Ces soignants qui disent non à la légalisation de l’aide active à mourir

Paris, le lundi 20 février 2023 – Des associations de soignants ont publié un texte rappelant leur opposition totale à toute forme de légalisation de l’aide active à mourir.

Tout porte à croire que l’aide active à mourir sera, sous une forme ou une autre (euthanasie ou suicide assistée), légalisée en France ces prochaines années. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a donné son feu vert à une telle réforme en septembre dernier. A la convention citoyenne sur la fin de vie, qui planche sur le sujet depuis décembre, 75 % des 167 participants se sont exprimés en faveur de la légalisation de l’aide active à mourir, y compris pour les mineurs. Surtout, si l’on en croit les sondages, une très large majorité des Français seraient favorable à la légalisation de l’euthanasie et le Président Emmanuel Macron lui-même a dit vouloir s’inspirer du modèle belge, notre voisin autorisant assez largement l’euthanasie.

Certains diront qu’il s’agit du sens de l’Histoire, de plus en plus de pays occidentaux autorisant cette pratique. Ce n’est pas l’avis de tous les soignants. Ce jeudi, treize associations de soignants revendiquant plus de 800 000 adhérents ont publié un petit pamphlet, fruit de leur réflexion sur le sujet et d’une consultation de leurs adhérents, relayé par Le Figaro. Ces associations représentent des pans divers du monde médical : infirmiers (CNP infirmier), oncologie (AFSOS, Unicancer), soins palliatifs (SFSPP, SFAP), gériatrie (CNP de gériatrie, SFGG). Malgré quelques points de divergence, ils en arrivent à une conclusion commune : la légalisation du suicide assisté et surtout de l’euthanasie doit être refusée en bloc par le monde médical.

Donner la mort ne peut être un acte de soins pour les associations

Pour les auteurs de la tribune, donner la mort ne peut être considéré comme un acte de soins et l’aide active à mourir est contraire à tous les fondements de l’éthique médicale. « L’intention première du soin doit rester le confort, l’apaisement, pas la volonté de tuer » affirme Evelyne Malaquin-Pavan, présidente du CNP infirmier. Les associations ont décortiqué le processus d’aide active à mourir, distinguant quatorze étapes, de la constitution du dossier de demande, jusqu’à la mise à mort, dans lequel le médecin devrait intervenir : toutes leurs semblent incompatible avec le métier de soignant. « Qui devra discriminer les patients, en catégorisant ceux qui entrent dans le cadre légal d’une demande d’euthanasie ? Qui annoncera aux patients qui demandent l’euthanasie que leur demande n’est pas acceptée ? » s’interrogent les associations.

La légalisation potentielle de l’aide active à mourir inquiète particulièrement les soignants qui, notamment en gériatrie et en soins palliatifs, ont fait de l’accompagnement de la fin de vie leur travail quotidien. Selon eux, l’autorisation de l’euthanasie créerait « un message insoutenable pour les personnes âgées en Ehpad et les professionnels qui les accompagnent » et « transformerait le sens du métier des soignants ». Il y a également la crainte que l’accès au suicide assisté exerce une pression insoutenable pour les plus vulnérables. « Des personnes qui se sentent inutiles, encombrantes, seraient plus enclines à demander une mort assistée alors qu’elles ne le font pas aujourd’hui » craint Maxence Gal, membre du CNP infirmier.

Renforcer les soins palliatifs plutôt que légaliser l’euthanasie

Ces associations ne peuvent pas ignorer cependant les demandes de mort qui émanent de nombreux de leurs patients. Mais en premier lieu, elles rappellent que « les demandes de mort comme les demandes de vie sont intimement mêlées ». « Il nous arrive souvent de soigner des patients qui disent un jour vouloir en finir et qui, le lendemain, font des projets d’avenir » explique le Dr Elisabeth Hupert, ancienne ministre de la Santé et présidente de la Fnehad. Surtout, elles considèrent que, face aux demandes de mort « persistantes » qui sont selon elles « exceptionnelles », la législation actuelle interdisant l’obstination déraisonnable est suffisante. « La loi actuelle sur la fin de vie nous permet de tenir la promesse du non-abandon du patient, l’euthanasie fait passer le message inverse » résume Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap).

Les auteurs dénoncent également le manque de moyens actuellement accordés aux soins palliatifs, responsables selon eux de la multiplication des demandes de suicide assisté. « L’urgence serait de pouvoir mettre à la disposition de tout citoyen des soins de qualité » insiste Evelyne Malaquin-Pavan. C’est le message qu’ils entendent relayer au cours des prochains mois de débats auxquels ils participeront activement, mêmes s’ils estiment que les dés sont pipés et le résultat connu d’avance. « Dans les groupes de travail auxquels nous avons participé, l’aide active à mourir est l’éléphant au milieu de la pièce, tout le monde y pense, mais personne n’aborde le sujet, l’important c’est de faire passer le message que le débat est apaisé » dénonce Claire Fourcade.

Dans l’éventualité plus que probable où l’aide active à mourir viendrait à être légalisée, les associations demandent au gouvernement de « laisser le monde du soin à l’écart de toute implication dans une forme de mort administrée ». Ils disent ne pas croire à la clause de conscience promise par les autorités, dénonçant une « fragmentation de l’éthique commune ».

La question de la légalisation de l’euthanasie continue donc à fracturer le monde médical, plus encore que la société. Rappelons que dans un sondage réalisé récemment sur notre site, 58 % de nos lecteurs se disaient favorables à la légalisation de l’euthanasie.

Quentin Haroche

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Vos réactions (19)

  • Ces soignants qui disent non

    Le 20 février 2023

    Les soignants ne veulent pas participer, c'est leur droit. Il est inepte de ne pas, par la loi, si les patients le souhaitent en pleine conscience, leur donner le droit de quitter leurs souffrances, sans demander l'aumône ! La moindre et indispensable solution : avoir le droit légal de se procurer ou se faire procurer les produits nécessaires pour partir en paix et ne pas transformer ceux qui les ont aidés en assassins ! En France on est enfermé par une morale étroite. Dans leur majorité nos soignants ne veulent pas suivre, mais dans la réalité bien des praticiens, dans le secret de... ont aidé un proche ou ami à partir.
    J'ajouterai le cas de maladies inéluctables (Charcot etc) qu'il faut attendre, en pleine conscience la dégradation ultime, en se regardant dans la "glace" , pour avoir droit à la seule solution proposée : la sédation profonde. Arrêtons cette hypocrisie !

    Ph Raux

  • Condamner les gens à souffrir est donc préférable ?

    Le 21 février 2023

    A tous ceux et celles qui sont contre :
    comment peut-on accepter de condamner des personnes à souffrir des mois durant avant de pouvoir être délivrées de leurs souffrances, à mourir de faim et de soif quand ils ne peuvent plus rien avaler, trop âgés et handicapés, l'intestin qui ne fonctionne plus...? Et la dénutrition est très douloureuse, les escarres qu'on ne peut empêcher quand ne restent que des os appuyant sur la peau...
    C'est du sadisme si on y réfléchit bien, non ?
    J'espère bien être toujours en mesure d'éviter ce piège cruel...
    Évidemment dans les EHPAD les actionnaires ne souhaitent pas perdre leurs bénéfices. Et ceux atteints de maladies dégénératives qui les font souffrir et les enferment en eux-mêmes, de même doivent souffrir au long cours puisqu'ils ne vont pas mourir en peu de temps.
    Les politiques de santé de tous nos gouvernants successifs n'ont jamais attribué au système de santé les moyens nécessaires à soigner et entourer tous les malades ou personnes très âgées et ce n'est pas prêt de changer (puisque c'est de pire en pire, d'autant plus avec la financiarisation ...).
    Alors pourquoi faire semblant de croire que ce serait possible de les empêcher de souffrir et leur procurer une fin de vie digne et sans souffrance ? Quelle hypocrisie !
    Et cela en ayant un sentiment d'être "humain" et d'œuvrer pour le bien-être de ces populations en souffrance... alors que les "méchants" seraient pour la légalisation de l'aide à stopper les souffrances !
    Bouchez-vous donc les oreilles et fermez les yeux pour ne pas entendre et regarder les souffrants qui veulent arrêter de souffrir... et dormez satisfaits de votre indifférence.
    J'espère que ces mots résonneront malgré tout dans vos esprits et vous empêcheront de dormir parfois.

    B Margalef, IDE

  • Refus des soignants

    Le 21 février 2023

    Quelle hypocrisie... Injecter de la morphine à outrance, c'est déjà une sorte d'euthanasie. Soulager les souffrances fait partie du soin, même si c'est pour aider a mourir. Laisser les gens souffrir, quand il n y a plus aucune issue, c'est du sadisme.
    Quel manque de courage de la part des soignants. Ok mais sans nous ! J ai honte pour eux.

    N Salmon, IDE

  • Soutien aux soignants qui disent non à l’euthanasie

    Le 26 février 2023

    Puéricultrice à la retraite, je soutiens les soignants qui s’opposent à la légalisation de l’euthanasie. Donner volontairement la mort n’est pas un acte soignant. Prendre soin, c’est accompagner, la loi actuellement va loin dans ce cheminement, donnons des moyens aux soins palliatifs, ça, c’est aller dans le sens de l’humanité dans les soins.

    J Lamonzie, puéricultrice

  • Eviter les abus...

    Le 26 février 2023

    Aucune loi (générale par définition) ne pourra régler ce délicat problème, qui ne peut se concevoir que par cas particulier. Il faut juste encadrer pour éviter les dérives perverses de tous ordres.

    Dr A Krivitzky

  • Renforcer les soins palliatifs plutôt que légaliser l’euthanasie

    Le 26 février 2023

    Certainement pas ! Nous ne sommes pas devant un choix ; il faut faire les deux !
    Mais renforcer les soins palliatifs ne suffira pas pour ceux pour qui "ce n'est pas une vie" ; par contre ça permettra surement d'en diminuer le nombre.

    Dr J-M Coulon

  • Euthanasie

    Le 26 février 2023

    On palie au manque de soignants par des solutions radicales : l’euthanasie.
    S'il y avait suffisamment de soignants il faudrait les former aux soins palliatifs. Tuer n'est pas l'affaire de la médecine. Faites comme en suisse, l'aide au suicide se fait sans soignants.
    Que chacun prenne ses responsabilités dans notre société.
    Si, ôter la vie à autrui est un assassinat.
    Allez tuer tous les déprimes qui réclament la mort. Bientôt sans soignants et sans médicaments.
    Vous verrez le résultat dans la société.
    C'est tout sauf de la médecine.
    Je dirais, faites-le vous même !
    Nous sommes là pour accompagner la souffrance, la réduire au maximum. Pour cela il faut être formé.
    Ne pas mettre en avant notre souffrance de voir les autres souffrir.
    Et faire la politique de vider les lits tellement il n'y en a plus.

    Dr P Saurin

  • Meurtre médical

    Le 26 février 2023

    Deux professions statut fonctions sont concernées, mais pas les soignants : magistrat, et vétérinaire.
    La fascination du fait de donner la mort a été bien analysée par Freud : je me prends pour Dieu.
    Le soignant, c'est le diable qui s'oppose à la nature. J'ai vu Satan cette semaine il m'a dit… quand on mange avec Dieu il faut une longue cuillère !

    Dr MA 13 700

  • Ces soignants qui disent "Non"

    Le 26 février 2023

    58 % pour, donc 42 % contre... bon la démocratie a tendance à dire les 52 % ont raison. Oui, mais non, pas forcément mais c'est la majorité qui décidera. Et c'est bien ainsi, espérons seulement qu'elle ne voudra pas imposer une obligation de faire à la minorité qui ne veut pas faire.
    A suivre.

    J-C Castanier, économiste de la santé

  • On se perd en discussions sans objet

    Le 27 février 2023

    L'euthanasie véritable, c'est étymologiquement la meilleure fin possible pour un mourant, ce qu'on peut traduire par "un décès sans souffrance". La loi actuellement en vigueur s'inscrit parfaitement dans cet objectif, et stipule que des prescriptions susceptibles de hâter le décès ne sont pas interdites. La seule hypocrisie est l'absence de définition précise des moyens pharmacologiques recommandés (principes actif, à quelles dose, dans quelles situations cliniques), et la HAS est gravement fautive de ne pas s'en être emparée.
    Une tout autre question est d'accéder à une demande d'aide au suicide de personnes qui ne sont pas mourantes (diagnostic médical dont, soit dit en passant, on attend encore et toujours que la HAS nous aide à le porter à bon escient). C'est à la société, par la voix de son Parlement, de dire si le suicide est un droit dans notre pays, et à quelles conditions. Les médecins ne doivent avoir sur ce sujet aucun autre rôle que celui de l'expertise psychiatrique (le sujet est-il en pleine possession de son jugement, ou bien peut-il être traité efficacement ?). Le corps médical ne doit certainement pas être responsabilisé, et encore moins être contraint d'en être l'exécutant.

    Dr Pierre Rimbaud

  • Droit à mourir ou à être soigné ?

    Le 28 février 2023

    C'est marrant quand même comme la tentation du discours moralisateur avec force imprécation violente doit toujours surgir pour un traitement émotionnel de situations qui devraient l'être avec recul et esprit apaisé...
    Je trouve simplement que depuis trop longtemps, on a privilégié un traitement idéologique du sujet, et j'écoutais France Culture la semaine dernière sur le thème, et la défenseuse de cette loi me paraissait défendre une cause déjà pliée, et qu'en fait on ne discutait rien qui ne soit déjà décidé... Pourquoi alors faire semblant de débattre alors que c'est l'idéologie qui semble primer ?
    Toute ressemblance avec certaines situations déjà vécues depuis 2020 doit être absolument fortuite (mais bon, comme ça me fait questionner sur les rapports entre démocratie, pouvoir politique, santé publique, médecine et législation, je dois être devenu gravement complotiste que de penser trop).
    J'avais entendu dans une autre émission il y a quelques mois, un médecin faire état du manque absolu de formation de médecins et de soignants suite à la loi Leonetti-Claeys... et donc à la difficulté d'appliquer les directives que celle-ci prévoit. Qui me semblent prévoir largement le nécessaire. Mais qui donc, ne le sont pas, faute de participants formés.
    Moi ce qui m'inquiète, c'est la motivation à défendre ce qui serait un droit. Et le droit qui me semblerait le plus à défendre, c'est le droit à être soigné décemment, avant que celui de mourir.
    En tant que soignant, je n'ai jamais signé pour faire mourir quelqu'un, mais l'aider à vivre au mieux et ne pas souffrir, bref protéger la vie.
    Et je ne suis aucunement dans une vision de l'acharnement thérapeutique, abus ultime de pouvoir sur le plus vulnérable. La mort, faisant partie de la vie, ça s'accompagne, et ce que j'avais appris dans les années 90, c'est que les soins palliatifs, c'était "ce qu'on peut faire quand on ne peut plus rien faire"... et en fait, il y a tant à faire ! Sauf si on a plié la situation en ayant décrété qu'on n'avait pas le temps, pas les moyens, pas la possibilité, pas l'état d'esprit, pour faire de l'accompagnement, ce truc impossible à côter dans les critères de la TAA. Situation qui est d'ailleurs malheureusement la réalité de trop de milieux de soins.
    Parce que l'esprit d'accompagner la fin de vie, c'est d'accompagner, c'est à dire de proposer une présence humaine réellement disponible, une écoute..., ces petites choses qui parfois font la différence entre un patient isolé dans sa chambre, avec tous les moyens techniques de pointe, mais tellement seul qu'il préfèrera désirer mourir, que celui qui bénéficie d'une présence humaine chaleureuse et soutenante, qui lui évite d'affronter cet épisode majeur de sa vie, sa finitude, seul, mais au contraire sachant qu'il sera soutenu jusqu'au bout, et donc qu'il peut se détendre malgré sa souffrance.
    Le soin est devenu une industrie à la chaîne d'actes techniques ou technicisés, dont on aimerait évacuer toute composante subjective et humaine, pour en faire des process quantifiables et maitrisables à l'envi... Mais la réalité humaine se fout royalement du désir de maîtrise de l'humain sur son environnement, et de ses désirs de toute puissance sur la vie et la mort.
    Qui réfléchit qu'aux États-Unis, dans les états où l'on peut demander le fameux kit pour mettre fin à ses jours, seuls 50 pour cent s'en servent vraiment, environ ?
    Si l'on offrait un système de soin fonctionnel, efficace, avec du personnel, et moins dépourvu, donc moins maltraitant, peut-être qu'au lieu d'être tentées de demander à mourir, les personnes soignées auraient confiance dans le fait qu'elles seraient soignées, et donc d'accepter d'aller au terme le plus lointain de leur condition humaine, dont la finitude est universellement partagée par tous ?
    En tous cas, il serait peut-être possible d'envisager qu'un soignant se sente incapable de donner la mort à quelqu'un pour cette finalité, et ait droit à ne pas accomplir ce geste, sans se sentir obligé de le juger moralement.

    L Saint-Martin, IDE

  • Quelle hypocrisie

    Le 04 mars 2023

    Bien encadrée la façon de mourir doit être pour chacun un choix.
    Réanimateur, j'ai eu a faire des choix déchirants que j'ai assumés. Mais la sédation profonde des soins palliatifs est une hypocrisie. Cela permet cependant de facturer des séjours... Il ne s'agit pas de "tuer" mais moi, en ce qui me concerne, mes directives anticipées sont telles que je choisirai le jour de ma fin si mon état me le permet. Dans le cas contraire, j'ai interdit tous les soins agressifs quels qu'ils soient. Ma famille ayant à charge d'y veiller.
    Tout le monde a salué Axel Kahn, mais lui a pu choisir de partir.
    Que les bénévoles et les religieux ne s'en mêlent pas en ce qui me concerne.

    Pr émérite André Muller

  • Libre arbitre

    Le 04 mars 2023

    Si un individu estime que sa seule issue est de mourir :
    -A-t-il raison ? En quoi cette décision le concernant serait-elle plus justifiée que toutes les erreurs qu’il a commises dans sa vie ? En poussant le raisonnement plus loin, pourquoi condamner le meurtrier qui constate que la seule issue dans sa vie est de tuer son prochain ?
    On peut répondre que cet individu souffre, que ses souffrances justifient d’en finir, que la décision n’est pas prise sur un coup de tête, etc. Certes. Mais, d’une part, le plus souvent, rien ne l’empêche de mettre fin lui-même à ses jours ; et n’est-il pas possible de mieux soulager ses souffrances (sous entendu l’insuffisance de moyens accordés aux soignants doit-elle entrainer des euthanasies ?). Si l’on estime que l’arsenal judiciaire permettant actuellement aux soignants de ne pas prolonger abusivement des soins n’est pas suffisamment appliqué, en quoi celui de l’euthanasie active a-t-il plus de raisons de l’être ?
    A la réflexion, si la décision d’un individu d’en finir doit être écoutée, elle ne peut à elle seule justifier d’en finir.
    - Est-ce au soignant d’exécuter la décision du patient ? Une loi, à fortiori, peut-elle contraindre un soignant à exécuter son patient? Bien évidemment non. Évidemment car un meurtre n’est pas un soin (euthanasie: l'exécuteur soulage l'exécuté; crime: c'est l'inverse); parce qu’il s’agirait d’une situation où la loi permettrait d’éliminer un individu ne représentant aucun risque pour la société… qui plus est sans procès !

    Toute autre est la dépénalisation de l’assistance au décès d’un patient par ses soignants ; or dans ce domaine l’arsenal dont on dispose est déjà important, force est de constater que beaucoup de patients sont accompagnés dans leur décès grâce à une décision collégiale de leurs soignants et que les seules poursuites engagées contre des soignants pour homicide le sont dans le cadre d’actes soit volontairement criminels, soit du fait de décisions (et d’exécutions) non concertées. Pour simplifier, si un patient souffre d’une affection qui va obligatoirement entraîner son décès et qu’une équipe de soignants décide pour le soulager de prendre le risque d’accélérer ce décès, cette équipe est protégée par la loi. Dans le cas de tuer quelqu’un parce qu’il souffre d’une affection non spontanément mortelle, seule une décision de justice (dans un pays où la peine de mort n’existe plus) peut autoriser le décès qui, dans ce cas, ne relève plus du soin…

    Dr S Rouchet

  • Loi Leonetti

    Le 04 mars 2023

    La loi Leonetti a largement montré ses limites, d'autant que nos compatriotes les plus aisés se tournent de plus en plus vers nos voisins belges et suisses pour bénéficier de leur législation plus à l'écoute de celui qui souffre. Une hypocrisie qui rappelle les temps où l'avortement était interdit en France et autorisé chez nos voisins.

    DsMf, pharmacien

  • Aidez moi à me suicider !

    Le 04 mars 2023

    J'ai vu une jeune patiente de 36 ans, mère de famille (1 fille, 10 ans), désespérée d'une rhinobronchite qui ne passait pas depuis 15 jours, me déclarer qu'elle préférait mourir plutôt que de continuer à tousser, si un nouveau traitement efficace ne la délivrait pas !
    Elle me disait "Il y a des fois où j'ai envie de passer sous un train ...!"
    Que dira t-elle si on lui annonce un jour un cancer ? Et que l'aide à mourir est légalisée ?
    Vite, suicidez-moi !
    La demande ira crescendo comme aux Pays bas, et commencera beaucoup plus loin de la maladie de Charcot (que l'on n'aura pas besoin de chercher à mieux connaître et à mieux traiter, voire guérir !) si la "lyse" est proposée dès le diagnostic, voir dès le "conseil génétique" aux proches d'un malade avéré !

    Dr M Castaing

  • Qui a le droit de décider de ma vie ?

    Le 06 mars 2023

    Une question essentielle est celle de la liberté de choisir pour soi-même.
    L'humain sait que sa vie est limitée. Certains décident de finir leur vie sans souffrance car elle va de toute façon finir à court terme du fait de leur maladie.
    J'ai toujours eu de l'admiration pour Arthur Koestler : condamné à mort par le régime franquiste, il a été sauvé grâce à sa notoriété et a été un des avocats les plus actifs contre la peine de mort. Mais, atteint d'une maladie dégénérative à une époque où les capacités thérapeutiques étaient très limitées, il est devenu un avocat du droit au suicide qu'il a pratiqué. Je ne trouve pas de contradiction entre ces deux positions : il s'agit du droit de décider pour soi, de refuser qu'une instance quelconque décide de votre mort mais avoir le droit de décider pour soi.
    Neurologue, j'ai eu à accompagner des patients atteints de SLA vers le suicide assisté. Il faut introduire lentement la notion que la décision de mettre ou non en route une aide respiratoire (au delà du CPAP) doit être anticipée, sachant que si celle-ci est débutée, son arrêt est difficile. Tous mes patients ont choisi le suicide assisté et chaque fois leur entourage proche les a soutenus.
    Ce qui est dramatique c'est de voir des personnes dont la vie est un enfer, qui voudraient en finir mais qui ne le peuvent plus physiquement, vous supplier de les achever, quelle souffrance pour tout le monde. Ceux qui pourraient se débrouiller tout seul ne demandent rien mais aucun cas de maladie neurologique finissant par ce type de suicide dans mes archives, les faillites semblent plus dangereuses que les maladies pour ces gestes violents.
    Dans ce contexte on peut faire une comparaison avec la question de l'avortement. Personnellement je trouve l'avortement moralement encore pire que l'aide au suicide, mais je sais que si la société interdit l'avortement, celles qui en ont les moyens iront où cela est permis et les autres peuvent prendre des risques potentiellement mortels.
    Idem pour le suicide assisté, le refuser c'est de l'hypocrisie sociale : les riches sont libres de quitter la vie en douceur là où c'est permis, les pauvres n'ont qu'à crever.

    Dr J-Y Sovilla

  • Davantage de soins palliatifs ? En 2080 peut-être...

    Le 06 mars 2023

    Tout à fait d'accord avec ce que dit le Dr J-Y Sovilla à propos d'Arthur Koestler...
    Et aussi quand il dit : "Qui a le droit de décider de ma vie ? Il s'agit du droit de décider pour soi, de refuser qu'une instance quelconque décide de votre mort mais avoir le droit de décider pour soi."
    Et aussi quand il dit :
    "Idem pour le suicide assisté, le refuser c'est de l'hypocrisie sociale : les riches sont libres de quitter la vie en douceur là où c'est permis, les pauvres n'ont qu'à crever."
    Combien de handicap suivent des tentatives ratées de suicide pour des personnes réellement décidées à en finir mais ne sachant comment y parvenir sans souffrir ?
    A quoi sert de répéter et répéter : "donnons des moyens aux soins palliatifs", alors qu'on sait pertinemment que cela ne sera jamais le cas et que, au contraire, tout est fait pour détruire le système de santé public, privatiser et financiariser à outrance, et fermer des lits, réduire les durées d'hospitalisation malgré parfois des personnes sortant de l'hôpital sans avoir d'aide alors qu'elles en auraient besoin...
    Vous savez parfaitement que rien ne sera fait pour qu'il y ait davantage de services de soins palliatifs, donc non rentables, alors qu'il n'y a déjà pas assez de soignants dans les services de soins aigus ou longue durée... même dans le secteur privé lucratif...
    Pourquoi argumenter encore et encore de ces hypothèses d'améliorations qui n'arriveront jamais ? Et pourquoi toujours oublier les malades atteints de handicaps très lourds ou de maladies neurodégénératives, qui vont subir des mois de souffrances avant d'être enfin soulagés par une mort qu'ils réclamaient depuis longtemps ?
    Bien sûr il suffit de rester dans son confort de soignant qui soigne seulement... et de refermer sa réflexion en toute bonne conscience.
    Ces malades là ne sont pas trop visibles et on peut donc garder le confort de se sentir bonne conscience.

    B Margalef, IDE

  • Euthanasie assistée

    Le 07 mars 2023

    Ok pour cette assistance à la fin de vie.
    IDE retraitée depuis 10 ans (activité hospitalière : pédiatrie médecine, chirurgie, urgences smur, labo, halte-garderie et libéral) 45 ans d'activité avec peu de personnel soignant donc délégation et partage des tâches. Nous appliquions les protocoles peu efficaces parfois et donc beaucoup de souffrance pour le patient (qualification bien appropriée !) et pour les soignants plein d'empathie.

    M.L Pratmarty, IDE

  • Euthanaise ou suicide assisté : la grande confusion

    Le 13 mars 2023

    A lire les positions de ces soignants qui refusent toute aide à mourir, on découvre trois éléments. D'abord la confusion -sémantique mais aussi de pensée- entre euthanasie et prescription de drogue létale à la demande du patient. Ensuite l'opposition faite entre les soins palliatifs et l'aide à mourir. Enfin la difficulté où sont certains d'accepter l'autonomie décisionnelle du citoyen gravement malade.
    Au-delà de valeurs religieuses ou éthiques personnelles absolument respectables, le point central de cette opposition est bien ce refus d'accepter que oui, les patients dotés de discernement ont le droit de maîtriser leur vie et de décider d'en finir, lorsque celle-ci est devenue un enfer malgré les soins prodigués, ou qu'ils ou elles refusent une fin inéluctable en insuffisance respiratoire ou autre souffrance indicible ; ceci sans compter la déchéance physique qui pour beaucoup d'entre nous n'est pas acceptable. Décider souverainement à leur place ce qui est bon pour eux ou elles a des accents de féodalité qui ne sont guère de notre temps. C'est bien pourquoi l'euthanasie, forme ultime d'un pouvoir médical, n'a pas vraiment de place dans ce débat.
    Faudra-t-il encore longtemps se jeter sous un train ou d'une fenêtre -quand c'est toujours physiquement possible- ou se laisser mourir de faim pour finir ses jours en France lorsque la vie n'est plus acceptable ? Pour avoir vécu plusieurs situations de suicide assisté dans mon pays, je suis forcé de convenir que toute autre solution aurait été pire pour ces personnes que leur fin apaisée, en général entourée de proches, avec un cocktail de sédatifs pris en toute liberté, mais prescrits par un soignant ou une soignante puisque on ne peut, et ne doit pas faire autrement.
    Bien sûr le suicide assisté doit être encadré pour prévenir les dérives, et on ne peut éviter de légiférer dans ce but. Cela marche ailleurs, pourquoi cela devrait-il échouer au pays des droits de l'homme ?

    Dr J-F Babel

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