Cancer de la prostate localisé, une surveillance active pourrait suffire

Malgré les progrès dans la détection précoce et le traitement du cancer de la prostate localisé, la prise en charge de la maladie reste controversée. Bien que l'imagerie par résonance magnétique (IRM) multiparamétrique et les biopsies ciblées puissent aider au diagnostic de la maladie indolente, la difficulté de la stratification du risque continue d'entraîner à la fois un surtraitement et un sous-traitement. Aux Etats-Unis, depuis que la U.S. Preventive Services Task Force a mis à jour ses recommandations en 2012 et 2018, l'incidence de la maladie localisée a diminué, alors que l'incidence des cas avancés a augmenté et que la mortalité spécifique est restée inchangée. Les résultats cliniques rapportés ici peuvent aider à comprendre les raisons de ces constatations.

Une étude randomisée avec un suivi de 15 ans

Entre 1999 et 2009 au Royaume-Uni, 82 429 hommes âgés de 50 à 69 ans ont eu un test d'antigène prostatique spécifique (PSA) dans le cadre de l’essai ProtecT (Prostate Testing for Cancer and Treatment) visant à évaluer l’efficacité des traitements conventionnels en cas de cancer de la prostate cliniquement localisé et détecté par le dosage du PSA. Un cancer de la prostate localisé a été diagnostiqué chez 2 664 hommes. Parmi eux, 1 643 patients ont été inclus dans un essai randomisé ayant pour but de préciser l'efficacité relative des traitements (1) : 545 ont été assignés au hasard à recevoir une surveillance active, 553 à subir une prostatectomie et 545 une radiothérapie. Tous ont bénéficié d’un dosage des PSA trimestriel la première année puis tous les 6 à 12 mois ainsi que d’une évaluation clinique annuelle. Huit sous-groupes ont été pré spécifiés, liés à l’âge, le grade de Gleason, le niveau de PSA, le stade T, la longueur de la tumeur dans les biopsies, le score de stratification du risque.

Après un suivi médian de 15 ans (de 11 à 21 ans), les résultats dans ces groupes ont été comparés en ce qui concerne le décès dû au cancer de la prostate (résultat principal) et le décès toutes causes confondues, les métastases, la progression de la maladie et l'instauration d'une thérapie de privation androgénique à long terme (résultats secondaires).

Pas de différence de mortalité

Le suivi était complet pour 1 610 patients (98 %). L’analyse de stratification des risques a montré que 77 % des hommes présentaient une maladie à faible risque au moment du diagnostic. Au total, pendant le suivi, 45 hommes (2,7 %) sont décédés des suites d'un cancer de la prostate : 17 (3,1 %) dans le groupe surveillance active, 12 (2,2 %) dans le groupe prostatectomie et 16 (2,9 %) dans le groupe radiothérapie (P = 0,53 pour la comparaison globale). Le décès, quelle qu'en soit la cause, est survenu chez 356 hommes (21,7 %), similaire dans les trois groupes.

En revanche, des métastases sont apparues chez 51 hommes (9,4 %) du groupe de surveillance active versus 26 (4,7 %) du groupe de prostatectomie et 27 (5,0 %) du groupe de radiothérapie. Une thérapie de privation androgénique à long terme a été initiée chez 69 hommes (12,7 %), 40 (7,2 %) et 42 (7,7 %), respectivement ; une progression clinique est survenue chez 141 hommes (25,9 %), 58 (10,5 %) et 60 (11,0 %), respectivement. Dans le groupe de surveillance active, 133 hommes (24,4 %) étaient en vie sans traitement du cancer de la prostate à la fin du suivi. Aucune différence sur la mortalité spécifique au cancer n'a été observée en relation avec le niveau initial de PSA, le stade ou le grade de la tumeur, ou le score de stratification des risques. Aucune complication liée au traitement n'a été signalée après l'analyse sur 10 ans.

Une évaluation qui a évolué

Cet essai présente plusieurs limites, y compris l’évolution des traitements et des méthodes diagnostiques depuis son lancement. En particulier, comme le souligne un éditorial paru dans le New Engl J Med (2),  l’imagerie par résonance magnétique (IRM), la tomographie par émission de positons (TEP) et l’antigène membranaire spécifique de la prostate (PSMA) sont désormais approuvés pour évaluer la stratification d’un cancer de la prostate localisé à risque intermédiaire ou plus. De plus, la surveillance active pratiquée dans cet essai n’a plus lieu d’être actuellement, les évaluations par IRM multiparamétrique permettraient probablement une réduction du taux accru de métastases dans le groupe de surveillance.

Cependant, ce suivi de 15 ans apporte des informations précieuses. La mortalité spécifique du cancer de la prostate localisé était faible, quel que soit le traitement choisi. Un traitement radical, prostatectomie ou radiothérapie, réduisait l’évolution de la maladie par rapport à la surveillance active, mais sans que ces différences ne se traduisent par une diminution de la mortalité sur 15 ans, reflet de la longue histoire naturelle de la maladie. Un suivi à plus long terme, jusqu'à 20 ans et au-delà, sera essentiel pour continuer à évaluer les éventuels effets différentiels des traitements. Les effets secondaires de la prostatectomie radicale sont bien documentés et des approches moins intensives sont clairement nécessaires. Le choix de la prise en charge lors du diagnostic d’un cancer de la prostate localisé à risque faible ou intermédiaire, implique de peser les compromis entre les avantages et les inconvénients associés aux traitements.

Dr Isabelle Méresse

Références
(1) Hamdy FC, Donovan JL, Lane JA, et al. : ProtecT Study Group. Fifteen-Year Outcomes after Monitoring, Surgery, or Radiotherapy for Prostate Cancer. N Engl J Med. 2023 Mar 11. doi: 10.1056/NEJMoa2214122.
(2) Sartor O. : Localized Prostate Cancer - Then and Now. N Engl J Med. 2023 Mar 11. doi: 10.1056/NEJMe2300807.

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