Associer la ventilation non invasive à l’oxygénothérapie à domicile après une poussée aiguë de BPCO

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) se complique fréquemment d’épisodes de détérioration clinique sévère nécessitant hospitalisation et support ventilatoire. En 2013, le taux de réadmission à 28 jours après de tels événements se situait vers 20 %. Il est possible que l’utilisation à domicile, en sus de l’oxygénothérapie (O2), de la ventilation non invasive (VNI) diminue les ré hospitalisations, voire même le risque de décès.

Des patients en hypercapnie persistante

Un essai multicentrique randomisé a été mis en place pour le déterminer. Il s’agit d’un essai de phase 3, ouvert, en parallèle, avec allocation 1 :1, comparant O2 seule ou en association avec une VNI à domicile. Les participants, qui tous avaient donné leur accord, ont été recrutés dans 13 centres du Royaume Uni, puis suivis pendant 12 mois. Ils devaient avoir présenté des poussées aiguës hypercapniques lors d’épisodes de décompensation de BPCO, ayant nécessité une VNI à l’hôpital, suivies d’au moins 4 semaines de stabilité clinique avec correction de l’acidose respiratoire décompensée. Ils gardaient toutefois une hypercapnie persistante (PaCO2 > 53 mm Hg) et une hypoxémie (PaO2 < 55 ou 60 mm Hg) avec polycytémie, hypertension artérielle et cœur pulmonaire. Leur saturation artérielle en O2 restait inférieure à 90 % durant au moins 30 % de leur temps de sommeil et leur PH artériel, en air ambiant, dépassait 7,30. La BPCO causale était sévère, ce dont témoignaient un volume expiré à la première seconde (VEMS1) < 50 % du volume théorique et un rapport VEMS1 sur capacité vitale forcée (CVF) < 60 %. Tous les participants étaient des tabagiques chroniques à plus de 20 paquets-années. Ils ne présentaient ni obésité, ni syndrome d’apnées du sommeil, ni maladies neuromusculaires ou pariétales thoraciques. Une intubation et une ventilation mécanique invasive durant la poussée, l’utilisation antérieure d’une VNI à domicile, des troubles cognitifs ou psychiatriques, une hémodialyse ou un syndrome coronarien instable étaient des critères d’exclusion, tout comme un âge < 18 ans ou l’absence de domicile fixe. Une stratification a été effectuée, en fonction de l’âge, de l’indice de masse corporelle, de l’importance de l’O2 à domicile, de la fréquence des hospitalisations antérieures dans les 12 mois précédents, enfin du centre de recrutement.

La VNI était délivrée par masque nasal, oro nasal ou facial complet, précédée d’une phase d’acclimatation diurne à la technique. Elle devait être au moins de 6 heures par nuit. L’O2 était administrée au débit minimal permettant d’assurer une Pa O2 > 60 mm Hg sans acidose respiratoire avec un PH > 7,30 lors d’un contrôle gazométrique effectué le matin. Elle était au moins de 15 heures par jour. Le principal résultat analysé était le délai avant la réadmission ou de décès, ajusté au nombre d’hospitalisations antérieures, à l’utilisation préalable de l’O2 en continu et à l’indice de masse corporelle. Les critères secondaires étaient la mortalité globale, la fréquence des poussées, les variations de la PaO2 et PaCO2 en air ambiant, le contrôle des désaturations nocturnes, l’essoufflement et la qualité de vie en rapport avec l’insuffisance respiratoire chronique. Tous les calculs ont été faits en intention de traiter, complétés par des analyses de sensibilité pour tester leur robustesse et par des analyses post hoc, concernant notamment les réhospitalisations précoces, dans les 28 premiers jours suivant la randomisation.

Un délai plus long avant la réadmission ou le décès avec la VNI

Sur 2 021 participants potentiels, 124 étaient éligibles et 116 randomisés entre le 21 Février 2010 et le 6 Avril 2015, 57 dans le groupe O2 + VNI et 59 dans le groupe O2 unique. Seuls, respectivement 36 et 28 sujets des 2 bras ont suivi l’intégralité des 12 mois de l’essai. Dix-sept des participants, initialement sous O2 à domicile, ont eu besoin de l’ajout d’une VNI, en cours de suivi. La cohorte présentait des signes manifestes de BPCO grave, dont témoignaient un VEMS1 moyen (SD) à 0,6 (0,2) L, un rapport VEMS1 sur CVF à 0,4 (0,1) et une hypercapnie persistante vers 59 (7) mm Hg. Le suivi médian est de 12,2 mois (IQR : 8,9- 12,9 mois) sous O2 + VNI vs 8,1 mois (IQR : 2,3 à 12,6 mois) sous O2 seule.

On ne relève, entre les 2 bras, aucune différence dans le débit d’O2 nécessaire, de l’ordre de 1,0 L/minute. Sous VNI, la pression positive inspiratoire des voies aériennes se situait à 24 cm d’H2O (IQR : 4-5), la pression positive expiratoire à 4 cm d’H2O (IQR : 4-5) et la fréquence respiratoire à 14/minute (IQR : 14- 16). La durée moyenne de VNI nocturne s’établit, à la 6e semaine à 4,7 heures/nuit (IQR : 2,5- 5,6), augmentant progressivement pour atteindre, au 12e mois, 7,6 heures/nuit (IQR : 3,6- 8,4). On note une diminution significative de la PaCO2 nocturne trans cutanée après mise en place de la VNI, ainsi que celle de la PaCO2 diurne à la 6e semaine et au 3e mois, non persistante au 12e mois, avec, en parallèle, une amélioration concomitante des conditions d’oxygénation.

Mais pas de différence pour la mortalité à 12 mois

Le délai médian avant la réadmission ou le décès est de 4,3 mois (IQR : 1,3- 13,8 mois) pour le groupe associant VNI et O2 à domicile face à 1,4 mois (IQR : 0,5-3,9 mois) pour le groupe O2 seule. Le Hazard Ratio (HR) ajusté, à 12 mois, est donc de 0,49 (intervalle de confiance à 95 % [IC] : 0,34-0,77 ; p = 0,02). A 12 mois, le risque de réadmission ou de décès se situe à 63,4 % pour le groupe O2 + VNI vs 80,4 % sous simple O2, soit une réduction absolue de 17,0 % (IC : 0,1-34 %). Des analyses per protocole et de sensibilité confirment ces premiers résultats. Une analyse post hoc des réadmissions précoces, dans les 28 jours, donne un HR ajusté à 0,26 (IC : 0,11-0,61 ; p = 0,02). A 12 mois toutefois, la mortalité globale ne diffère pas significativement entre les 2 bras : 16 patients (28 %) dans le groupe VNI + O2 vs 19 (32% ) dans le groupe O2, soit un HR ajusté à 0,67 (IC : 0,34- 1,30 ; p= 0,23). Par contre, on note une moindre fréquence de nouvelles poussées de BPCO, de l’ordre de 3,8/ an (IQR : 1,7- 6,0) vs 5,1/an (IQR : 1,0- 9,2), soit un HR ajusté à 0,66 (IC : 0,46- 0,95 ; p = 0,05). On constate enfin un bénéfice, certes modeste mais réel, de la qualité de vie chez les patients sous ventilation nocturne.

Cet essai clinique randomisé démontre donc qu’il y a une amélioration dans le délai de réadmission et de décès chez des patients en hypercapnie persistante après poussée aiguë de BPCO ayant menacé leur pronostic vital quand une VNI nocturne à domicile est associée à l’oxygénothérapie. Ces résultats tendent à s’opposer à ceux de l’essai RESCUE qui avait enrôlé des patients moins hypercapniques et, possiblement, de meilleur pronostic. Ils sont en faveur du recours à la VNI à domicile chez les malades dont l’hypercapnie persiste dans les 2 à 4 semaines suivant l’épisode d’insuffisance respiratoire aigüe avec acidose respiratoire décompensée ayant nécessité une ventilation en milieu hospitalier. Plusieurs hypothèses physiopathologiques sont susceptibles de rendre compte de cette amélioration. La VNI pourrait interférer avec la réponse ventilatoire à l’hypercapnie, notamment durant les phases d’exacerbation de BPCO. Elle pourrait également contribuer à remodeler les voies respiratoires et à améliorer l’adéquation ventilation/perfusion, voire jouer sur la sécrétion d’IL2 et de TNF qui, dans des modèles animaux, a été montrée perturbée par l’hypercapnie. Ce travail doit, de l’aveu de ses auteurs, être accompagné de quelques réserves. La pratique du double aveugle a été impossible. De plus, cet essai s’est voulu pragmatique et a laissé la possibilité, en cours de protocole, d’adjoindre la VNI à l’O2 chez certains patients. En dernier lieu, nombre de résultats secondaires n’ont été qu’exploratoires et non corrigés.

En conclusion, chez les patients présentant une hypercapnie persistante après décompensation aiguë de BPCO, la mise en place d’une VNI nocturne, couplée à l’oxygénothérapie à domicile, permet d’augmenter le délai avant réadmission ou décès dans les 12 premiers mois.

Dr Pierre Margent

Référence
Murphy P et coll. : Effect of Home Non invasive Ventilation with Oxygen Therapy vs Oxygen Therapy alone on Hospital Readmission or Death after COPD Exacerbation . JAMA, 2017 ; 317: 2177-2186. doi: 10.1001/jama.2017.4451.

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