Covid-19 : le temps est-il venu de la vaccination obligatoire ?

Par le Dr Anastasia Roublev

Nous y sommes. Après les débats sur l’obligation vaccinale pour les soignants qui ont occupé la fin du printemps et les discussions sur les avantages sanitaires et les risques pour les libertés du passe sanitaire qui monopolise l’attention en ce début d’été, nous voilà au pied du mur. Et il nous faut probablement nous prononcer sur la vaccination obligatoire de toute la population contre la Covid-19 (abordée en une phrase comme une hypothèse pour un avenir proche par le Président de la République dans son allocution du 12 juillet).

Il nous faut tout d’abord répondre à (au moins) 3 questions préliminaires fondamentales sur la vaccination obligatoire :

  1. Aura-t-elle une influence favorable rapide sur l’évolution de l’épidémie, sur la surchauffe du système de santé (hospitalier mais aussi libéral) et sur l’économie du pays ?
  2. Est-elle possible légalement ?
  3. Est-elle réalisable en pratique et acceptable par la population ?

L’obligation vaccinale serait plus efficace épidémiologiquement que le passe sanitaire

A la première question la réponse est certainement oui. Toutes les études conduites dans les pays qui nous ont précédé dans la vaccination comme Israël ou le Royaume Uni ont montré qu’un taux très important d’immunisation vaccinale, concernant tout particulièrement les sujets les plus vulnérables, conduit à une réduction sensible de la circulation du virus (même si le risque de transmission par un sujet vacciné reste possible) et surtout à une forte diminution du nombre de formes graves requérant la réanimation. Or en France, aujourd’hui, malgré de fortes incitations vaccinales nous n’avons pas atteint ce taux d’immunisation des sujets à risque qui mettrait nos hôpitaux à l’abri d’une nouvelle vague meurtrière (que certains voient déjà poindre). Et il est loin d’être certain que le passe sanitaire qui sera mis en place dans les prochains jours soit suffisant pour protéger d’une contamination les 5 millions de personnes vulnérables qui seraient non encore immunisées et/ou pour les conduire à se faire vacciner.

L’obligation vaccinale serait probablement jugée compatible avec la Constitution

A la deuxième question sur la légalité constitutionnelle d’une vaccination obligatoire généralisée, même si l’on ne peut présumer de la décision du Conseil Constitutionnel (qui doit déjà se prononcer sur le passe sanitaire le 5 aout), la réponse est également très probablement positive si l’on en croit les avis récents du Conseil d’état et du Conseil Constitutionnel qui ont schématiquement insisté sur la nécessité d’une proportionnalité entre les mesures coercitives à prendre et la gravité de la situation sanitaire (ce qui serait vraisemblablement jugé être le cas). 

Un choix politique 

Demeure la 3ème question, la plus délicate, celle de la faisabilité de la mesure et de son acceptabilité qui ne dépendent pas de critères épidémiologiques ou juridiques mais de contingences pratiques, sociologiques et politiques.

Sur le plan pratique c’est sans doute l’Assurance maladie (ayant connaissance du statut vaccinal de tous les assurés) qui serait la plus à même de contrôler cette mesure (et non les cafetiers ou les policiers !). Resterait à déterminer le montant de la contravention applicable pour non vaccination, la procédure à suivre pour désigner les contrevenants (ce qui n’est pas une mince affaire !) et l’âge à partir duquel cette obligation serait applicable (le bénéfice risque individuel étant tout à fait discutable chez l’adolescent). 

Quant à l’acceptabilité de cette obligation par la population, si elle est bien expliquée sans montrer du doigt les réfractaires (ce qui est totalement contre-productif), elle devrait être au moins aussi universelle que le respect des mesures de confinement strict du printemps 2020, autrement plus contraignantes. Il reste que la précampagne présidentielle n’est peut-être pas le moment idéal pour prendre une telle mesure…

A la merci d’un variant

Tout serait-il résolu par cette obligation ? Évidemment non. Dans les faits malgré une telle réglementation, toute la population ne sera pas vaccinée (l’interdiction des excès de vitesse n’a pas conduit à leur disparition !). 

De plus, on l’a vu, l’immunisation ne supprime pas complétement le risque de transmission du virus par les vaccinés (et diminue seulement de 80 à 95 % celui de présenter une forme symptomatique grave si l’on est contaminé) et cette obligation ne ferait donc pas disparaitre, à court terme, la circulation virale.  

Par ailleurs, sauf fermeture complète des frontières (comme en Australie) dont les conséquences socio-économiques seraient redoutables, le pays serait quand même soumis à une réintroduction permanente du virus. 

Enfin, la Covid étant sans doute une zoonose, même une vaccination universelle et mondiale (plus qu’improbable !) ne saurait nous prémunir d’une résurgence des contaminations ne serait-ce qu’à partir d’un réservoir animal. 

Sans oublier, le risque, corrélé à l’intensité de la circulation du virus, d’apparition de nouveaux variants plus contagieux, éventuellement plus virulents et échappant peut-être à l’immunité vaccinale qui pourrait rendre caduque cette stratégie… en attendant la mise au point de nouveaux vaccins.

Malgré toutes ces limites, la vaccination obligatoire, sans être une panacée, semble une option à envisager avec, cette fois, un coup d’avance pour maitriser l’incidence des contaminations et surtout limiter drastiquement la hauteur d’une quatrième (et d’une nième) vague hospitalière tout en évitant des mesures restrictives strictes et en préservant donc l’économie*. 

*A moins que, le pire n’étant pas sûr, la circulation virale ne baisse « spontanément » comme on a pu l’observer précédemment et comme on le constate aujourd’hui au Royaume Uni…

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Vos réactions (1)

  • Oui à l'obligation vaccinale des adultes

    Le 16 août 2021

    Merci au Dr Roublev pour son excellente tribune.
    Avant de donner mon avis sur l'obligation vaccinale, une remarque sur la fin de La Tribune : "*A moins que, le pire n’étant pas sûr, la circulation virale ne baisse « spontanément » comme on a pu l’observer précédemment et comme on le constate aujourd’hui au Royaume Uni…".
    A moins aussi que le paiement des Tests RT PCR ne fasse baisser leur nombre et donc le Taux d'incidence des cas (TDI) (on devrait plutôt parler de Taux d'incidence des tests +).
    Nous sommes dans une vague que certains qualifient de catastrophique à cause du TDI alors que le nombre de décès n'est pas très élevé. Je répète comme je l'ai déjà écrit dans JIM.fr que ce TDI n'est pas un bon critère car il dépend du nombre de tests réalisés.
    Je donne un exemple : le 12 août TDI= 246 p100 000, avec près de 745 000 tests réalisés (3,66 % +). Mi juillet environ 350 000 tests réalisés, TDI=157 p 100 000 (2,68% +). Si le 12 août il n'y avait eu que 350 000 tests réalisés (comme mi juillet) avec 3,66 % de +, le TDI aurait été de 128 p 100 000 soit une baisse par rapport à juillet!!!!
    L'augmentation du TDI est lié en partie au passe sanitaire qui incite certains à faire un RT PCR plutôt que se faire vacciner !!
    Mon avis sur l'obligation vaccinale
    Oui mais pas pour les enfants (sauf cas particuliers enfants à haut risque). Pourquoi demander aux enfants de se vacciner pour protéger les adultes à risque ? Pourquoi y a t il encore près de deux millions d'adultes à risque non vaccinés ? Pourquoi près de 20 % des personnels soignants ne sont pas vaccinés. Pourquoi l'obligation vaccinale ne touche-t-elle pas les gendarmes et policiers ?
    Pour conclure l'obligation vaccinale des adultes est pour moi la meilleure solution car elle aurait un impact sur la pression hospitalière et la mortalité ; de plus de nombreux enfants ayant été contaminés sont immunisés.
    Pr Baudon

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