Antiacides et antibiotiques avant 6 mois augmentent le risque de maladie coeliaque

La maladie coeliaque (MC) est une entéropathie à médiation immune liée à une sensibilisation permanente au gluten chez des individus génétiquement prédisposés. Son incidence estimée à 1 % de la population des pays occidentaux a augmenté depuis 30 ans mais seulement un cas sur 5 est diagnostiqué. Cette augmentation est liée en partie à un meilleur dépistage et aussi à des facteurs d’environnement qui contribuent à accroître la perméabilité intestinale et modifier le microbiome comme les diarrhées infectieuses. Parmi ces facteurs, les inhibiteurs de la pompe à proton (IPP), les antagonistes des récepteurs H2 de l’histamine (ARH2) et les antibiotiques pourraient jouer un rôle.

La durée d’administration et la polymédication accroissent encore le risque

Des auteurs du département de pédiatrie du Centre Médical National Militaire de Bethesda ont utilisé les données des enfants enregistrés dans le système de santé dans les 35 jours suivant la naissance entre 2001 et 2013. Les codes diagnostiques ont permis de rechercher les associations entre MC et la prise des médicaments, leur posologie et la durée, pendant les 6 premiers mois de vie. Le modèle de régression de Cox a été utilisé pour calculer le rapport de risques (RR) de développer une MC en fonction de l’exposition aux médicaments. Les autres variables analysées étaient la prématurité et la naissance par césarienne : 26 % étaient nés par césarienne, 4 % étaient prématurés mais les enfants hospitalisés plus de 7 jours en période néonatale ont été exclus en raison des interférences possibles liée à une antibiothérapie et la modification du microbiome.

Au total, le suivi a été en médiane de 4,6 ans (1-13 ans) ; 19 % des enfants avaient eu une prescription d’antibiotiques, 8 % d’ARH2 et 2 % d’IPP. Un diagnostic de MC a été posé pour 1 704 enfants à l’âge médian de 3,5 ans (IIQ 1,8-6,1). Après ajustements, le risque de développer une MC était augmenté après exposition aux IPP : RR 2,23 (IC 1,76-2,83), aux ARH2 : RR 1,94 (IC 1,67-2,26) et aux antibiotiques : RR 1,14 (IC 1,02-1,28). En revanche, la césarienne et la prématurité n’augmentaient pas le risque de MC. La durée de la prise d’antiacide influait également sur le risque : IPP pendant moins de 60 jours RR 1,94 vs > 60 jours RR 2,71 ; ARH2 < 60 jours RR 1,65 vs > 60jours RR 2,34. La prise de plusieurs médicaments augmentait encore le risque, avec 3 : RR 5,43. Les auteurs avancent plusieurs mécanismes possibles pour expliquer ces résultats : dégradation des protéines, perméabilité muqueuse, modification du microbiome, réactivité immunitaire.

En conclusion, cette étude montre une augmentation du risque de maladie cœliaque par la prise d’antibiotiques, d’inhibiteur de la pompe à protons et d’antagonistes au récepteur H2 de l’histamine pendant les 6 premiers mois.

Pr Jean Jacques Baudon

Référence
Boechler m et coll. : Acid suppression and antibiotics administered during infancy are associated with celiac disease. J Pediatr 2023;254:61-67. doi: 10.1016/j.jpeds.2022.10.013.

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Vos réactions (1)

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    Le 28 mars 2023

    C'est-à-dire qu'avant l'apparition de la maladie cœliaque, il est possible que le terrain (génome + exposome) qui lui est favorable prédispose à la survenue de symptômes divers, lesquels motivent un surplus de prescriptions.
    Il est certain que la prescription chez un nourrisson d'IPP en l'absence d'une raison formelle (rarissime) est une faute qui perturbe gravement l'acquisition d'un microbiote intestinal sain.
    Il est non moins certain que la prescription abusive, a fortiori répétée, d'antibiothérapies dans la petite enfance est aussi une faute susceptible d'avoir les mêmes conséquences.
    Il est enfin fortement soupçonné qu'une dysbiose intestinale dans l'enfance compromet la constitution d'une bonne immunité. Il est postulé que les pathologies dysimmunitaires sont favorisées, si ce n'est entièrement causées, par une interaction nocive entre les microbes intestinaux (bactéries, archées, levures, protozoaires, virus) et le complexe appareil intestinal.
    Néanmoins, la preuve que ce sont les facteurs iatrogènes qui provoquent les maladies ultérieures est manquante. Ce sont peut-être ces maladies ultérieures qui s'annoncent par des symptômes expliquant des prescriptions. Les deux phénomènes pourraient être intriqués à des degrés divers.
    La causalité inverse étant le plus courant des biais cognitifs, les seules données rétrospectives disponibles à ce jour ne permettent pas de faire la part des choses. Il manque encore des études prospectives massives, bien difficiles à réaliser de manière rigoureuse.

    Dr Pierre Rimbaud

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