Covid-19 en Grèce : « Les mesures parmi les plus proactives et les plus strictes d'Europe »
Paris, le mardi 2 juin 2020 - A l’heure des premiers
bilans de la crise sanitaire que nous traversons, celui de la Grèce
pose questions. Avec un total de 2 909 personnes infectées* par le
SarsCoV2 et 175 décès* pour une population de 10,8 millions
d’habitants, c’est l’un des pays d’Europe ayant le mieux résisté à
la pandémie. Pourtant, après une décennie d’austérité budgétaire,
son système de santé ne semblait pas être le mieux armé. Vasiliki
Georgakopoulou, pneumologue à l’Hôpital Général Laïko d’Athènes
revient pour le JIM sur la gestion grecque de cette
crise.
JIM.fr : Comment expliquez-vous que la Grèce fasse figure
d’exception face à cette pandémie alors que sa population est
pourtant la plus en surpoids et la plus âgée de l'Union Européenne
?
Vasiliki Georgakopoulou : La Grèce a immédiatement
réagi juste après l’identification, le 26 février, du premier
patient infecté, une femme de 38 ans habitant Thessalonique et
revenant d’un voyage en Italie du Nord. Dès le 27 février, tous les
festivals du pays ont été annulés et les autorités sanitaires et
gouvernementales ont alors émis des recommandations de prévention.
D’autres cas ont été confirmés fin février-début mars, notamment
des personnes revenant d’un pèlerinage en Israël et en Egypte ainsi
que leurs contacts. Des mesures locales ont alors été adoptées
comprenant la fermeture d'écoles et la suspension d'événements
culturels dans les zones touchées (en particulier à Ilia, Achaea et
Zakynthos). Le 10 mars, alors que nous avions 89 cas confirmés mais
toujours aucun décès dans le pays, le gouvernement a décidé, à
l’échelle nationale, de suspendre le fonctionnement des
établissements d'enseignement de tous niveaux. La cérémonie
d'allumage de la flamme olympique s’est d’ailleurs tenue à huit
clos. Le premier décès de la Covid-19, un homme de 66 ans, est
intervenu le 12 mars. Le 13 mars, les autorités ont décidé de
fermer tous les restaurants, cafés, musées, centres commerciaux,
installations sportives du pays. Et trois jours plus tard, tous les
magasins de vente au détail. Deux villages de Kozani ont été mis en
quarantaine et tous les services religieux ont été suspendus. Entre
le 22 mars et le 4 mai, les déplacements non essentiels ont été
restreints, des attestations de sortie devaient être
obligatoirement présentées et toute infraction faisait l‘objet
d’une amende. D’autre part, la Grèce a pu obtenir très rapidement
des millions de masques non seulement pour les professionnels de la
santé et les patients mais aussi pour tout le monde. Masques et
solutions antiseptiques étaient en vente depuis le début de
l’épidémie dans les pharmacies. Les mesures mises en place en
Grèce, y compris dans les îles, ont été parmi les plus proactives
et les plus strictes d'Europe. Elles ont été reconnues
internationalement pour avoir ralenti la propagation de la maladie
et avoir maintenu, plus tôt que les autres pays, le nombre de décès
parmi les plus bas d'Europe.
JIM.fr : Quelle politique de dépistage la Grèce a-t-elle
adoptée ?
Vasiliki Georgakopoulou : Dès le départ, toutes
personnes présentant des symptômes d'infection respiratoire et
ayant des comorbidités ainsi que les personnels de santé ont pu
effectuer un test RT-PCR. Celles n’ayant eu que de légers symptômes
ou celles ayant eu un contact étroit avec un cas confirmé ont été
invitées à rester isolées chez elles, prendre leur température deux
fois par jour et à contacter leurs médecins en cas d’aggravation.
Un test RT-PCR a été systématiquement effectué chez toutes
personnes revenant d'un pays étranger. En cas de positivité au
test, ces dernières devaient s’isoler pendant 14 jours dans l’un
des hôtels mis à leur disposition. Concernant les tests
sérologiques, nous ne les utilisons pas actuellement. Mais une
nouvelle annonce concernant les critères de tests devrait être
faite dans les prochains jours.
Doublement du nombre de lits de soins intensifs
JIM.fr : La Grèce a connu dix ans d’austérité budgétaire
qui a mis à mal son système de santé. Comment les hôpitaux, dont le
vôtre, se sont-ils organisés pour gérer cette pandémie et pour
accueillir les patients ?
Vasiliki Georgakopoulou : En deux mois, la Grèce a
renforcé ses effectifs médicaux en embauchant 3748 professionnels
de santé (médecins et personnels de santé) et s’est doté de moyens
supplémentaires. Dans mon hôpital, nous avons doublé le nombre de
lits de soins intensifs et les avons équipés de nouveaux
respirateurs artificiels. Nous avons également créé 6 lits d'unité
“à forte dépendance”. Et dans tout le pays, nous disposons
maintenant de 1 017 lits de soins intensifs, en comptant les lits
des cliniques privées, contre 565 avant l’épidémie ainsi que de
nouvelles unités de soins “à forte dépendance” dans chaque
structure. Pour tous les citoyens, une ligne téléphonique a été
mise en place afin de délivrer des informations mais aussi
d’effectuer des consultations en cas de symptômes.
Hydroxycloroquine et azithromycine systématiquement
administrés
JIM.fr : Quelle est votre stratégie de prise en charge des
patients ?
Vasiliki Georgakopoulou : Les patients hospitalisés
reçoivent un traitement par azithromycine et hydroxychloroquine et
par anticoagulants pour la prévention de la TVP. Un patient peut
aussi participer à un essai clinique randomisé sur le remdesivir ou
à des protocoles de recherche approuvés sur l'utilité des
biomarqueurs (par exemple suPAR, IL-6, IL-1, …) ou encore sur
l'efficacité d'agents immunomodulateurs (par exemple le
tocilizumab, les inhibiteurs de JAK, l’anakinra). Un patient
cliniquement stable pendant 7 à 10 jours, présentant une
amélioration des marqueurs inflammatoires sanguins et aucun
symptôme pendant au moins 3 jours, peut ensuite sortir de
l'hôpital. S’il est censé être en contact étroit avec des personnes
à haut risque de développer une infection sévère, il doit présenter
un résultat négatif au test RT-PCR sur au moins deux prélèvements
espacés de 24h.
JIM.fr : Dans quel état d’esprit se sont trouvés les
professionnels de santé grecs face à la crise sanitaire subie par
l’Italie, l’Espagne et la France, sachant que le système de santé
grec venait tout juste de sortir de crise ?
Vasiliki Georgakopoulou : À mon avis, les
professionnels de la santé ont d’abord été anxieux car nous
partions avec un système de santé déjà affaibli. Nous avions vu ce
qu’il se passait en Italie et n’étions pas rassurés. Mais très
rapidement, des mesures et des moyens ont été mis en place en Grèce
ce qui nous permet, aujourd’hui, d’être confiants en cas de seconde
vague.
JIM.fr : Les citoyens peuvent désormais se déplacer dans
toutes la Grèce. Certaines liaisons maritimes et aériennes sont
progressivement réouvertes afin notamment de faciliter le retour
des touristes. Comment la Grèce et les hôpitaux organisent-t-ils ce
déconfinement progressif ?
Vasiliki Georgakopoulou : Les hôtels et les campings ont
ré-ouvert le 1er juin et dès le 15 juin, ils pourront
accueillir des visiteurs étrangers. Les vols vers l'aéroport
international d'Athènes Eleftherios Venizelos reprendront également
à partir du 15 juin, mais uniquement en provenance de pays ayant de
bons critères épidémiologiques. Et à partir du 1er
juillet, les vols reprendront dans tous les aéroports du pays. Un
plan gouvernemental décrit en détail les règles d'hygiène, de
protection et les procédures concernant toutes les activités
touristiques afin d'assurer la sécurité des touristes et des
citoyens grecs. Chaque hébergement devra avoir un « médecin
collaborateur » pour effectuer une première évaluation de
l’établissement et une personne « coordinatrice » pour gérer
les éventuels cas suspects. Le système de santé se tiendra prêt à
transporter un patient vers un établissement de santé en moins de
deux heures même depuis une île.
*Bilan total au 31 mai 2020 selon le site Johns
Hopkins
La gestion de la crise sanitaire en Grèce face à la pandémie a été exemplaire parce que les autorités n'ont pas attendu pour confiner, à l'inverse de l'Italie, de l'Espagne, de la France et surtout de la Grande-Bretagne ; c'est cette rapidité de décision qui a porté du fruit et sauvé bien des vies.
Dr Michel de Guibert
Comment les pays qui ont reussi ont-ils fait ?
Le 07 juin 2020
Il serait intéressant de comparer l'organisation et les mesures prises et appliquées (ou pas) dans les pays qui ont su maîtriser cette première vague vs ceux qui l'ont moins maîtrisé. Je retiens pour ma part également la grande facilité d'accès aux tests à l'identique de la Corée et Hong Kong. Comparer aussi les habitudes culturelles avant le confinement : les grecs sont il adeptes de s'embrasser à chaque rencontre ?
Dr Michel Dupres (vétérinaire)
Grèce, Corée du Sud, Allemagne...
Le 07 juin 2020
Surtout, comme en Corée du Sud et en Allemagne, dépistage et isolement : "...Dès le départ, toutes personnes présentant des symptômes d'infection respiratoire et ayant des comorbidités ainsi que les personnels de santé ont pu effectuer un test RT-PCR...".