
Pékin, le vendredi 12 août 2022 – Conséquence de la politique zéro-Covid et de la paranoïa ambiante, les Chinois guéris du Covid sont régulièrement victimes de discrimination.
On les surnomme « les petits moutons », les mots « mouton » et « positif » se prononçant de la même manière en mandarin. Ces petits moutons, ce sont les plus de 230 000 Chinois à avoir été un jour testés positifs au Covid-19 avant de guérir de la maladie.
Tout médecin sait, bien sûr, qu’une personne contaminée acquiert une immunité qui la protège du virus pendant un certain temps. Et pourtant, en Chine, les guéris du Covid-19 sont vus comme des parias et régulièrement victimes de discrimination.
« L’ignorance fait que certains craignent que les personnes ayant été infectées soient plus susceptibles d’être réinfectées » explique Jin Dongyan de l’université de Hong Kong.
Ainsi à Shanghai, plusieurs entreprises n’hésitent pas à indiquer qu’elles refusent d’employer des guéris du Covid-19. Droit du travail et secret médical n’étant que des vains mots en Chine, les employeurs peuvent sans problème éplucher les résultats des tests de leurs salariés.
A Foshan dans le sud du pays, un théâtre a interdit l’entrée à toute personne ayant un jour contracté le virus.
Une paranoïa instillée par le gouvernement
Plusieurs histoires individuelles de discrimination contre les guéris du Covid-19 ont fait le tour des réseaux sociaux et ont ému les internautes. Ainsi de Mme Zao, cette femme de chambre au chômage depuis 4 mois dont l’ancien employeur refuse de payer le salaire au motif qu’elle a contracté la maladie pendant son service.
Il y a aussi He Yuxiu, une professeure de russe renvoyée de son école après qu’on ait appris qu’elle avait attrapé la Covid-19 en Ukraine. Il y a enfin ces dizaines de migrants obligés de vivre depuis des mois à la gare de Shanghai, dans l’impossibilité de trouver un travail ou de retourner dans leur province d’origine depuis qu’ils ont été contaminés.
Alors que ces cas de discrimination divisent l’opinion publique chinoise, le gouvernement de Pékin a décidé de réagir. En juillet dernier, l’exécutif a rappelé que la discrimination à l’embauche était interdite par la loi et a demandé aux autorités locales de réagir.
Ce jeudi, le gouvernement de Shanghai a indiqué que les employeurs n’auraient dorénavant plus la possibilité de consulter l’historique des tests des candidats à l’embauche. Mais le mal est sans doute déjà fait. Les discours alarmistes du gouvernement communiste à chaque poussée épidémique ont attisé la paranoïa de la population et les Chinois savent bien qu’un seul cas peut conduire à un confinement drastique de plusieurs semaines.
Les « petits moutons » mais aussi leurs familles et les médecins hospitaliers sont désormais suspects.
Pékin n’est pas près d’abandonner le zéro-Covid
La Chine est le dernier pays du monde à appliquer la politique dite zéro-Covid qui consiste à tenter de tuer dans l’œuf toute vague épidémique via des confinements stricts et une politique de dépistage massive.
Cette stratégie est régulièrement dénoncée pour son caractère disproportionné et inhumain, les autorités chinoises n’hésitant pas à enfermer les contaminés dans des centres de quarantaine et à violer leur vie privée.
La Chine a connu au printemps dernier sa pire vague épidémique (110 000 contaminations en deux mois) qui a conduit au confinement de plusieurs millions d’habitants et notamment de la ville de Shanghai, capitale économique du pays. La situation s’est quelque peu calmée depuis, mais Pékin n’abandonne pas pour autant sa stratégie.
Sur l’île d’Hainan, lieu de vacances privilégié des Chinois depuis la fermeture des frontières il y a deux ans, 200 000 touristes sont bloqués depuis le 5 août après la découverte de 1 500 cas et ne peuvent revenir sur le continent qu’en présentant trois tests négatifs.
Près de trois ans après le début de l’épidémie de Covid-19 à Wuhan, rien ne semble indiquer que Pékin puisse infléchir sa politique.
Nicolas Barbet