Avortement : l’Amérique plus que jamais profondément divisée

Washington, le jeudi 23 mai 2019 – Cinq cent rassemblements étaient organisés dans tous les États-Unis par des défenseurs du droit à l’avortement ce mardi. « Pas de retour en arrière », « Arrêtez d’interdire » scandaient les panneaux brandis majoritairement par des femmes. Les manifestations se déroulaient fréquemment aux abords des tribunaux et des cours suprêmes des états. Tous le savent en effet : des batailles décisives devraient prochainement avoir lieu devant la justice.

Pas d’avortement dès que les battements du cœur sont détectables

L’adoption par l’Alabama de la loi la plus restrictive des États-Unis contre l’avortement, qui menace d’une peine de prison (pouvant aller jusqu’à 99 ans !) tous les médecins pratiquant des IVG en dehors des situations où la vie de la mère est en danger a été le déclencheur de ces manifestations. Mais cette législation n’est qu’un exemple parmi de très nombreux autres des tentatives d’entraves au droit d’avorter de ces dernières années. Au cours des six premiers mois du mandat de Trump, 431 clauses locales restreignant la liberté d’avorter, ont été recensées par le Guttmacher Institute. Concernant parfois des points de détail (de la taille des parkings au rafraichissement des peintures), ces dispositions peuvent également être globales. Ainsi, six états, dont la Géorgie et le Mississippi ont interdit tout avortement à partir du moment où les battements du cœur peuvent être détectés. La limite légale est désormais de six semaines dans l’Iowa et pourrait être prochainement de huit semaines dans le Missouri.

Excessif

Toutes ces lois apparaissent contraires à l’arrêt Roe vs Wade adopté par la Cour Suprême en 1973 qui a fait de l’accès à l’avortement un droit constitutionnel. Mais aujourd’hui, la présence de cinq juges conservateurs hostiles à l’avortement pourrait bien favoriser un revirement de jurisprudence. Tous les observateurs américains ne sont pas convaincus que les juges actuels renieront totalement les conclusions de l’arrêt Roe vs Wade. D’abord parce que même Donald Trump, dont les déclarations peuvent pourtant parfois être outrancières, a récemment considéré que l’avortement devait demeurer autorisé dans les cas de viol et d’inceste (ce qui n’est pas garanti par la nouvelle loi en Alabama). Ensuite parce que les juges pourraient être réticents à aller à l’encontre d’une jurisprudence traditionnellement établie. Aussi, pourraient-ils plus certainement choisir une interprétation très large de ce qui est considéré comme « excessif ». En effet, depuis un arrêt de la Cour suprême de 1992, les États peuvent adopter des « mesures qui favorisent la naissance par rapport à l’avortement, même si ces mesures n’ont pas d’intérêt médical », à la condition qu’elles ne soient pas « excessives ». A la faveur d’une lecture très libre de cette notion vague, les juges conservateurs pourraient choisir de valider des dispositions locales rendant quasiment impossible tout avortement, trahissant l’esprit de l’arrêt Roe vs Wade sans pourtant l’invalider.

Invité des élections européennes

Face à cette situation, la riposte s’organise dans les états démocrates les plus attachés à la liberté d’avorter qui déjà accueillent régulièrement les femmes qui dans les états les plus conservateurs font face à des entraves multiples (dans six États par exemple, il n’existe qu’une seule clinique où il est possible d’avorter). Ainsi, le Nevada vient d’adopter une réforme qui dépénalise la vente sans ordonnance de médicaments provoquant des fausses couches et les IVG dites artisanales ; ce qui n’est pas sans représenter un certain danger pour la sécurité des femmes.

De son côté, le Vermont est en passe de se doter d’une loi qui fait du droit à l’avortement un « droit fondamental », ce qui doit éviter toute entrave de la part des entités publiques. Cette guerre dans une Amérique plus que jamais divisée fait réagir jusqu’en France où les candidats à l’élection européenne ont souvent été interrogés sur l’actualité américaine. Certains n’ont pas caché leur agacement face à ce sujet. Ainsi, le refus de François-Xavier Bellamy de considérer comme manifestement excessives les entraves à l’IVG adoptées en Alabama ont été vivement dénoncées par le ministre pour l’Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa.

Aurélie Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions (1)

  • Eentre le féminisme pathologique et l'archaisme rétrograde

    Le 26 mai 2019

    Bien que plutôt favorable à la liberté de décision des femmes à ce sujet, nous avons vu de telles dérives sur les délais et les conditions d'avortement sous contrôle médical complètement vulgarisées qu'il ne faut pas s'étonner si un excès de "liberté morale" engendre un phénomène de Boomerang dans les milieux plus conservateurs et plus religieux. Des deux cotés cela pose un problème d'éthique internationale que les seuls politiques ne pourront résoudre. Il faudra un recours auprès des sociétés médicales les moins engagées possibles. Je crois qu'il faut revenir à l'équilibre entre le Féminisme pathologique et l'ARCHAÏSME rétrograde. Surtout à l'époque de la pilule du lendemain...Question de formation des femmes mais aussi d'éducation des hommes.

    Rude chantier au niveau planétaire.

    Dr H.A Bousquet

Réagir à cet article