
L’infarctus du myocarde reste l’une des complications vasculaires majeures après une intervention chirurgicale non cardiaque. Les mécanismes qui en sont responsables sont complexes, interdépendants et parfois contradictoires : hémorragies, tachycardie, hypertension ou hypotension, spasme coronaire, etc.
La chirurgie non cardiaque est associée à une activation plaquettaire qui elle-même pourrait être à l’origine d’une thrombose des coronaires, provoquant l’infarctus myocardique post-chirurgical. La formation de ce thrombus pourrait être évitée par la prise préventive d’aspirine en péri-opératoire. L’aspirine a bien fait la preuve de son intérêt dans la prévention de l’infarctus du myocarde et d’accidents vasculaires majeurs chez des patients en dehors de situations chirurgicales.
Le New England Journal of Medicine publie les résultats d’une étude réalisée sur plus de 10 000 patients, à risque de complications vasculaires, en attente d’une intervention chirurgicale non cardiaque. Les patients ont été divisés en deux groupes, les uns recevant de l’aspirine (n = 4 998), les autres un placebo (n = 5 012). Le traitement a été débuté à la dose de 200 mg juste avant l’intervention, et poursuivi à 100 mg pendant 30 jours chez les 5 628 patients qui en prenaient pour la première fois ou pendant 7 jours chez ceux qui étaient sous aspirine au long cours qui continuaient ensuite selon leur posologie habituelle. Les auteurs précisent avoir exclu de l’étude les sujets ayant bénéficié de la pose d’un stent nu depuis moins de 6 semaines ou d’un stent actif depuis moins d’1 an.
L’objectif de l’étude était de comparer l’incidence à 30 jours des décès et des infarctus non létaux chez les sujets sous aspirine et ceux sous placebo.
Cette incidence est de 7 % chez les premiers et de 7,1 % chez les seconds (Hazard ratio [HR] 0,99 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] 0,86 à 1,15). En revanche, le risque d’hémorragie sévère est significativement augmenté sous aspirine (4,6 % vs 3,8 % ; HR 1,23 ; IC 1,01 à 1,49), le saignement survenant le plus souvent au niveau du site opératoire (78,3 %) ou gastro-intestinal (9,3 %). Les résultats sont les mêmes dans les deux sous-groupes, c’est-à-dire les patients n’ayant jamais pris d’aspirine et ceux en traitement continu.
Les auteurs, estiment que ces résultats suggèrent non seulement que l’aspirine en péri-opératoire ne diminue pas le risque de décès et d’infarctus, mais aussi que les patients sous aspirine au long cours devraient interrompre leur traitement au moins 3 jours avant l’intervention pour le reprendre 8 à 10 jours après, quand le risque hémorragique a diminué. Une attitude qui doit sans doute être revue au cas par cas.
Dr Roseline Péluchon