Covid-19, que savons-nous des formes « longue durée » ?

Selon les estimations les plus récentes, plus de vingt millions de patients -au bas mot- se sont remis tant bien que mal de la Covid-19. Sur le plan clinique, les manifestations de la maladie embrassent un large spectre qui va de l’infection asymptomatique au syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) mettant en jeu le pronostic vital en passant par les formes légères à modérées. Les suites de la maladie sont au diapason avec la possibilité de séquelles encore mal définies le plus souvent corrélées à la sévérité du tableau clinique initial encore que… Au fil du temps est apparu le concept de syndrome post-Covid-19, une entité aux larges contours qui englobe de nombreux symptômes.

D’une étude à l’autre, d’une forme clinique à l’autre

La Covid Symptom Study qui a inclus plus de quatre millions de participants originaires des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de Suède donne une idée de la situation. Les symptômes d’une durée d’au moins trois semaines correspondent à un syndrome subaigu et au-delà de 12 semaines, on parle de chronicité.

En général, après un passage en unité de soins intensifs (USI) du fait d’une maladie grave, quelle qu’elle soit, il est rare que les patients soient psychologiquement et physiquement indemnes, surtout quand une ventilation mécanique s’est avérée nécessaire et même quand il ne s’agit pas d’un sujet âgé. L’expérience de l’USI et de la réanimation est éprouvante et le syndrome post-Covid, dans ces conditions, est-il vraiment spécifique de la maladie ?

La question mérite d’être posée et, pour alimenter le débat, il convient de citer une première lettre à l’éditeur du JAMA (1) qui rapporte une expérience italienne ; elle porte sur 179 patients hospitalisés pour une Covid-19 entre le 21 avril et le 21 mai 2020, éligibles pour un suivi à court terme (1 à 2 mois).

Seuls, un peu plus de 10 % des patients sont asymptomatiques deux mois après une hospitalisation pour Covid-19.

L’effectif s’est réduit en cours de route à 143 (âge moyen 56,5 ± 14,6 ans ; femmes : 37 %) huit patients ayant « décliné l’invitation » et 22 conservant un test RT-PCR+ à la fin de l’hospitalisation qui a duré en moyenne 13,5 ± 9,7 jours. S’il existait une pneumopathie interstitielle dans près de trois quarts des cas (72,7 %), l’hypoxémie n’avait été préoccupante que chez un patient sur cinq : ventilation non invasive (n = 21 ; 15 %) ou invasive (n = 7 ; 5 %).

L’évaluation de l’état clinique à distance de l’état aigu a été faite en moyenne 60,3 ± 13,6 jours après les symptômes inauguraux. Seuls 18 participants (12,6 %) ont été considérés comme totalement asymptomatiques. Près d’une fois sur trois (32 %), il existait encore un ou deux symptômes liés à la maladie et, plus d’une fois sur deux (55 %), plus de trois. La qualité de vie était significativement altérée dans 44,1 % des cas en raison d’une asthénie (53,1 %), d’une dyspnée (43,4 %), de douleurs articulaires (27,3 %) ou thoraciques (21,7 %).

Cette étude italienne émane d’un seul centre et porte sur un effectif restreint sans faire appel à un groupe témoin : du fait de ces limites, elle ne peut qu’être source d’hypothèses. La fréquence des symptômes et de la gêne fonctionnelle dans les deux mois qui suivent le début clinique de la Covid-19 semble très élevée chez des patients hospitalisés dont une faible proportion (20 %) a nécessité une ventilation non invasive ou mécanique.

Un syndrome post-Covid subaigu après un tiers des formes légères à modérées

Des enquêtes téléphoniques, notamment une, ont par ailleurs établi que ce syndrome subaigu post-Covid pouvait concerner plus d’un tiers des patients (35 %) atteints d’une forme légère ou modérée de la maladie ne justifiant pas l’hospitalisation (2). Sa fréquence deux semaines environ après l’épisode aigu dépendrait en partie de l’âge et d’éventuelles comorbidités qui joueraient cependant un rôle secondaire : 18-34 ans : 26 % ; 35-49 ans : 32 % ; > 50 ans : 47 %. 

Comment expliquer ces symptômes persistants qu’il est difficile de considérer comme spécifiques de la Covid-19 surtout quand il s’agit d’une dyspnée sine materia ou d’une asthénie ?

Certes, le virus peut toucher directement les poumons, le cœur, les reins voire le cerveau au point d’entraîner des dysfonctionnements d’organes dans les formes sévères de la maladie, qui conduisent en USI et exposent à des séquelles avec un substratum organique objectivement décelable. Mais cela n’explique pas la totalité des formes cliniques du syndrome post-Covid notamment quand il tourne à la chronicité et touche des patients qui n’ont souffert que de formes légères.

Peut-être un syndrome post traumatique, parfois

L’impact émotionnel et comportemental de la maladie dans le contexte du confinement qui pèse sur certains pays et suscite des états de détresse psychique majeure n’est sans doute pas étranger à certaines de ces manifestations subaiguës ou chroniques volontiers subjectives et souvent inexplicables (2). Le fait d’être frappé par la Covid-19 même peu symptomatique vient renforcer l’anxiété, le sentiment d’isolement ou de solitude, la stigmatisation qui découle du diagnostic et de la stratégie « tester-tracer-isoler » sans doute nécessaire mais à coup sûr délétère pour le moral de ceux qui entrent dans la boucle.

Dépression, anxiété, addictions et syndrome de stress post-traumatique sont en pole position dans la pandémie actuelle au point de s’inviter dans la persistance des symptômes chez certains patients, mais aussi de miner la vie de ceux qui n’ont pas encore été en contact avec le SARS-CoV-2. La fin de la pandémie permettra d’y voir plus clair et de faire la part des choses dans ce qui est arrivé aux habitants de ce monde en l’an 2020… En attendant, des études longitudinales de longue durée sont requises pour comprendre la pathogénie de tous les troubles et gérer au mieux le désordre actuel qui ne peut qu’accroître l’angoisse des populations.

Dr Philippe Tellier

Références
(1) Carfì A et coll. Persistent Symptoms in Patients After Acute COVID-19. JAMA 2020 ; 324 (6) : 603.doi:10.1001/jama.2020.12603 Author Contributions:
(2) Carlos del Rio et coll. Long-term Health Consequences of COVID-19. JAMA. 2020;324(17):1723-1724. doi:10.1001/jama.2020.19719.

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Vos réactions (6)

  • Polymorphisme évolutif Covid 19

    Le 16 décembre 2020

    Pourquoi ne pas écouter les virologues qui font des génotypes des virus ?

    Dr Roland Plumeau

  • dépression...le mot magique qui ne résoud rien...

    Le 18 décembre 2020

    La dépression "post-traumatique" a bon dos. Je pense que les patients qui ont eu un covid subaigu (j'en connais 2) et qui ont des séquelles sont tout sauf déprimés...Ils ont une asthénie tenace qui les oblige à interrompre leur activité pour aller dormir (entre autre). De manière générale les patients non hypocondriaques au départ sont plutôt contents d'avoir échappé à une forme grave. Ou alors la dépression est induite par le virus, mais par quel mécanisme en effet?

    Dr Astrid Wilk

  • Un témoignage infirmier

    Le 27 décembre 2020

    Tout à fait d’accord avec le DR Astrid Wilk.Infirmière en CHU,j’ai vu mon état de santé se dégrader alors que j’étais en pleine forme, jamais malade, aucun antécédent ni somatique ni psychiatrique. Plus de 4 mois d’arrêt de travail, obligée de reprendre à mi temps thérapeutique car asthénie persistante, désadaptation cardiaque, maux de tête...Je ne suis en rien déprimée le moral est très bon mais le corps est làs et ralenti ! J’ai 45 ans et je n’ai pas repris ma force d’avant covid, Aucune reconnaissance de mes troubles par mon employeur. Je garde espoir de me rétablir complètement mais cela est long et a des répercussions à plusieurs niveaux (familial,social ,professionnel,conjugal, financier...)

    N.A Infirmière

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