
JIM : Quel a été l’impact de la pandémie sur le CMG ?
Pr Paul Frappé : Il a été fort. Au niveau du fonctionnement, on a été touché par la limitation des déplacements et le développement du télétravail. Sur le fond, on a, surtout en 2020, était assailli de sollicitations des différentes institutions avec lesquelles nous collaborons en tant que conseil national professionnel (CNP), avec des demandes d’avis assez urgents, dans le cadre des réponses rapides de la HAS notamment. Il y a eu également tout un travail d’adaptation de l’information à destination du médecin généraliste, avec le développement du site coronaclic.fr qui vise à trier les infos utiles sur la pandémie pour la pratique du médecin généraliste. Concernant le congrès, il y a eu une édition en visio en 2020 et l’annulation en 2021.
Sur le plan économique, la crise ne nous a pas particulièrement mis en difficulté…puisque le collège est en précarité économique depuis l’origine ! Mais sur ce point, il est prévu que le CMG en tant que CNP bénéficie de subventions pérennes qui devraient davantage sécuriser son développement.
JIM : Vous avez récemment publié un « kit addicto » concernant la prise en charge du sevrage tabagique. Quelle est la position du CMG sur la cigarette électronique ? Quand seront publiées les prochaines fiches ?
Pr Paul Frappé : Les sept fiches restantes sont dans les tiroirs et les tuyaux, elles devraient être publiées dans les toutes semaines prochaines, peut-être d’ici le congrès.
Ne pas décourager le sevrage par la cigarette électronique
Concernant la cigarette électronique, nous la considérons comme un outil de réduction des risques et estimons qu’il ne faut pas décourager le patient fumeur qui s’initie au vapotage dans une optique de sevrage en lui indiquant bien qu’il faut éviter l’usage concomitant cigarette/cigarette électronique. Il faut également l’inviter à privilégier les e-liquides qui bénéficient de la norme AFNOR.
JIM : Quels seront les principaux thèmes abordés durant le congrès du CMG ?
Pr Paul Frappé : C’est un peu compliqué de répondre. C’est extrêmement varié, ce sera un congrès feu d’artifice ! On aura les incontournables : le cancer colorectal, les troubles du neurodéveloppement, la prise en charge de l’adolescent, de la personne âgée... On aura des nouveautés, sur la PrEP, sur la télémédecine forcément, sur la Covid bien entendu. On va aussi parler des grands enjeux de sociétés : les inégalités sociales de santé, l’environnement…On aura aussi une approche syndicale, avec des sessions sur la rémunération par exemple. Sans oublier tous les ateliers sur les gestes techniques, qui rencontrent toujours un grand succès.
« Que les candidats abandonnent les miroirs aux alouettes »
JIM : Quelle est la principale mesure concernant les médecins généralistes que vous attendez des candidats à l’élection présidentielle ?
Pr Paul Frappé : On a un peu discuté pour savoir si en tant que Collège on allait aller à la rencontre des différents candidats. Cependant, nous ne sommes pas un syndicat et ce n’est pas notre rôle de se mettre dans une telle position. Quoi qu’il en soit, la principale attente c’est surtout un changement de discours : que les candidats abandonnent les miroirs aux alouettes sur les restrictions à l’installation, qui, selon nous, ne feront qu’aggraver les difficultés et feront déchanter beaucoup de monde.
JIM : Le CMG a fait part de son soutien au peuple ukrainien. Quelles actions concrètes envisagez-vous ? Etes vous en contact avec vos confrères ukrainiens ?
Pr Paul Frappé : Nous sommes en contact indirectement avec des confrères ukrainiens par le biais de la WONCA (World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians) dont est membre le CMG. Nous avons donc pu échanger avec des confrères ukrainiens qui nous ont fait part de leur situation et qui ont très rapidement alerté quant à leur manque de matériel, notamment en traumatologie, dont malheureusement nous ne disposons pas très largement non plus dans nos cabinets. La question était donc, faisons-nous une collecte ? Le problème est que le CMG n’a pas les compétences pour ce type d’actions. Nous avons donc songé à des transferts financiers, mais là aussi la question de l’interlocuteur à privilégier sur place pose problème. Le risque est en effet qu’une fois transféré, l’argent ne serve pas qu’à de l’humanitaire... Finalement on a opté pour une méthode classique : nous appelons les médecins généralistes à donner au Fonds de l’ONU pour l’Ukraine, à la Croix-rouge internationale, à Médecins du monde et à Médecins sans frontières
JIM : Quel regard portez-vous sur le « scandale Orpéa » ?
Pr Paul Frappé : De nombreux médecins généralistes interviennent en EHPAD et ont conscience des difficultés de ces établissements et de faire partie des dysfonctionnement identifiés : le faible nombre de médecins en EHPAD est en effet sans doute l’une des clés du problème. Cependant, c’est un sujet, sur lequel le CMG n’a pas encore décidé de prendre position.
JIM : Quel est aujourd’hui le niveau d’implication des médecins généralistes en ce qui concerne le DPC ? Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, les attirer davantage vers ces formations ? Quel regard portez-vous sur l’exclusion des remplaçants du dispositif et sur l’évolution des conditions concernant la formation à la maîtrise de stage ?
Pr Paul Frappé : S’il est toujours rassurant de pouvoir s’appuyer sur des chiffres, malgré leur existence, demeurent cependant de nombreuses inconnues. Il y a les chiffres de l’ANDPC qui concernent les actions de DPC indemnisées, mais il y aussi tous ceux qui font du DPC, un peu comme Monsieur Jourdain, sans le savoir. D’autant que l’ANDPC ne comptabilise pas les médecins salariés. Sans oublier que sur les 85 000 médecins inscrits comme médecins généralistes à l’Ordre, on ne sait pas vraiment quelle part exerce vraiment la médecine générale au sens où on l’entend habituellement ! Quoi qu’il en soit, nous constatons, concernant le DPC indemnisé, qu’il y a encore très peu de médecins qui s’y sont impliqués. Ainsi, d’après les chiffres, 12 800 médecins généralistes auraient validé leur obligation triennale.
Exclure les remplaçants du DPC : une décision malheureuse
Par ailleurs, sans rentrer dans les détails, nous estimons qu’il y a clairement une nécessité de faire évoluer le système…
Concernant l’exclusion des médecins remplaçants, c’est
regrettable. Au-delà des contraintes financières de l’ANDPC à
propos desquelles nous ne pouvons nous prononcer, c’est un signal
extrêmement négatif, d’autant plus que les remplaçants doivent
évidemment continuer de se former comme les autres médecins. Il y a
un côté bouc émissaire dans cette affaire. Je nourris le même
sentiment concernant les maîtres de stage, bien que l’ANDPC soit
revenue sur cette décision. Ces deux annonces étaient donc vraiment
malheureuses.
JIM : Pour finir, que diriez-vous aux MG pour les
convaincre d’assister au congrès du CMG ?
Pr Paul Frappé : Je leur dirais de venir s’y aérer et d’aérer leur pratique ! La spécificité de ce congrès c’est que s’y retrouve toute la diversité de la médecine générale. Il représente toutes les dimensions de l’exercice qui éveillent l’appétit et la curiosité avec du professionnel, du scientifique, de la formation, etc.
Interview réalisée par Frédéric Haroche