Cannabis : combien de schizophrénies pourraient être évitées ?
Le lien entre consommation de cannabis et psychose est
aujourd’hui bien établi. Un effet-dose a d’ailleurs été mis en
évidence, le cannabis fortement concentré étant à l’origine d’un
risque encore plus important (voir Cannabis et psychose : une
question de dose). Cependant la responsabilité du cannabis dans
l’incidence de la psychose est mal connue. Afin de déterminer la
part des premiers épisodes psychotiques attribuables au cannabis,
les auteurs d’une étude épidémiologique publiée dans le Lancet ont
comparé 901 cas à 1 237 contrôles interrogés dans 17 centres
répartis dans toute l’Europe (et au Brésil) entre 2010 et
2015.
Comparés aux contrôles, les sujets ayant présenté un premier
épisode psychotique étaient plus souvent des hommes, ils étaient
plus jeunes, généralement issus de minorités ethniques et avaient
un niveau d’étude plus bas. La consommation quotidienne de cannabis
entraînait une multiplication par 3,2 (intervalle de confiance à 95
% IC95 : 2,2-4,1) du risque de premier épisode psychotique, alors
que la consommation quotidienne de cannabis fortement concentré
(THC ≥ 10 %) entraînait une multiplication par 4,8 de ce risque
comparé aux personnes n’en ayant jamais consommé. Ces résultats
étaient ajustés sur l’âge, le genre, l’origine ethnique, le niveau
d’éducation, le statut professionnel, et la consommation d’autres
substances.
Environ 20 % de cas attribuables au cannabis
En posant comme postulat un lien causal entre consommation de
cannabis et premier épisode psychotique, et en utilisant la
prévalence de la consommation de cannabis, on peut ainsi estimer
que 20,4 % des premiers épisodes psychotiques étaient attribuables
à la consommation quotidienne de cannabis (IC95 : 17,6-22,0 %) sur
l’ensemble des sites. L’utilisation de cannabis à forte teneur en
THC expliquait quant à elle 12,2 % des cas.
Cet effet variait fortement en fonction des sites. A Amsterdam
où 13,1 % des contrôles et 51 % des cas consommaient
quotidiennement du cannabis et où le cannabis concentré est
largement répandu (53 % des contrôles en ayant déjà consommé), 43,8
% des premiers épisodes psychotiques pouvaient être attribués à la
consommation quotidienne de cannabis (IC95 : 34,0-64,1 %), et 50,3
% à l’utilisation de cannabis contenant plus de 10 % de THC (IC95 :
27,4-66,0). En revanche, dans le Puy-de-Dôme, où seuls 6 % des
contrôles consomment du cannabis tous les jours, et où le cannabis
fortement concentré est rare (3,7 % des contrôles en ont déjà
fumé), seuls 1,2 % des nouveaux cas sont attribuables à une
consommation quotidienne, et l’effet n’est pas
significatif.
A Paris enfin, 20,8 % des nouveaux cas de troubles
psychotiques sont attribuables à la consommation quotidienne de
cannabis (IC95 13,5-36,1 %) et 18,9 % à la disponibilité du
cannabis concentré (IC95 : 14,6-36,0).
Il y aurait deux fois moins d’entrées dans la psychose
à Amsterdam sans cannabis concentré
Plus globalement, il semblait bien exister une corrélation
significative entre la consommation quotidienne de cannabis ou
l’utilisation de cannabis fortement concentré, et le taux
d’incidence de premiers épisodes psychotiques (p = 0,0109 et p =
0,0286). Ainsi à Londres (où 11,7 % des contrôles consomment
quotidiennement, et où 26 % des contrôles ont déjà fumé du cannabis
à plus de 10 % de THC) l’incidence est de 45,7 cas pour 100 0000
habitants, contre 21 cas pour 100 000 habitants à Bologne (où seuls
4,6 % des contrôles sont consommateurs et 8,7 % de contrôles ont
déjà consommé du cannabis fort).
Les auteurs insistent sur l’impact de la disponibilité du
cannabis contenant plus de 10 % de THC. Ils estiment ainsi que sa
disparition ferait passer l’incidence des premiers épisodes
psychotiques de 37,9 à 18,8 cas pour 100 000 habitants dans la
ville d’Amsterdam.
Quels messages retenir ?
Les messages de santé publique sur le cannabis sont très peu
audibles. Les médecins et la population en connaissent mal les
dangers, qui sont souvent sous-estimés ou mal compris. Cette étude
souffre bien entendu des limites inhérentes aux évaluations
rétrospectives, mais il s’agit néanmoins à ce jour de l’estimation
la plus précise disponible de l’impact du cannabis sur la
population eu égard au risque de schizophrénie.Elle devrait
permettre de clarifier nos connaissances sur le sujet, et donner un
caractère plus percutant aux efforts de communication en la
matière.
Le cannabis, en particulier lorsqu’il est à plus de 10 % de THC et
qu’il est consommé tous les jours a un impact majeur sur le nombre
de premiers épisodes psychotiques. Il est très probable que la
diminution de sa consommation permettrait de limiter l’incidence et
la prévalence de la schizophrénie, en même temps qu’elle en
réduirait la sévérité et la résistance thérapeutique. Un effort
doit également être fait pour limiter l’accès aux formes de
cannabis les plus fortes. Cependant, l’interdiction de la
consommation et de la vente de cannabis rend aujourd’hui impossible
la régulation de la teneur en THC, comme on le fait par exemple
pour le degré d’alcool, qui est strictement contrôlé.
Donc en France, cela représenterait à la louche 650.000 personnes... Et, cette prévalence n'étant pas significativement bousculée par les énormes consommations de THC depuis 30 ans (très concentré ou pas), je rappelle deux faits bien génétiquement établis :
- lorsque l'un des deux parents est concerné par la maladie, le risque pour l'enfant approche 10% - lorsque les deux parents le sont, le risque pour leur enfant atteint alors les 50%.
Euh..., que rajouter donc ?
Dr Fréderic Lascoutounax
Genre ou sexe ?
Le 26 mars 2019
Vous écrivez : " ces résultats étaient ajustés sur l'âge, le genre, l'origine ethnique ... Le "genre" ? et non pas "le sexe" ? Comment une revue scientifique comme la votre peut elle se laisser "contaminée" par ce "genre" de "théorie" constamment démentie par les plus récentes recherches en neuro-sciences ?
Dr D. Carreau
Automédication ?
Le 26 mars 2019
Et si c’était de l’automédication la prise de THC ? Pour tenter inconsciemment de contrôler la maladie sous-jacente qui émergera à un moment où un autre ?