
L’arthrose est d’abord et avant tout une maladie du cartilage,
dont la détérioration progressive est non seulement d’origine
mécanique, mais aussi tributaire de processus biologiques actifs
faisant intervenir divers médiateurs de l’inflammation tels les
cytokines ou encore les métalloprotéases. Un facteur vasculaire est
également évoqué, les éléments en faveur de cette hypothèse
provenant d’études ciblées sur le genou.
L’artère poplitée est en effet facilement accessible à
l’échographie ou à l’IRM et à partir de ces imageries on peut en
estimer l’épaisseur de la paroi, un biomarqueur corrélé à
l’athérosclérose, quelque peu prédictif du pronostic de la maladie
cardiovasculaire. Il était donc tentant de rechercher une relation
entre ses variations et la progression d’une gonarthrose
symptomatique.
C’est là l’objectif d’une étude de cohorte dans laquelle ont
été inclus des patients qui participaient à un essai randomisé,
mené à double insu contre placebo, destiné à évaluer les effets de
l’atorvastatine sur l’évolution d’une gonarthrose symptomatique.
Les 176 participants ont bénéficié d’une IRM au début de l’étude et
au terme de deux années de suivi. Cet examen a permis de mesurer à
la fois l’épaisseur pariétale de l’artère poplitée et le volume du
cartilage tibial, en recourant à des méthodes validées par
ailleurs.
A l’état basal, une association significative a été mise en
évidence entre paroi artérielle et cartilage. Ainsi, chaque
augmentation de 10 % de l'épaisseur de la paroi de l'artère
poplitée a été associée à une diminution du volume du cartilage
tibial de l’ordre de 120,8 mm3 (intervalle de confiance à 95 % IC
95 % : 5,4- 236,2, p= 0,04) dans le compartiment médial et de 151,9
mm3 (IC 95 % : 12,1-291,7, p= 0,03) dans le compartiment
latéral.
Où perte de cartilage du genou et augmentation de l’épaisseur de la paroi de l’artère poplitée vont de pair
Il en a été de même au cours du suivi : ainsi, pour chaque
augmentation de 10 % de l'épaisseur de la paroi de l'artère
poplitée, le taux annuel de perte de volume du cartilage tibial
médial a augmenté de 1,14 % (IC 95 % : 0,09 %-2,20 %, p = 0,03). Le
risque de progression rapide de l’arthrose dans ce compartiment du
genou (définie par une perte de cartilage située dans le quartile
supérieur) a été multiplié par 2,28 (IC 95 % : 1,07-4,83, p =
0,03). Ces relations ont été mises en évidence après ajustement en
fonction de l'âge, du sexe, de l'indice de masse corporelle, de la
surface osseuse tibiale, du tabagisme, de l'activité physique
intense et du groupe (atorvastatine versus placebo).
Ces associations significatives entre l’aggravation
structurelle de la gonarthrose et la majoration de l’athérosclérose
poplitée ne sont cependant en rien des liens de causalité. Les deux
processus pathologiques abordés dans l’étude évoluent parallèlement
au fil du temps et il est bien difficile de savoir qui « mène la
danse » au vu de tels résultats.
Le rôle du facteur vasculaire dans la pathogénie de l’arthrose
reste largement hypothétique à ce jour et, pour l’établir en toute
certitude, il faudrait démontrer que le traitement hypolipémiant,
en l’occurrence les statines, est bel et bien capable de ralentir
la progression des lésions articulaires dégénératives. Aucun des
essais randomisés s’inscrivant dans cette démarche n’a pour
l’instant permis d’abonder dans ce sens.
Dr Philippe Tellier