
Paris, le mardi 11 juillet 2017 - La semaine dernière étaient rendus publics par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) les résultats d’une étude concernant la sécurité du baclofène prescrit dans l’alcoolo dépendance. Les conclusions étaient inquiétantes : à haute dose notamment (entre 75 mg et 180 mg/j) les risques associés au baclofène apparaissent plus importants que ceux des autres médicaments indiquées contre l’alcoolo dépendance. Par ailleurs, l’ANSM relevait que le traitement n'est pas suivi plus longtemps que les autres médicaments, donnant un indice sur sa tolérance (voire son efficacité). Face à ces résultats, en urgence, l’ANSM a décidé de modifier la Recommandation temporaire d’utilisation (RTU) et de limiter la posologie maximale à 80 mg/jour. Les spécialistes de l’addiction regrettent cette réaction rapide et qu’ils ne considèrent pas nécessairement justifiée, alors qu’ils s’étaient déjà battus contre une première version qu’ils jugeaient trop restrictive de la RTU.
Des biais majeurs, la question de l’efficacité éludée
Dans un communiqué publié aujourd’hui, la Fédération addiction et son pôle MG soulignent tout d’abord les multiples biais de l’étude et insistent notamment sur deux éléments importants. D’une part, en ne retenant dans l’étude comparative que les patients n’ayant jamais été exposés à un autre traitement de l’alcoolo dépendance avant la prise de baclofène, les auteurs ont exclu d’emblée quasiment tous les patients inclus dans la RTU (qui posait comme condition pour l’initiation du baclofène l’échec d’un autre traitement, ce qui d’ailleurs était critiqué par certains spécialistes). Par ailleurs, la Fédération addiction estime que les groupes de patients étudiés (sous baclofène et sous un autre traitement) ne sont pas comparables. Elle signale en outre, comme nous l’avions noté également, que l’étude fait l’impasse sur l’efficacité réelle du baclofène.
Les prescriptions hors AMM vont reprendre
Dans un second temps, l’organisation critique la précipitation de l’ANSM et aurait préféré qu’elle s’en remette au Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) et attende les résultats définitifs de l’étude Bacloville. L’absence de consultation des médecins impliqués est qui plus est fortement regrettée. Une telle rapidité est selon les spécialistes de l’addiction dommageable pour les patients et la décision de l’ANSM sera difficile à mettre en œuvre par les médecins. Dès lors, la Fédération Addiction avertit : « Un certain nombre de médecins généralistes continueront de prescrire, hors RTU et hors AMM, les doses suffisantes de baclofène en assumant leurs responsabilités et avec toute la prudence nécessaire ». En tout état de cause, l’organisation reste convaincue des bénéfices du baclofène : « Les conséquences de l’absence de traitement à dose efficace, comme moyen de réduire les risques et les dommages liés à l’alcool, sont autrement plus lourdes que les inconvénients du baclofène », écrit-elle.
Aurélie Haroche