Covid-19 : la Fédération Française des Diabétiques se mobilise (interview)
Paris, le mardi 24 mars 2020 - Face à l’épidémie de
Covid-19, la Fédération Française des Diabétiques et ses 100
associations locales et délégations ont mis en place des actions
d’accompagnement et d’information auprès des 4 millions de patients
diabétiques qu’elles représentent. Jean-François Thébaut,
vice-président de la FFD, également médecin cardiologue, nous en
précise les détails.
JIM.fr : Vous recevez actuellement de nombreux appels de
patients diabétiques. Quelles sont leurs principales inquiétudes et
interrogations ?
Dr Jean-François Thébaut : Nous avons plusieurs lignes
téléphoniques dédiées, une ligne pour les questions d’ordre social
liées à l’emploi et deux lignes pour les problèmes de santé.
Habituellement, nous avons environ 20 000 appels par an et en ce
moment, les appels sont incessants, plusieurs centaines par jour.
L’annonce par l’Assurance Maladie de la procédure exceptionnelle
d’arrêt de travail automatique (sans passer par le médecin) à titre
préventif pour une durée de 21 jours destinée aux personnes
présentant un risque de développer une forme grave d'infection a
permis de répondre aux inquiétudes. Nous avions également beaucoup
d’appels de personnels soignants diabétiques qui voulaient savoir
quelle était la procédure pour se mettre à l’écart du danger.
L’Assurance Maladie a mis en ligne un numéro spécial pour afin de
leur répondre. Cependant, cette ligne s’adresse en particulier aux
diabétiques mais pas seulement.
D’autre part, le service Sofia dédié au diabète a été
interrompu afin que l’intégralité de son personnel soit mobilisée
pour apporter des réponses aux questions des patients sollicitant
les services de l’Assurance Maladie.
Craintes pour l’heure infondées d’une pénurie de certains
traitements et dispositifs médicaux
Nous avons également beaucoup de questions de la part des
patients diabétiques sur le stock et le risque de pénurie
concernant non seulement les médicaments, les insulines en
particulier, mais aussi les dispositifs médicaux (capteurs, pompes
à insuline, et tous les consommables). Sur ce point, nous sommes en
contact régulièrement avec l’ANSM, environ une fois par semaine en
ce moment, et nous avons également interrogé tous les laboratoires
pharmaceutiques et les fabricants de dispositifs médicaux. Pour le
moment, nous sommes complètement rassurés, mais avec prudence quand
même. Donc, la recommandation que l’on fait aux patients
diabétiques, c’est de ne surtout pas faire de stockage car cela
risquerait d’induire une pénurie réelle, comme nous risquions de le
voir avec le Doliprane… Donc, nous leur recommandons d’avoir comme
d’habitude leurs stocks afin de ne pas être à court mais de ne
surtout pas sur-stocker d’autant que les pharmaciens ont
l’autorisation de renouveler l’ordonnance des patients atteints de
maladies chroniques pour une durée de trois mois.
Les autres appels concernent l’aspect médical. Certains
patients diabétiques craignent d’être plus à risque d’être
contaminé que la population générale, ce qui n’est pas le cas. Mais
s’ils contractent le virus, ils sont plus à risque de présenter des
formes graves et de déstabiliser leur diabète.
JIM.fr : Quels sont les principaux conseils et informations
délivrés aux patients sur le site de la Fédération ?
Dr Jean-François Thébaut : Bien entendu, les premiers
conseils sont les mesures de prévention que l’on répète
inlassablement. La Fédération Française des Diabétiques étant une
association de patients et non une société savante, il ne nous
appartient pas de faire des recommandations scientifiques. En
revanche, notre mission est de faire comprendre les recommandations
scientifiques et de les diffuser auprès des patients. Nous avons
ainsi publié sur notre site Internet celles de la Société
Francophone du Diabète. Ces recommandations redisent que le risque
d’avoir une forme grave est plus importante si l’on a un diabète
déséquilibré d’une part et d’autre part comme tous les épisodes
infectieux, cela peut déstabiliser le diabète, notamment pour les
patients diabétiques de type 2 qui sont souvent plus âgés et qui
ont des comorbidités importantes. Il est recommandé de contrôler
encore plus régulièrement les glycémies car en cas de fièvre, il
peut y avoir des variations. Dans ce cas, les patients doivent
avoir recours à leur médecin traitant ou leur diabétologue pour
rééquilibrer le diabète si c’est simplement un problème d’équilibre
dû à une forme fébrile non grave. Et bien entendu, si un patient
diabétique a des symptômes évocateurs de Covid-19, il doit prévenir
son médecin, à distance plutôt que d’aller à son cabinet. En cas de
fièvre, de toux et surtout de signes d’essoufflement ou une grosse
déstabilisation du diabète, un patient pourra être amené à être
hospitalisé.
Mise en garde : la prise de paracétamol peut fausser
les données de certains capteurs
JIM.fr : Vous avez alerté les patients sur le fait que le
paracétamol peut fausser les données de certains capteurs notamment
en cas d’hypoglycémie. Que recommandez-vous en cas de doute
?
Jean-François Thébaut : Oui, certains capteurs, ce qui
n’est pas le cas du FreeStyle Libre, peuvent avoir leurs résultats
faussés par le paracétamol soit plutôt à la hausse et donc masquer
une hypoglycémie ou au contraire entraîner un dosage supérieur
d’insuline. Donc pour les patients sous insuline, la recommandation
est de vérifier par des glycémies capillaires avant de s’injecter
des doses quelle que soit l’indication du capteur.
Dr Jean-François Thébaut : Il y a actuellement une
polémique concernant l’exercice physique. C’est indispensable bien
sûr pour les personnes diabétiques. Mais tout dépend dans quelles
conditions, il faut veiller au rapport bénéfices-risques. Si c’est
à la campagne ou dans un endroit avec beaucoup d’espace, les
patients diabétiques peuvent bien entendu continuer à pratiquer.
Mais s’il y a du monde, il ne faut pas prendre de risque. Il vaut
mieux dans ce cas pratiquer à la maison.
JIM.fr : Quelles sont les autres actions actuellement mises
en place ou prévues par la Fédération ?
Dr Jean-François Thébaut : En interne au niveau de la
Fédération, nous faisons des points d’actualités deux fois par jour
et nous retransmettons en ligne tous les jours les informations qui
nous sont données par les différentes institutions en particulier
la Direction Générale de la Santé, le Haut Conseil de Santé
Publique, l’Assurance Maladie et la Société Francophone de Diabète
avec laquelle nous sommes en contact permanent et de l’autre côté
nous sommes en relation régulière avec les industriels.
Je voudrai ajouter qu’outre l’accompagnement des patients
diabétiques, la prévention est un axe majeur pour la Fédération.
Devant la situation actuelle, nous pouvons rappeler la nécessité,
pour les diabétiques et notamment pour les diabétiques âgés, de se
vacciner contre la grippe. Pour la grippe, nous avons en effet des
vaccins, pas toujours efficaces, mais qui diminuent les symptômes
et la contagiosité.
JIM.fr : Vous avez décidé de repousser la semaine nationale
de prévention du diabète qui devait se tenir début juin ?
Dr Jean-François Thébaut : La semaine nationale de
prévention était prévue la deuxième semaine de juin mais
actuellement les associations locales ont beaucoup de travail à
faire pour accompagner les patients diabétiques sur le terrain et
elles ne pourront pas se mobiliser pour préparer cette journée.
Elle sera donc reportée du 11 au 18 septembre 2020. Le thème sera «
Diabète et hypertension : le couple qui tue ».
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