Changer de sexe comme on change d’adresse ?

Madrid, le lundi 20 février 2023 – De l’Espagne à l’Ecosse, de nombreux pays européens s’interrogent sur l’opportunité de permettre aux personnes, y compris aux adolescents, de changer sur demande leur sexe à l’état civil.

« Aujourd’hui, nous avons fait un pas de géant ». Irene Montero, ministre espagnol de l’Egalité, issus des rangs du parti de gauche radicale Podemos, n’a pas caché sa satisfaction jeudi dernier lorsque les Cortes (le Parlement espagnol) ont adopté, par 191 voix pour et 60 contre, sa loi sur les droits des personnes transgenres. Une loi qui autorise tous les Espagnols de 16 ans à changer librement leur sexe à l’état civil par simple déclaration, sans avoir à fournir la preuve qu’ils souffrent d’une dysphorie de genre diagnostiquée ou qu’ils suivent un traitement hormonal, comme c’était le cas jusqu’alors. Le changement de sexe est même possible pour les 14-16 ans sur autorisation parentale et pour les 12-14 ans avec l’accord d’un juge.

L’Espagne devient ainsi le seul pays européen avec le Danemark (qui l’autorise depuis 2014) à permettre aux personnes transgenres de changer librement de sexe à l’état civil. Comme souvent lorsqu’il est question de transidentité, l’examen du texte au parlement espagnol a donné lieu à des débats houleux. La droite conservatrice s’est classiquement opposée au texte, mais la loi a également suscité de vives oppositions au sein de la gauche et du mouvement féministe.

Les féministes divisées sur la question du genre

Si certaines militantes estiment que la reconnaissance des droits des femmes transsexuelles doit être pleinement intégrée au combat féministe, d’autres au contraire s’inquiètent de cette négation du sexe biologique, qui revient selon elles à effacer ce qui fait l’identité de la femme. « Revendiquer le genre comme étant au-dessus du sexe biologique me semble être un recul » résume Carmen Calvo, numéro 2 du parti socialiste espagnol. Le fait que la loi s’applique également aux mineurs n’a fait que polariser encore plus les débats, provoquant même des interventions extérieures. « Ouvrir cette porte sans aucune restriction aux enfants me parait précipité et très dangereux » a ainsi commenté Reem Alsalem, rapporteure spéciale de l’ONU sur les violences faites aux femmes.

La question de la prise en charge de la dysphorie de genre chez les adolescents et de la reconnaissance des droits des transsexuels ne taraude pas seulement l’Espagne mais toutes les sociétés occidentales. Le nombre croissant d’adolescents et même d’enfants qui se déclarent transgenre ou non-binaires pose question, que l’on analyse cela comme un simple effet de mode ou comme un véritable sujet de société.

L’Ecosse a ainsi connu peu ou prou le même débat que l’Espagne il y a quelques semaines de cela. Le 22 décembre dernier, après des discussions houleuses, le Parlement écossais a ainsi adopté une loi permettant à toute personne de plus de 16 ans de faire changer son sexe à l’état civil, sans avoir besoin d’un diagnostic médical de dysphorie de genre. Comme en Espagne, la loi a été critiquée par certaines féministes et notamment par la célèbre auteure des livres Harry Potter J.K. Rowling, une écossaise d’adoption qui a multiplié les déclarations polémiques sur les femmes transsexuelles ces dernières années.

J.K. Rowling en première ligne

Selon Rowling et de nombreuses féministes, cette loi pourrait notamment être utilisée par des hommes mal intentionnés pour pouvoir accéder à des lieux réservés aux femmes et ainsi les agresser. Une inquiétude qui s’est matérialisée fin janvier avec le cas très médiatisé d’Isla Bryson, un homme condamné pour viol qui a dit vouloir changer de sexe et être transféré dans une prison pour femmes ! Le gouvernement britannique a finalement décidé d’actionner un mécanisme constitutionnel jamais employé auparavant pour bloquer la loi écossaise, créant un bras de fer judiciaire entre Londres et Edimbourg.

Même dans la très libérale Scandinavie, considérée comme étant à la pointe de la reconnaissance des droits des personnes LGBT, le débat est loin d’être tranchée. En février 2022, le ministre de la Santé suédois a décidé de mettre en place un moratoire sur l’accès des mineurs aux traitements hormonaux de changement de sexe, estimant que « les risques d’un traitement hormonal inhibant la puberté pour les moins de 18 ans l’emportent actuellement sur les avantages possibles ». La Finlande a pris la même décision en 2020.

Qu’en-est-t-il de la France ? En principe, les traitements hormonaux et chirurgicaux sont accessibles aux adolescents, même si l’Académie de Médecine appelle les médecins à faire preuve de « la plus grande réserve » dans ce domaine. Depuis 2016, la modification du sexe à l’état civil a été facilitée et n’est plus conditionnée au suivi d’un traitement hormonal. Elle n’est cependant possible que pour les majeurs et sur décision de justice.

Comme un peu partout en Occident, le débat sur ce sujet sensible est rendu difficile voire impossible par l’intransigeance de certains. La pédopsychiatre Caroline Eliacheff et la psychanalyste Céline Masson, qui militent contre les traitements hormonaux pour les adolescents transgenres, ont ainsi vu plusieurs de leurs conférences perturbées par des militants LGBT.

Nicolas Barbet

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Vos réactions (2)

  • L'anomalie

    Le 25 février 2023

    Ce qui est inepte est de devoir déclarer un "sexe" à l'Etat-civil. Cette mention, outre qu'elle est totalement dénuée d'utilité, est trop souvent inapplicable.
    Les définitions anatomique, génomique, endocrinologique, psychologique, sociologique, libidinale, sont imprécises et fréquemment non congruentes.
    Pour demander le sexe d'une personne, il faudrait pouvoir dire ce qu'on entend par là ; et comme l'a fort bien observé Pierre Dac : "Par là ? J'entends pas grand chose" !

    Dr Pierre Rimbaud

  • Dictature de minorités epsilonesques

    Le 26 février 2023

    Tout adulte consentant est, en Occident du moins, libre de choisir sa sexualité.
    Tout autre est le problème de la propagande des lobbies LGBT et son entrisme à l'école via la circulaire du ministre woke en exercice. Sans oublier la complicité active du planning familial.
    Infliger à des enfants des traitements chirurgicaux et hormonaux qui les handicaperont leur vie durant relève de la perversité et devrait être puni par la loi.
    Les parents aussi ignorants qu'indignes sont complices, tout autant que les médecins qui se prêtent à de tels délits rémunérateurs.

    Dr A Krivitzky

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