Cancer du col : faut-il dépister les femmes de plus de 65 ans ?

En France le cancer du col de l'utérus est le 12ème cancer le plus fréquent chez la femme, avec environ 3 000 nouveaux cas par an et 1 100 décès chaque année [1]. Un programme national de dépistage, organisé par les autorités de santé publique, a été mis en place en mai 2018. Il s’adresse à toutes les femmes entre 25 et 65 ans. Plus de 10 millions de femmes en bénéficient chaque année. Les modalités de dépistage varient selon l’âge.

Pour la tranche d'âges 25 et 29 ans, le test de dépistage est réalisé par examen cytologique tous les 3 ans, après deux premiers tests réalisés à 1 an d’intervalle dont les résultats sont normaux. Pour les femmes entre 30 et 65 ans, la HAS recommande un remplacement de l’examen cytologique par le test HPV-HR, réalisé 3 ans après le dernier examen cytologique normal.

Un nouveau test est effectué tous les 5 ans, jusqu’à l’âge de 65 ans, dès lors que le résultat du test est négatif [1].Aux USA, selon les recommandations de l'U.S. Preventive Services Task Force, de l'American Cancer Society et de l'American College of Obstetrics and Gynecology, les femmes considérées comme présentant un risque moyen ou faible de développer un cancer du col de l’utérus peuvent cesser de subir le dépistage systématique après l’âge 65 ans, à condition d’avoir fait l'objet de dépistages préalables réguliers et normaux. Ainsi, comme en France, le dépistage est suspendu au-delà de 65 ans dans la majorité des cas. Cependant, les résultats apparemment contradictoires de deux études conduites aux USA, posent la question de la limite à 65 ans de l’âge de dépistage du cancer du col.

Un risque de sur-dépistage du cancer du col ?

La première étude, conduite par une équipe de gynécologues de l’Université de l’Illinois à Chicago, publiée dans le JAMA Internal Medicine en novembre 2022, s’intéresse au sur-dépistage du cancer du col chez les femmes de plus de 65 ans et à ses conséquences financières [2]. L’étude a examiné les données de l'assurance-maladie entre 1999 et 2019 concernant les soins de femmes âgées de 65 ans et plus.

En 2019, plus de 1,3 million de femmes âgées de plus de 65 ans, ont bénéficié d'un dépistage du cancer du col de l'utérus, dont environ 3 % avaientplus de 80 ans. Selon les auteurs il pourrait d’agir d’un sur-dépistage qui dont la pertinence clinique ne serait pas avérée, sauf en cas de risque particulier, et générant un coût substantiel. L’équipe demande davantage de données de santé publique et de recherche pour soutenir le dépistage dans ce groupe de femmes plus âgées. Elle demande également une analyse minutieuse du rapport bénéfice-risque afin de limiter les dépenses de santé publique.

Cependant, selon les auteurs, il faut régulièrement réexaminer la décision de mettre fin au dépistage du cancer du col de l'utérus après 65 ans. Les chercheurs soulignent que les femmes de plus de 65 ans représentent environ 20 % des diagnostics et 36 % des décès par cancer du col de l'utérus. Finalement, ils ne tranchent pas sur l’opportunité de revoir les directives pour le dépistage du cancer du col de l’utérus.

Ou un dépistage pertinent au-delà de 65 ans ?

Dans une deuxième étude publiée dans le Cancer Epidemiology Biomarkers & Prevention en janvier 2023, des chercheurs de l’Université de Californie révèlent une augmentation importante de décès par cancer du col de l’utérus chez les femmes de 65 ans et plus. Les données du registre du cancer de Californie révèlent que près d’un cinquième des nouveaux cas de cancer du col de l'utérus diagnostiqué entre 2009 et 2018 concernent des femmes âgées de 65 ans et plus.

Chez ces patientes, le diagnostic de cancer est le plus souvent posé à un stade avancé de la maladie ce qui explique la létalité élevée. L’analyse révèle une diminution de la survie relative à 5 ans avec la catégorie d'âge croissante, que ce soit pour les diagnostics à un stade précoce ou avancé. Ainsi, ces données posent la question d’une révision des directives actuelles de dépistage qui pourrait être pratiqué au-delà de 65 ans.

Au total, ces études ne sont pas fondamentalement contradictoires. La première s’est principalement intéressée au coût du dépistage, elle ne tranche pas sur la nécessité de révision de la limite d’âge. La seconde demande des données complémentaires. Les auteurs des deux études soulignent l’importance de dépistages réguliers jusqu’à l’âge de 65 ans, suggérant que nombre de cas diagnostiqués au-delà pourraient être la conséquence d’une mauvaise observance des dépistages auparavant. Aux USA, 23 % des femmes ne sont pas à jour du dépistage recommandé du cancer du col de l’utérus.

Grâce à ce dépistage et à un suivi personnalisé en fonction des antécédents et de l’hérédité de chaque, le cancer du col de l'utérus pourrait être prévenu ou détecté à un stade précoce, ce qui permettrait une amélioration de la survie et une diminution du risque de développer un cancer au-delà des 65 ans.

Pr Dominique Baudon

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Vos réactions (2)

  • Et la vaccination ?

    Le 02 mars 2023

    Si on parle de santé publique, on ne peut pas ne pas parler de la vaccination HPV !
    Vaccinez toute la jeune population, et dans deux décennies cette question d'âge de dépistage , voire de dépistage tout court paraîtra complètement caduque !

    Dr F Chassaing

  • Priorité des dépistages

    Le 02 mars 2023

    Il est bon de rappeler que s'il est incontestablement de bonne clinique que le dépistage impératif du cancer du col soit enfin entré dans les mœurs médicales, pour autant, sa fréquence de survenue reste cependant à relativiser puisque vingt fois moindre que celle du cancer du sein (Santé publique France). Or dans les faits, l'accent mis chez nous par l'institution sur le dépistage du col est, à mon sentiment, surdimensionné( influence des labos et des vaccins ?) relativement à celui devant être consacré prioritairement à celui du cancer du sein (fréquence oblige) en première cause féminine de décès. D'autant que les directives de l'American Association of Gynecology ont établi qu'au dessous de 40-50ans, la palpation est aussi efficace que la mammographie (94 % de dépistages dans la cohorte canadienne de 2014) et la surpasse même en cette tranche d'âge en bénéfices/risques (en raison de 12,5 % de faux positifs d'imagerie) à reléguer d'intention seconde au dessous de 40 ans de par les risques de cancer liés à la sensibilité radique propre au tissu mammaire jeune. De plus, le dernier congrès de cancérologie mammaire (6-10 dec San Francisco) révèle que chez ces femmes les plus jeunes, 47 % des "dépistages" sont déjà à un stade dépassés métastasé, ce qui implique des examens cliniques bien plus rapprochés que pour les tranches plus âgées. Pour les mêmes raisons l'éducation à une auto-palpation correcte et régulièrement pratiquée devrait être enseignée très tôt et être bien plus systématisée dans l'examen clinique.

    Dr Jean Abecassis

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