
« Si les gens s’y retrouvent, chapeau bas ! » commente
ironiquement l’épidémiologiste genevois Antoine Flahault. Une
nouvelle campagne de vaccination contre la Covid-19 a en effet été
lancée ce lundi par le ministère de la Santé et il est vrai que
certaines caractéristiques de cette nouvelle opération de
vaccination ne manquent pas d’interroger.
Tout d’abord, il est discutable de parler d’une véritable
campagne de vaccination. L’administration de vaccins contre la
Covid-19 n’a en effet jamais cessé en France, même si la
vaccination a fortement ralenti ces deux derniers mois. Une
deuxième dose de rappel (souvent une quatrième dose) est d’ailleurs
recommandée aux personnes âgées de plus de 60 ans depuis le mois
d’avril (un peu plus de 30 % d’entre eux l’ont reçu).
Le véritable changement de cette « nouvelle » campagne de
vaccination est l’arrivée de vaccins de nouvelle génération dits
bivalents, car ils ciblent à la fois la souche originelle du
SARS-Cov-2 (dite « souche de Wuhan ») et les sous-variants
Omicron.
L’utilité douteuse du vaccin bivalent BA1
Cette nouvelle dose de vaccin bivalent (qui sera donc pour
certains une cinquième dose) est recommandée pour toutes les
personnes à risque, à savoir les sujets de plus de 60 ans, les
adultes immunodéprimées ou souffrant de comorbidités, les femmes
enceintes, l’entourage de ces personnes à risque et les
professionnels de santé. Le ministère de la Santé a cependant
précisé que toute personne le désirant pourra se faire vacciner sur
prescription médicale.
Deux autres conditions sont requises : avoir reçu sa dernière
dose depuis plus de six mois (ou plus de trois mois pour les sujets
âgés de plus de 80 ans, les résidents d’Ehpad et les personnes
immunodéprimées) et n’avoir pas été contaminé par la Covid-19 dans
les trois mois précédents. Pour rajouter à la complexité
de
l’opération, rappelons que la campagne de vaccination contre
la grippe débutera le 18 octobre prochain et qu’il sera possible de
recevoir les deux vaccins concomitamment.
Pour le moment, seul le vaccin bivalent du laboratoire
américain Moderna est disponible en pharmacie. Problème : ce vaccin
ne cible que la souche Wuhan et le variant Omicron BA1 qui a
quasiment totalement disparu et on peut donc douter de la
supériorité de ce vaccin sur les produits monovalents. Pour
recevoir le vaccin du laboratoire Pfizer qui cible lui le variant
Omicron BA5 (le variant actuellement dominant), il faudra attendre
ce jeudi. Un vaccin qui présente un autre défaut : il a été
autorisé sans qu’aucun essai clinique d’efficacité n’ait été
publié.
Les mineurs représentent moins de 0,1 % des morts de la Covid-19
L’arrivée des vaccins bivalents en France survient alors
qu’une huitième vague de contaminations s’amorce depuis quelques
semaines. Environ 45 000 personnes sont testées positifs chaque
jour, soit deux fois plus qu’il y a trois semaines. Ce rebond
épidémique commence à se faire sentir à l’hôpital, où les
hospitalisations, y compris en soins critiques, repartent à la
hausse depuis environ deux semaines : 810 personnes porteurs du
SARS-Cov-2 sont actuellement en soins critiques, contre 699 au 21
septembre. Le nombre de morts quotidiens reste lui stable et
relativement faible (environ 30 par jour).
L’augmentation de l’incidence est particulièrement élevée chez
les moins de 20 ans, en raison de la rentrée scolaire et de
l’abandon des gestes barrières à l’école. Soilignons toutefois
qu’un bilan publié par Santé Publique France le 25 août dernier a
rappelé une nouvelle fois la faible gravité de la Covid-19 chez les
jeunes. On peut y lire qu’entre août 2021 et août 2022, seulement
324 enfants ont été hospitalisés en soins critiques pour une
Covid-19 (sans compter les cas fortuits) dont 63 % souffraient
d’une comorbidité, auxquels il faut ajouter 280 enfants admis en
soins critiques pour un syndrome inflammatoire multi-systémique
(PIMS) lié au Covid-19.
Au total, depuis le début de l’épidémie, 103 enfants de moins
de 18 ans porteurs du SARS-Cov-2 sont morts en France, dont 37 cas
où un lien avec la Covid-19 et le décès a pu être établi (l’enfant
souffrant de comorbidités dans 84 % des observations). Les mineurs
représentent donc entre 0,02 et 0,06 % des morts de la Covid-19 en
France.
Quentin Haroche