre de 52 % (extrêmes, 47 à 56) après la dose de 0,1 mg/kg) et de 87 % (extrêmes, 80 à 96) après la dose de 0,3 mg/kg.

Les résultats intermédiaires de cette petite étude de phase 1 menée chez 6 patients atteints d’ATTR héréditaire sont donc encourageants, de quoi susciter un peu d’espoir dans cette maladie orpheline incurable où la thérapie génique a déjà fait parler d’elle il y a peu…

Dr Peter Stratford

Référence
Gillmore JD et coll. : CRISPR-Cas9 In Vivo Gene Editing for Transthyretin Amyloidosis. New Engl J Med 2021 ; publication avancée en ligne le 26 juin. DOI: 10.1056/NEJMoa2107454.

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