
Paris, le mardi 15 juin 2022 - Une plume de chaleur caresse la France. Le coup de chaud que connaît notre pays ces jours-ci trouve paradoxalement son origine dans un phénomène appelé goutte froide, qui se situe actuellement à l’ouest de la péninsule ibérique. Il s’agit d’une petite masse d’air froid isolée au milieu d’une masse nettement plus chaude. En tournant sur elle-même, cette masse d’air frais agit comme une pompe à chaleur qui fait remonter de l’air chaud du Sahara. Cette remontée est d’une largeur relativement étroite et ne dure que quelques jours. Sa brièveté et son intensité lui valent l’appellation de « plume de chaleur » ou de « coup de chalumeau du Sahara ».
Au-delà de cet épisode transitoire au nom poétique qui devrait atteindre son pic vendredi avec des températures dépassant les 40degrés dans certaines villes, météorologistes et climatologues s’accordent pour dire que l’été 2022 sera chaud.
Les leçons de 2003
Dans ce contexte, et alors que l’hôpital apparaît en crise, près de 20 ans après la canicule de 2003 la question est de savoir si les services de santé sont prêts à faire face à un épisode caniculaire important.
Depuis 2004, chaque année, du 1er juin au 31 août, le ministère de la Santé active le Plan national canicule. Parmi ses mesures-phares, un système d’alerte géré par Météo-France et Santé publique France. Il a pour objectif d’identifier les vagues de chaleur présentant un risque pour la population. L’alerte canicule (déclenchée cette semaine dans certains départements) ou niveau de vigilance orange correspond à une chaleur intense, de jour comme de nuit, pendant trois jours minimum. Elle se déclenche lorsque les moyennes prévues au cours de ces trois jours dépassent les seuils de températures nocturnes et diurnes définis dans chaque département.
Le niveau rouge qui correspond à une chaleur très intense sur une large partie du territoire n’a jamais été déclenché depuis le lancement du dispositif. En vigilance orange et rouge, une surveillance sanitaire s’ajoute au suivi météorologique : les passages aux urgences, les consultations SOS Médecins et la mortalité liés à la chaleur sont analysés minutieusement et quotidiennement.
Depuis l’instauration de ce plan canicule, les pouvoirs publics multiplient les messages de prévention. Ce programme a également conduit à la création de registres communaux répertoriant, sur la base du volontariat, les personnes vulnérables vivant à leur domicile, afin qu’elles soient appelées en cas de canicule. Mais seules 4 % des personnes âgées y sont enregistrées, selon Santé publique France.
Multiplier les îlots de fraicheur
En parallèle, hier, le gouvernement a appelé à la vigilance face à la canicule, demandant « d’activer sans délais tous les dispositifs de protection des personnes les plus fragiles, notamment les personnes âgées isolées ou les personnes à la rue ». Il explique avoir déjà passé consigne aux services de l’Etat en ce sens. « Les différentes structures d’hébergement de personnes fragiles se verront rappeler les conduites à tenir face à un épisode de chaleur de plusieurs jours, qui intervient par ailleurs plus tôt dans l’année que ce qui est observé habituellement », relève-t-il dans le compte rendu du conseil des ministres.
Sur Twitter, Elisabeth Borne a indiqué avoir demandé aux préfets et Agences régionales de santé (ARS) de faire tout le nécessaire « pour protéger les Français ». Dès mercredi, « les différents dispositifs de mise à l’abri et les EHPAD seront opérationnels », a-t-elle ajouté.
Par ailleurs, la Première ministre a annoncé sa mobilisation auprès des rectorats pour « veiller à ce que les épreuves du baccalauréat se passent dans les meilleures conditions ». La Première ministre a aussi présenté les grandes lignes d’un programme de « renaturation urbaine » afin de multiplier les îlots de fraicheur dans les villes. Ce plan sera doté d’une enveloppe de 500 millions d'euros.
Une canicule dangereuse pour des services des urgences exsangues
Par rapport à 2003, « la situation n’a plus rien à voir. La société a compris le drame de la canicule et pris les mesures d’alerte et de prévention nécessaires. L’afflux de patients aux urgences serait bien moindre, mais tout de même difficile à prendre en charge car aujourd’hui, les urgences sont en état de crise permanente » estime le docteur Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France. Sur ce point, rappelons que selon des données de Santé Publique France, en moyenne, une vague de chaleur multiplie par 2,5 les passages aux urgences. Dans une France où 120 SAU sont au bord de la rupture, cela risque de perturber largement l’hôpital.
Rappelons que la France avait connu 18 journées caniculaires en 2020. Selon le bilan établi et publié par Santé Publique France, elles avaient contribué à la mort de 1 924 personnes.
La canicule avait également mis à rude épreuve nos hôpitaux, avec 15 000 passages aux urgences liés à la canicule entre le 1er juin et le 15 septembre, soit 15 % des visites durant cette période. Doivent être ajoutés à ce bilan 12 accidents du travail mortels liés à la canicule.
Bien que de plus faible intensité que celles des années précédentes (excepté dans le nord de la France), la canicule de l’été 2020 avait été plus meurtrière. A titre de comparaison, la vague de chaleur de 2019 avait tué 1 462 personnes.
Mais aussi tragique qu’il soit, ce bilan de près de 2 000 morts est sans commune mesure avec celui de 2003 : 15 000 personnes en France (et 70 000 dans toute l’Europe) avaient succombé affaiblies par des chaleurs inhabituelles. Un signe qui suggère que les différentes mesures de prévention mises en place depuis 2004 portent leurs fruits.
Emmanuel Haussy