Assistance sexuelle aux personnes handicapées : la position du comité d’éthique est hypocrite !

Par Pascale Ribes, présidente de l’association CH(s)OSE*

 

Paris, le samedi 30 mars 2013 – L’assistance sexuelle pour les personnes handicapées : la France en parle beaucoup, mais pratique peu ! Les discussions (fiévreuses) autour de cette notion complexe et à bien des égards encore floue se sont en effet multipliées ces dernières années et plus encore ces dernières semaines avec successivement la publication d’un avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur le sujet, la sortie du film américain The Sessions et la proposition du conseil général de l’Essonne qui suggérait (avant plus ou moins de se rétracter) de lancer une réflexion sur ce thème.

Toujours, les critiques fusent de ceux et surtout de celles qui refusent de se pencher sur un dispositif qu’ils assimilent immédiatement à la prostitution. Par ailleurs, les difficultés  innombrables soulevées par la notion d’assistance sexuelle conduisent plus d’un observateur à renoncer avant même d’initier une réflexion. L’état du débat en France ne peut que désoler les associations de défense de personnes handicapées qui sont nombreuses, parmi les plus importantes et les plus influentes, à défendre « la création de dispositifs associatifs ou publics concernant la vie affective et sexuelle des personnes majeures en situation de handicap », pour reprendre l’expression de l’association CH(s)OSE. Cette dernière est une émanation du Collectif handicap et sexualité qui réunit l’Association française contre les myopathies (AFM), l’Association des paralysées de France (APF), la Coordination handicap autonomie (CHA), le Groupement pour l’insertion des personnes handicapées physiques (GIHP) et Handicap international. Pour le JIM, la présidente de cette organisation revient sur l’avis négatif du CCNE et dénonce la perception des personnes handicapées que révèlerait en creux cette prise de position.

 

Le Comité national consultatif d’éthique (CCNE) a rendu, il y a quelques jours, un avis défavorable à la reconnaissance de l’assistance sexuelle pour les personnes en situation de handicap en France. Pour notre association CH(s)OSE, qui se bat pour un accès à la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap, cet avis réducteur et moralisateur laisse sans réponse les personnes en situation de handicap n’ayant pas accès à leurs corps.

Ce texte stigmatisant ghettoïse les personnes en situation de handicap qui sont présentées comme « vulnérables » et « susceptibles d’un transfert affectif envers l’assistant sexuel ». Par ailleurs, l’utilisation du mot « patients » pour désigner les personnes en situation de handicap est une manière d’ôter aux personnes leur capacité de décision en faveur des professionnels du secteur médico-social.

Le Comité d’éthique ignore la réalité du handicap

Pour le CCNE la seule solution est de favoriser la rencontre. Cela ne se décrète pas et cela ne suffit pas pour répondre à la demande ! De plus comment permettre la rencontre pour des personnes dont les déplacements sont difficiles voire impossibles et qui ont besoin d’un tiers dans cette rencontre ? Et comment permettre l’acte sexuel entre deux personnes qui ne peuvent l’accomplir sans aide ? Le CCNE ne semble pas tenir compte de la réalité des situations de handicap en France et continue d’entretenir une forme d’hypocrisie en laissant la porte ouverte à des initiatives individuelles qui ne garantissent nullement d’échapper aux abus. En dédouanant l’État de sa responsabilité, les risques ne sont pas éradiqués, bien au contraire.

Les bénéfices de l’épanouissement sexuel passés sous silence

Et même si la formation des personnels soignants et éducatifs à la sexualité des personnes en situation de handicap est absolument nécessaire (ce que notre association préconise également), elle ne peut en aucun cas suffire pour découvrir son propre corps autrement qu’à travers le soin et les traitements.

Il est également regrettable de constater que, pas une seule, fois l’avis ne fait référence à la santé sexuelle, à la fois vecteur d’épanouissement personnel et de réduction des risques. La question de la santé sexuelle des personnes lourdement handicapées n’est absolument pas prise en compte. Or la sexualité est reconnue comme une dimension fondamentale de la personne humaine, elle fait partie intégrante de la santé et de la qualité de vie.

Sortir des fantasmes autour de l’assistance sexuelle

Enfin, assimiler à tort l’assistance sexuelle à la prostitution, n’a rien d’un raisonnement éthique. Le film The Sessions, sorti récemment, permet de sortir des fantasmes autour de l’assistance sexuelle. Il montre les interactions entre les deux protagonistes, l’un en situation de handicap, l’autre assistante sexuelle. L’attachement qui se crée lorsque ces deux personnes se rencontrant n’est aucunement synonyme de vulnérabilité, comme le présente le CCNE, mais d’ouverture à l’autre.

Notre association demande toujours l’ouverture d’un débat public sur ce sujet important et continue de militer pour la création de services d’assistance sexuelle afin de répondre à la demande des personnes en situation de handicap et de leur famille !

Un appel pour dire OUI à l’assistance sexuelle peut être signé en ligne sur : http://assistancesexuelle.blogs.apf.asso.fr/sign.html

*http://www.chs-ose.org

 

Le titre et les intertitres sont de la rédaction du Jim

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