Face au Covid-19, tous les patients sont loin d’être égaux et
les comorbidités jouent un rôle majeur dans des inégalités qui
deviennent chaque jour plus évidentes au fur et à mesure que la
pandémie progresse. Dans ce registre, il semble que devraient
figurer les maladies respiratoires chroniques, telles que la
bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) mais aussi
l’asthme pour ne citer que deux exemples. Chez les patients
concernés, le risque de contracter la maladie devrait être plus
élevé, ainsi que la fréquence des formes cliniques sévères. Or il
n’en est rien et parmi les comorbidités exposant au risque de forme
grave, les maladies respiratoires chroniques ont tendance à être
peu représentées, à la différence du diabète ou encore de l’obésité
et de la maladie cardiovasculaire. Une situation qui paraît pour le
moins paradoxale.
Deux explications possibles
Plusieurs facteurs peuvent peut-être l’expliquer. En premier
lieu, il se pourrait que ces maladies respiratoires soient
sous-diagnostiquées en Chine d’où proviennent les premières études
d’épidémiologie descriptive. C’est peu probable, car dans une étude
italienne récente (23 mars 2020) portant sur 355 patients décédés
du Covid-19, la BPCO ne figurait pas parmi les comorbidités, alors
qu’un diabète était constaté dans 20 % des cas. Des données
étatsuniennes encore plus récentes mais limitées (7 162 patients
hospitalisés) (31 mars 2020) révèlent, pour leur part que des
maladies respiratoires chroniques sont retrouvées dans 8,5 % des
cas, alors que leur prévalence dans la population générale des
Etats-Unis est de l’ordre de 11,3 % Une autre hypothèse est
évoquée par Halpin et coll dans une lettre adressée au Lancet Resp
et publiée en ligne le 3 avril 2020. Selon ces auteurs, les
maladies respiratoires chroniques protègeraient du Covid-19 selon
des mécanismes immunitaires qui leur sont propres. Mais le fait
qu’en cas de BPCO, la mortalité liée au Covid-19 soit plus
élevée qu’en l’absence de cette comorbidité ne va guère dans
le sens de cette théorie. Aussi, les auteurs évoquent-ils une autre
possibilité : certains des médicaments prescrits dans les maladies
respiratoires chroniques joueraient un rôle protecteur. Ces
derniers réduiraient l’expression symptomatique de l’infection
virale, voire la gravité de cette dernière.
Des hypothèses à étayer
A cet égard, ils soulignent qu’en Chine, les trois quarts des
asthmatiques reçoivent une corticothérapie inhalée, cependant qu’en
cas de BPCO, seule une moitié des patients bénéfice d’un traitement
analogue à celui des pays occidentaux. In vitro, il s’avère que les
corticoïdes inhalés associés ou non aux bronchodilatateurs
s’opposent à la réplication du coronavirus et à la production de
cytokines. Aucune étude autre qu’ouverte, sans groupe témoin,
réalisée au Japon n’est venue étayer les hypothèses précédentes.
Par ailleurs, une revue systématique des données de la littérature
internationale suggère que la corticothérapie systémique dans le
SARS de 2003 n’était d’aucun bénéfice et qu’elle était même à
l’origine d’évènements indésirables. Les bénéfices potentiels de la
corticothérapie inhalée en cas de risque élevé de SARS-CoV-2 ou de
Covid-19, notamment d’asthme ou de BPCO, sont donc loin d’être
évidents. En revanche, il n’existe aucun argument pour interrompre
ces traitements chez des patients ainsi traités. Il manque à
l’évidence des données concernant les comorbidités et les
traitements qui leur sont associés chez les malades atteints d’un
Covid-19. Seule cette collecte d’informations permettra de mieux
cerner les facteurs de risque de l’infection, les déterminants de
son expression symptomatique et les circonstances de son
diagnostic, voire son pronostic. Il deviendra ainsi possible de
répondre aux questions qui concernent les bénéfices hypothétiques
de la corticothérapie ou des autres traitements utilisés dans
l’asthme ou la BPCO face à l’infection par le SARS-CoV-2,
quel que soit son stade.
Ces patients, connaissant leur fragilité pulmonaire, sont peut-être ceux qui respectent le mieux les consignes barrières, compte tenu de la réputation des coronavirus pour leurs effets délétères sur les poumons...
Jean Paul Forest, kinésithérapeute, Papeete, Polynésie française
Rôle de Prevenar 13 et Pneumovax ?
Le 13 avril 2020
Sait-on si la couverture vaccinale par Prevenar 13 et Pneumovax chez ces patients ne pourrait pas être un facteur protecteur, qui pourrait d’ailleurs expliquer les chiffres plus bas de mortalité en Allemagne, par rapport à d’autres pays où elle est moins répandue ?
Dr Pascal Mabire
Un autre biais possible
Le 17 avril 2020
Je réagis à la réponse de Jean Paul Forest : je suis tout à fait d'accord avec vous. Cela peut être une piste à explorer. Parfois, nous cherchons la complexité alors que la solution est plus simple!