Antisepsie pré-opératoire : la chlorhexidine alcoolique, médaille d’or

Les infections du site opératoire demeurent une complication dont la fréquente est estimée aujourd’hui à environ 1 % des interventions chirurgicales aux Etats-Unis. Ce risque dépend à la fois de la technicité du chirurgien, du type d’intervention  (classée en « chirurgie propre », « chirurgie propre contaminée », « chirurgie contaminée » et « chirurgie sale et infectée ») (voir tableau) et du patient lui-même (état général et colonisation éventuelle par un Staphylococcus aureus). On conçoit donc que l’un des facteurs principaux sur lequel on puisse espérer agir préventivement soit l’antisepsie cutanée. Mais malgré l’importance de la question on ne disposait pas jusqu’ici d’études randomisées de grande ampleur permettant de comparer entre elles différentes préparations antiseptiques dans cette indication.

Cette lacune est comblée avec la publication du travail d’une équipe américaine multicentrique. Rabih Darouiche et coll. ont inclus 897 sujets devant bénéficier d’une chirurgie « propre contaminée » dans cette étude. Les interventions concernaient le tube digestif, le thorax, l’appareil gynécologique ou le système urinaire. Ces patients ont été randomisés entre une antisepsie du site opératoire par une préparation de chlorhexidine alcoolique (2 % de gluconate de chlorhexidine et 70 % d’alcool) ou par une solution aqueuse de 10 % de povidone iodée. Le critère principal de jugement était la survenue dans les 30 jours d’une infection du site opératoire. Ce diagnostic était porté par des investigateurs ignorant à quel antiseptique les patients avaient été assignés.

Une réduction du risque de 41 %

Les résultats de 849 participants ont pu être analysés en intention de traiter. La chlorexidine s’est révélée significativement plus efficace que la povidone iodée avec 9,5 % d’infections du site opératoire contre 16,1 % (diminution du risque de 41 % avec la chlorexidine [intervalle de confiance à 95 % entre 15 et 59 % ; p=0,004]). Dans le détail, les taux d’infections superficielles et profondes de la plaie opératoire ont été respectivement de 4,2 et 1 % avec la chlorexidine et de 8,6 et 3 % avec la povidone iodée. En revanche les infections d’un organe profond ont eu une fréquence similaire dans les deux groupes (4,4 et 4,5 %). La tolérance des deux produits a été équivalente (0,7 % de prurit ou d’érythème au niveau de la plaie opératoire dans les deux groupes). Sur le plan microbiologique, le type de bactéries isolées des plaies infectées était similaire dans les deux groupes à l’exception d’une sous-représentation des streptocoques chez les patients traités par povidone iodée.

La chorhexidine qui s’était déjà révélé plus efficace que la povidone iodée pour la prévention des infections systémiques après pose d’un cathéter lui est donc supérieure pour réduire le risque d’infection de la plaie opératoire. Pour les auteurs, cet avantage clinique doit être lié à son action antiseptique plus rapide et plus prolongée.

Pour l’éditorialiste du New England Journal of Medicine (2), la chorhexidine alcoolique doit donc être préféré dès maintenant à la povidone iodée comme antiseptique cutané pré-opératoire.

 

Tableau

Classe I : Chirurgie propre  Incisions primitivement fermées non drainées, non traumatiques, sans inflammation ni faille dans la technique d'asepsie, en l'absence d'ouverture de l'oro-pharynx, du tube digestif, de l'appareil génito-urinaire ou des voies respiratoires. 
Classe II : Chirurgie propre contaminée 

Ouverture de l'appareil génito-urinaire en l'absence d'uroculture positive ; ouverture des voies respiratoires, du tube digestif dans de bonnes conditions et sans contamination anormale ; ouverture de l'oro-pharynx ou des voies biliaires en l'absence de bile infectée ; ruptures minimes d'asepsie et drainages mécaniques.

Classe III : Chirurgie contaminée  Plaies traumatiques récentes (moins de 4 heures) ; ouverture du tractus biliaire ou génito-urinaire en présence de bile ou d'urines infectées ; contaminations importantes par le contenu du tube digestif ; ruptures majeures d'asepsie ; interventions en présence d'inflammation aiguë sans pus. 
Classe IV : Chirurgie sale et infectée  Plaies traumatiques souillées ou traitées de façon retardée (plus de 4 heures) ; présence de tissus dévitalisés, d'inflammation bactérienne avec pus, de contamination fécale ou de corps étrangers ; viscères perforés. 

Dr Céline Dupin

Références
1) Darouiche R et coll. : Chorhexidine-alcohol versus povidone-iodine for surgical-site antisepsis. N Engl J Med 2010 ; 362 : 18-26.
2) Wenzel R. Minimizing surgical-site infections. N Engl J Med 2010 ; 362 : 75-77.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (4)

  • Et une solution alcoolique de povidone iodée ?

    Le 11 janvier 2010

    Cette étude, concluant à la supériorité d'une solution alcoolique de chlorhexidine à une solution aqueuse de povidone iodée, ne permet pas de façon rigoureuse de préférer la chlorhexidine à la povidone iodée.
    Il serait (il aurait été) intéressant de disposer plutôt des résultats d'une étude comparant une solution alcoolique de chlorhexidine à une solution alcoolique de povidone iodée : cette dernière étant de plus en plus utilisée de préférence à une solution aqueuse.

  • Ue étude comparant 4 produits est nécessaire

    Le 11 janvier 2010

    Cette étude, manifestement très intéressante, reste insuffisante. Elle n'a pas comparé la chlorhexidine alcoolique à la povidone iodé alcoolique. En effet, je m'interroge sur le rôle de l'alcool dans le pouvoir antiseptique de ces produits. Il nous faut une étude plus puissante, comparant quatre produits, chlorhexidine alcoolique et aqueuse, povidone iodé alcoolique et aqueuse.
    N. Drouet
    Président CLIN - Clinique de Chartreuse (Voiron, 38)

  • Et l'eau oxygéné ?

    Le 13 janvier 2010

    Il y a un très grand effort de promotion pour ce produit...Proposé même comme scolicide ...
    Les chirurgiens militaires aiment bien désinfecter les plaies souillées (terre, débris de vêtements, etc) à l'eau oxygénée 10 vol (3 %). La mousse déterge et fait "remonter" les débris Nous l'utilisons systématiquement à ventre ouvert et pour toutes les plaies.
    Elle sert aux lavages péritonéaux.
    Elle nettoie les incisions avant fermeture.
    La mousse ne doit pas être aspirée ou "balayée » trop vite, en tous cas pas avant que le dégagement gazeux (la mousse) ne s'arrête ...
    Pour la peau avant incision, nous n'avons jamais trouvé avantage à la povidone iodée : elle a les inconvénients de l'iode, sans les avantages « décapants-dégraissants » de l'alcool. .
    L’eau oxygéné est beaucoup moins cher que les autres produits ...
    Mais comme a dit un américain : H2O2 n'est pas brevetable, ne bénéficie d'aucun "sponsoring" et est tellement bon marché ... : donc pas d'avenir "commercialement intéressant" !
    Pr Ghalib Djilali (hôpital de Ain Taya - Alger – Algérie)

Voir toutes les réactions (4)

Réagir à cet article