
Si une maladie rare fait assez souvent la Une du New England Journal of Medicine, il est exceptionnel que 3 articles et un éditorial d’une seule édition de la prestigieuse revue soient consacrés à une affection orpheline. C’est pourtant le cas en ce mois d’août avec un numéro presque entièrement dévolu au traitement de l’angio-œdème héréditaire (AOH). Rappelons qu’il s’agit d’une affection génétique à transmission autosomique dominante atteignant un sujet sur 10 000 à 100 000 selon les estimations. Elle est liée dans la majorité des formes à des altérations du gène codant pour l’inhibiteur de la C1-estérase (C1-INH). Les patients présentent des épisodes d’œdème sous cutané non prurigineux atteignant la face, le tube digestif ou le larynx (et alors potentiellement mortel).
Jusqu’à il y a très peu de temps le traitement des crises était très différent en Europe et aux Etats-Unis. En Europe en effet, on dispose depuis 1976 de C1-INH plasmatique (pasteurisé depuis 1985) administrable par voie veineuse lors des crises graves avec de très bons résultats. Mais jusqu’en 2009, le produit n’était pas autorisé aux Etats-Unis en raison d’un risque théorique de transmission d’agents infectieux.
Des études cliniques concernant trois nouveaux produits sont publiées aujourd’hui par le New England Journal of Medicine.
Un produit nanofiltré
Le premier médicament testé est un C1-INH plasmatique pasteurisé ayant bénéficié de plus d’une nanofiltration (avec des filtres de 15 nanomètre de diamètre) pour éliminer tout risque de transmission virale. Au cours de deux études cliniques randomisées, ce nouveau produit a démontré son efficacité en urgence dans la prise en charge des crises (diminution de 50 % de la durée des crises) (1). De plus son administration prophylactique sur une période de 12 semaines a permis de réduire de moitié la fréquence des attaques d’œdème (d’environ une par semaine à une tous les 15 jours). Ce produit est autorisé aux Etats-Unis en prévention depuis 2008.
Un inhibiteur de la kallicréine
Le second produit est l’ecallantide. Il s’agit d’un inhibiteur recombinant de la kallicréine qui intervient dans la physiopathologie de l’œdème de l’AOH (en augmentant les taux de bradykinine). Ce nouveau médicament a été testé par voie sous cutanée dans le cadre d’un essai en double aveugle lors de crises survenues chez 71 patients (2). Il a permis une diminution significative du score de gravité à la 4ème heure (p=0,004). L’ecallantide a reçu son AMM aux Etats-Unis en 2009 (mais n’est pas encore autorisé en Europe).
Un bloqueur des récepteurs B2 de la bradykinine
Le troisième médicament est l’icatibant. C’est un antagoniste sélectif des récepteurs B2 de la bradykinine ayant reçu une AMM en Europe depuis 2008. Au cours de deux essais contrôlés en double aveugle conduits chez 130 patients (FAST-1 et 2), il a montré, par voie sous cutanée, une supériorité significative (p<0,001) sur l’acide tranéxamique (traitement classique des crises aux Etats-Unis) et a amélioré la vitesse de régression des symptômes par rapport au placebo (de façon toutefois non significative ; p=0,14). L’icatibant n’est pas autorisé aux Etats-Unis jusqu’à maintenant.
Ainsi en 3 ans, pour une affection pour laquelle il n’existait aucun traitement satisfaisant (tout au moins aux Etats-Unis), on est passé à une panoplie large de thérapeutiques (autorisées ou en cours d’approbation).
Pour guider leur choix les cliniciens pourront, il faut l’espérer, s’appuyer sur des études comparatives mais aussi sur des considérations pratiques tenant au mode d’administration de ces médicaments (la voie sous cutanée permettant seule l’auto-injection) et à leurs conditions de stockage et de conservation (4).
Dr Nicolas Chabert