
Colmar, le vendredi 22 avril 2022 – Tout comme Orpea, le groupe Bridge, spécialisé dans les Ehpad, est accusé de faire passer le profit avant le bien-être de ses résidents.
« Nos vies valent plus que leurs profits ». Emmanuel Macron a en a étonné plus d’un en reprenant ce slogan de la gauche radicale lors d’un meeting électoral. Le Président de la République réagissait ainsi au scandale Orpea, du nom de ce groupe leader des Ehpad, accusé depuis trois mois déjà d’avoir multiplié les économies en tout genre, parfois à la limite de l’illégalité et ce au mépris du bien-être des milliers de résidents dont il avait la charge. Il semblerait cependant qu’Orpea ne soit que l’arbre qui cache la forêt et que de nombreux Ehpad privés à but lucratif appliquerait la même politique hautement contestable.
Un manque de personnel qui affecte les résidents
C’est ainsi désormais la société Bridge qui est au cœur des polémiques et des accusations en tout genre. Fondée en 2017, l’entreprise a depuis racheté 34 Ephad médicalisés en zone rurale ou péri-urbaine. Aux dires de salariés et de familles de résidents, le rachat d’un établissement par Bridge se traduit presque immédiatement par une baisse de la qualité des soins et de la prise en charge.
La maison de retraite « Les Fontaines » près de Colmar, racheté par Bridge en décembre dernier, est devenu le symbole de cette diminution des coûts à marche forcée. Dès le rachat, Bridge aurait supprimé huit postes d’aide-soignant équivalent temps plein (ce qui est contesté par Bridge) puis aurait licencié la directrice qui refusait de mettre en œuvre cette nouvelle politique. Le nouveau propriétaire a également supprimé la totalité des primes existantes, entrainant le départ de nombreux employés. Depuis, l’établissement ne compte, selon les jours, que deux ou trois aides-soignants pour 42 résidents. Un manque de personnel qui a des conséquences directes sur la prise en charge des personnes âgées. « Les douches sont aléatoires, on n’a pas le temps » raconte une aide-soignante, qui explique que certains jours, les résidents, pour la plupart atteint de la maladie d’Alzheimer, ne quittent même pas leurs lits. La nouvelle direction a également décidé de mettre fin au protocole Covid, selon lequel les employés devaient se faire tester une fois par semaine. Parallèlement, deux résidents sont morts de la Covid-19 début mars.
Un établissement interdit d’accueillir de nouveaux résidents
L’Ephad « Les Fontaines » n’est pas le seul établissement de Bridge à faire l’objet de signalements. Dans plusieurs Ehpad du groupe, des cas de maltraitance ont été recensés, tandis que le manque d’effectifs et de moyens serait récurent. Symbole de cette diminution des coûts à tous prix, une ancienne cadre du groupe a raconté aux journalistes de France Info que son supérieur lui avait interdit d’envoyer des fleurs à la famille d’un résident décédé, au motif que cela coutait trop cher. Bridge est également accusé de pratiquer la surcapacité, c’est-à-dire d’admettre plus de résidents dans un Ehpad que ce que les Agences Régionales de Santé (ARS) autorisent.
Plusieurs établissements appartenant à Bridge font actuellement l’objet d’enquêtes par des ARS. L’Ephad « Les Opalines » près de Caen a même été placée sous administration provisoire le 8 mars dernier (décision levée depuis) et s’est vu interdire par un juge d’accueillir tout nouveau résident pendant au moins six mois.
Bien sûr, Bridge rejette toutes les accusations portées contre elle. La direction assure que les manquements constatés dans ces établissements sont préexistants à leur rachat et qu’elle s’efforce d’y remédier.
L’affaire Bridge tout comme avant elle le scandale Orpea relance
les questionnements sur un meilleur encadrement du secteur privé
des Ehpad. Lors du débat d’entre-deux-tours de mercredi soir, les
deux candidats à l’élection présidentielle se sont prononcés pour
des contrôles accrus et la mise en place d’un « modèle
mutualiste » des Ehpad.
Nicolas Barbet