
Lille, le jeudi 26 janvier 2023 – Réunis en congrès, les gynécologues souhaitent améliorer leur relation avec les patientes, entachée par de récentes accusations de violences sexuelles.
Depuis quelques années, dans le sillage du mouvement MeToo, la gynécologie a été ébranlée par plusieurs scandales de violences sexuelles. Il y a tout d’abord eu l’affaire Emile Darai, éminent professeur de gynécologie exerçant à l’hôpital Tenon, accusé depuis 2021 par des dizaines de patientes de viols et d’agressions sexuelles (mis en examen, il a perdu son poste de chef de service). Il y a ensuite eu l’affaire Chrysoula Zacharopoulo, secrétaire d’Etat et gynécologue, dont certaines patientes lui reprochent des examens brutaux assimilables selon elles à des viols. Il y a enfin les centaines d’anonymes qui, à travers les réseaux sociaux, témoignent de touchers vaginaux brutaux et non-consentis.
Des accusations qui ont évidemment perturbé la relation de confiance entre les gynécologues et les patientes, primordiale pour une prise en charge de qualité. Trouver les moyens de restaurer cette confiance est donc l’objectif principal du congrès « Pari(s) santé femmes » qui réunit des gynécologues français ces 25, 26, et 27 janvier à Lille. Pour le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), la bienveillance doit devenir le maître mot (tout un programme).
Bon sens clinique et respect du consentement
Conscient que l’examen pelvien, par toucher vaginal ou utilisation d’un speculum, concentre les critiques, le CNGOF a donc décidé d’émettre de nouvelles recommandations, basées sur des études qui ont mesuré l’efficacité des différents modes de prise en charge, afin de rendre l’examen moins systématique. « Certaines femmes redoutent, voir évitent la consultation gynécologique, à cause de cet examen, il faut déterminer dans quelles situations il est utile, éviter les touchers inutiles et rassurer sur le bien-fondé de la prise en charge » explique le Pr Xavier Deffieux, gynécologue à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart et porte-parole du groupe de travail sur le sujet.
Chez les femmes non-enceintes, l’examen pelvien ne sera plus systématiquement recommandé pour la mise en œuvre d’une contraception hormonale et pour le dépistage du cancer de l’ovaire. Chez les femmes enceintes, le toucher vaginal ne sera plus nécessaire si la future mère est asymptomatique et même en cas de saignements ou de douleurs lors du premier trimestre (mais le spéculum pourra être utilisé). Il n’est désormais plus non plus recommandé de systématiquement mesurer la longueur cervicale par échographie endovaginale. En résumé, l’examen pelvien concernerait désormais une minorité des consultations de gynécologie.
Au-delà de ces recommandations, le bon sens clinique et le respect du consentement de la patiente doit toujours primer. « C’est souvent un compromis entre l’objectif de bien faire, la sécurité des femmes et les moyens à disposition ; il ne s’agit pas d’appliquer une recommandation à l’aveugle, il faut contextualiser en fonction de la femme et ne pas oublier que c’est la femme qui accepte ou non la recommandation qu’on propose » résume le Pr Deffieux.
Ne pas oubliez d’être bienveillant !
Le CNGOF a également adopté une nouvelle « charte des soins en salle de naissance », comportant quelques règles élémentaires de bonne conduite à destination des médecins et des sage-femmes, comme « se présenter dès le premier contact avec la femme » ou adopter une attitude de « bienveillance dans une logique de décisions partagées ».
Caroline Combot, secrétaire général de l’Organisation nationale syndicale des sage-femmes (ONSSF) ne cache pas sa perplexité face à ces recommandations. « C’est vraiment le b.a.-ba des professionnels qui doivent prendre en charge les femmes dans leur intimité » commente-t-elle, avant de pointer du doigt les manquements de la formation des gynécologues, insuffisamment sensibilisés à l’aspect empathique du métier. « Certains professionnels vont être dans une logique uniquement anatomique, pathologique, où la dimension psychologique est absente ».
Les VOG, un délit fumeux ?
Si les gynécologues ont donc choisi la voie des recommandations pour faire reculer les « violences gynécologiques », d’autres en préfèrent une autre plus classique, celle de la pénalisation et de la répression. La sénatrice écologiste Raymonde Poncet Monge a ainsi déposé le 12 janvier dernier une proposition de loi visant à créer deux nouveaux délits, celui de violence gynécologique et obstétricale (VOG) et celui d’outrage sexiste gynécologique et obstétrical.
« Constitue une violence gynécologique et obstétricale le fait, pour un professionnel de santé, de procéder à un acte ayant pour effet de porter atteinte à la dignité d’une patiente en raison de son caractère dégradant ou humiliant ou de créer à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ou de porter atteinte à son intégrité en raison de séquelles physiques et psychologiques » peut-on lire dans la proposition de loi, qui prévoit également d’alourdir les peines en cas de viol ou agressions sexuelles commises par un médecin.
Alors que le Conseil de l’Ordre est régulièrement accusé de laxisme vis-à-vis des violences sexuelles, la proposition de loi prévoit également de supprimer la procédure de conciliation (obligatoire en principe), lorsqu’une patiente se plaindra de violences sexuelles commises par un médecin car cette procédure « prévoit la participation de la victime à des réunions avec son agresseur ». Enfin, les sénateurs souhaitent que les futurs gynécologues soient, durant leurs études, sensibilisés à la question des VOG.
Quentin Haroche