
La grande particularité des études de ce groupe scandinave − unique à notre connaissance − est que ces patients ont été régulièrement suivis aux âges de 7 ans (2000), 13 ans (2004) et même 18 ans (2010). Lors de la dernière étude, les patients avaient 18 ans (46 nourrissons initialement atteints de bronchiolite VRS+ et 92 témoins) : la prévalence des symptômes d’asthme (ou de wheezing récurrent) était de 39 % dans le groupe VRS+ et de seulement 9 % dans le groupe témoin, les mêmes différences significatives étant observées pour les signes cliniques d’allergie (43 % vs. 17 %) ou pour les sensibilisations IgE-dépendantes aux allergènes per-annuels (41 % vs. 14 %). De plus, la fonction respiratoire était réduite chez les patients VRS+ et l’hyperréactivité bronchique était plus importante .
En substance, les nourrissons atteints de bronchiolite suffisamment sévère pour avoir nécessité une hospitalisation ont un risque significativement plus élevé que celui de la population générale de développer un asthme, un wheezing récurrent, une allergie aux pneumallergènes usuels. Un déséquilibre Th1/Th2 ainsi que d’autres mécanismes sont possibles, comme les altérations bronchiques précoces associées à la bronchiolite.
Antécédents familiaux d’allergie mais aussi obésité persistante
Une étude prospective multicentrique de Nanishi et coll. précise ces données chez 880 nourrissons âgés de moins de 1 an, enrôlés pour bronchiolite à VRS, en moyenne à l'âge de 3 mois, et suivis pendant 3 ans aux âges de 6, 12, 15, 18, 24 et 36 mois, afin d'examiner leur trajectoire de croissance et la survenue d'un asthme à l'âge de 5 ans. Globalement, 26 % des enfants VRS+ avaient un asthme à l'âge de 5 ans.En dehors de la gravité initiale de la bronchiolite et du statut allergique, Nanishi et coll. ont identifié 5 profils de croissance différents qu'ils ont dénommés de la façon suivante : I) croissance lente persistante (27 %) ; II) croissance conforme aux normes (33 %) ; III) surpoids transitoire (21 %) ; IV) surpoids à début tardif (16 %) ; V) obésité persistante (3 %).
La comparaison entre les enfants à croissance normale et les enfants obèses a montré un risque significativement plus élevé chez les seconds de développer un asthme (24 % vs. 28 %, Odds ratio OR 2,55 [intervalle de confiance à 95 % IC95% 1,07-6,09, p = 0,03]). Ce risque d'asthme était présent même chez les enfants sans antécédents familiaux d’allergique (OR 3,02 [IC95% 1,05-8,64, p = 0,04]) et chez les enfants exempts de sensibilisation IgE-dépendante (OR 3,18 [IC95% 1,02-9,92, p=0,047]), alors que, curieusement, les enfants avec antécédents allergiques n'avaient pas de risque d'asthme accru. À cet égard, la pratique montre que la notion de "risque allergique parental" peut être difficile à identifier par un simple interrogatoire.
Comme on le voit, cette étude montre que le risque d'apparition d'un asthme chez les nourrissons de moins de 1 an atteints de bronchiolite VRS+ est multifactoriel. En dehors de la sévérité initiale de la bronchiolite à VRS, d'autres facteurs interviennent comme les profils de croissance, en particulier l'obésité persistante et, probablement, des facteurs psycho-sociaux. Précisons que cette étude est bien référencée (51 références).
Pr Guy Dutau