Asthme et suicide

The American Journal of Psychiatry commente une étude taiwanaise (de Kuo & col.) réalisée sur plus de 160 000 lycéens suivis jusqu’à l’âge adulte. Les chercheurs observent que l’existence d’une symptomatologie pulmonaire et d’un asthme sont associés avec une élévation ultérieure du risque de suicide (multiplié par plus de 2). Ce constat est d’autant plus inquiétant que la prévalence de l’asthme chez les jeunes est en augmentation : aux États-Unis, plus de 10 % des adolescents sont asthmatiques, l’asthme y étant la sixième cause de décès chez les enfants de 5 à 14 ans, et le suicide la troisième cause chez les adolescents. Cette étude est la première à relier l’asthme et le suicide chez les jeunes. Elle vient ainsi amplifier dramatiquement la portée d’une étude antérieure (réalisée aux États-Unis sur près de 5 700 adultes) montrant déjà une « association significative » entre asthme et idées suicidaires, mais sans concerner des tentatives concrètes, et où ce lien épidémiologique se trouvait expliqué en partie par des facteurs socio-économiques, des conduites à risque (comme l’addiction à l’alcool) et une comorbidité psychiatrique : état dépressif, trouble panique...

Il semble exister plusieurs mécanismes expliquant l’incidence de l’asthme lui-même (ou des troubles anxieux et dépressifs associés) sur l’accroissement du risque de passage à l’acte suicidaire. L’asthme peut altérer le développement normal des jeunes en limitant leur participation aux activités sportives et sociales, en sapant leur estime de soi et en leur donnant le sentiment d’une différence avec leurs pairs. D’autre part, les jeunes touchés par l’asthme, par une rhinite allergique ou par une dermatite atopique se révèlent « deux à cinq fois plus concernés » par un retard statural ou/et pubertaire, phénomènes pouvant aussi affecter l’estime de soi et l’implication dans des relations amicales. En outre, une surprotection parentale liée à la vulnérabilité réelle ou supposée du jeune peut nuire à son développement normal et contribuer à un climat conflictuel dans la famille. Mais l’auteur rappelle que malgré ce risque élevé de troubles anxio-dépressifs chez les jeunes asthmatiques, moins de la moitié d’entre eux bénéficient d’une évaluation du point de vue psychiatrique, et moins du quart d’une prise en charge !

Dr Alain Cohen

Références
Wayne Katon. Asthma, suicide risk, and psychiatric comorbidity. Am J Psychiatry ; 167 (9) : 1020-1022.

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