Baclocur : fin de la posologie maximale de 80 mg/jour…jusqu'au prochain rebondissement

Cergy-pontoise, le mardi 16 mars 2021 – En mai 2020, l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) autorisait la mise sur le marché du Baclocur (laboratoire Ethypharm), dans l’indication de réduction de la consommation d’alcool chez les patients adultes avec dépendance et consommation à risque élevé de cette substance. Elle avait néanmoins limité cette autorisation à une posologie maximale de 80 mg par jour, provoquant la colère et l’incompréhension de nombreux experts et d’association.

Dans une décision du 4 mars, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette limitation de posologie.

Le tribunal a ainsi relevé qu’il n’existait « aucune obligation législative ou réglementaire de limiter la posologie d’un médicament dans une autorisation de mise sur le marché » et que « l’ANSM a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation en limitant à 80 mg par jour la posologie des spécialités Baclocur ».

L’étude de la CNAM étrillé par le tribunal

Pour limiter la posologie à 80 mg par jour, l’ANSM s’était basé sur les résultats d’une étude pharmaco-épidémiologique réalisée par la caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS), l’ANSM et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), en vie réelle, sur la période de 2009 à 2015, à partir des données de la base Système national d'information inter-régimes de l'Assurance maladie, SNIIRAM.

Pour la Cour « il ressort toutefois de l’ensemble des pièces produites au dossier, et notamment des analyses de nombreux scientifiques de renom, dont certains ne peuvent être regardés comme a priori favorables au traitement par baclofène, que cette étude CNAMTS-ANSM-INSERM présentait de nombreuses approximations et incertitudes, tenant notamment au fait qu’aucune conclusion ne pouvait être tirée de ses résultats, extrapolés statistiquement et s’agissant des patients traités par baclofène, en l’absence de toute donnée médicale sur les patients concernés et notamment de leur consommation d’alcool, de l’importance de cette consommation, de la réalité des doses prises dans un contexte de prescription non encadrée par la RTU, mise en place seulement en 2014. Les résultats de cette étude ne permettent pas davantage de faire de lien entre la prescription de baclofène aux patients concernés et les hospitalisations et décès qu’elle met en avant. Il en résulte que, contrairement à ce que fait valoir l’ANSM, il n’existe pas de lien de causalité entre la consommation au-delà de 80 mg par jour de baclofène et les hospitalisations, alors qu’aucune preuve de décès par prise de baclofène, même à hautes doses, ne résulte de cette étude dans les conditions normales d’emploi du médicament. Il existe par ailleurs un doute sur le seuil de 80 mg retenu par l’ANSM, dès lors que l’étude CNAMTS-ANSM-INSERM précise qu’en dessous de 180 mg, les risques d’hospitalisations et de décès apparaissent diffus alors qu’ils « augmentent à des doses supérieures à 180 mg/j et qu’ils concernent particulièrement les intoxications, l’épilepsie et les morts inexpliquées ».

Vers de nouveau rebondissement

Il ne devrait pas s’agir de l’ultime rebondissement de l’affaire du Bacloféne qui court depuis plus de 30 ans. « L’agence va faire appel », a ainsi réagi l’ANSM.

« Nous nous réjouissons de la première reconnaissance, par la justice, de la supercherie scientifique à laquelle l’Agence a participé », a commenté de son côté Thomas Maës-Martin, porte-parole du collectif Baclohelp.

Frédéric Haroche

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