
Paris, le jeudi 31 mars 2022 – L’Europe et la France font face à une nouvelle vague d’infections par SARS-CoV-2, le variant Omicron BA.2 en étant la principale cause. Cependant, compte tenu de la moindre virulence de ce virus, du haut niveau de protection contre les formes graves grâce à la vaccination, d’une immunité collective importante (même si elle est loin d’être un rempart infaillible comme en témoigne le haut taux de réinfection) et d’une lassitude certaine des populations et de nos dirigeants, la plupart des pays ont levé la grande partie de leurs mesures de freinage de la circulation du virus. Demeure cependant un point d’inquiétude important : la protection des personnes immunodéprimées chez lesquelles la vaccination n’est pas toujours efficace.
Surreprésentation des personnes profondément immunodéprimées à l’hôpital
Aux yeux de certains, le gouvernement est insuffisamment conscient des risques encourus par ces patients. Gabriel Attal a ainsi répondu la semaine dernière à une question concernant la levée du port du masque que les « personnes fragiles » savaient comment se protéger. Cependant, le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale (COSV) vient de publier une note sur la protection des personnes immunodéprimées.
Ces nouvelles recommandations s’imposaient en raison « d’une protection qui demeure insuffisante et qui se traduit par une surreprésentation des personnes profondément immunodéprimées à l’hôpital, en réanimation ou décédées à la suite d’une infection Covid-19 (…). Par ailleurs, il convient d’anticiper dès à présent la stratégie de protection à long-terme des personnes profondément immunodéprimées ».
Prophylaxie : seuls 17 000 patients traités sur près de 100 000 éligibles et 50 000 doses disponibles
L’instance de conseil dirigée par le Pr Alain Fischer fait le constat que « l’accès à la protection (vaccination/prophylaxie par anticorps monoclonaux) des personnes profondément immunodéprimées est à l’heure actuelle très hétérogène et globalement faible en France ». Concernant la vaccination par exemple, si les taux de primo-vaccination sont élevés (91,4% pour les dialysés chroniques, 91.2% pour les personnes atteintes d’un cancer en phase active de traitement, 91% à 94% pour les transplantés), ils demeurent bien plus décevants en ce qui concerne le premier rappel. « Seulement 52% des personnes éligibles ayant reçu une transplantation rénale ont reçu un rappel ; 45,5% des personnes ayant reçu une transplantation pulmonaire, et 55,7% des dialysés chroniques, alors que 82,9% de la population générale éligible a reçu un rappel vaccinal. Cependant ces chiffres doivent être interprétés avec prudence car l’absence de rappel chez des personnes profondément immunodéprimées reflète en partie les recommandations du COSV de décembre 2021, qui privilégiaient la prophylaxie par anticorps monoclonaux chez les personnes non ou faiblement répondeuses à la primo-vaccination ». Cependant, cette prophylaxie reste elle aussi trop peu employée.
Ainsi, aujourd’hui, Evusheld des laboratoires Astra-Zeneca est le seul cocktail d’anticorps monoclonaux (tixagévimab et le cilgavimab) autorisés en prophylaxie. Les études ont mis en évidence qu’il conservait son efficacité face à BA.1 et BA.2 (avec une diminution modérée). Cependant, à l’heure actuelle : « Environ 17 000 patients ont été traités par Evusheld (sur 50 000 doses disponibles), tandis que le nombre de personnes pour lesquelles ce traitement est recommandé est estimé entre 90 000 et 100 000. Mais on constate une baisse de prescription dans le contexte du variant Omicron, passant de 2500 doses administrées hebdomadairement fin janvier à 700 doses début mars. Il convient également de noter que de très importantes disparités d’accès existent selon les régions et les établissements, que ce soit pour les rappels vaccinaux ou pour les traitements préventifs et curatifs. Le maintien de la gravité de l’infection au variant Omicron pour les personnes profondément immunodéprimées justifie pleinement la poursuite de la prophylaxie et la facilitation de son accès sur l’ensemble du territoire. En effet, selon les données de l’Agence de la biomédecine, 25 % du total des décès de patients transplantés rénaux dus au Covid se sont produits sur les trois derniers mois, entre le 14 décembre 2021 et le 14 mars 2022 » insiste le Comité d’orientation.
Protection combinée et adaptation de la stratégie au cas par cas
Dès lors ce dernier formule une série de recommandations afin de renforcer la protection des personnes immunodéprimées. Il préconise notamment de ne plus tenir compte du seuil de 264 BAU/mL d’anticorps anti-S, qui « conditionne actuellement la poursuite de la vaccination (…) et à fortiori l’accès aux anticorps monoclonaux, administrés aux seuls patients dont le taux est en deçà de ce seuil. Ce seuil, établi dans le contexte du variant Alpha, ne reflète cependant plus l’efficacité de neutralisation contre les variants actuellement en circulation, et perdrait d’autant plus sa légitimité au fur et à mesure de l’apparition de nouveaux variants ». Le COSV préfère donc désormais préconiser une approche au cas par cas, tenant compte du « contexte d’immunosuppression et d’exposition du patient (…), ainsi que le seuil de positivité des laboratoires, afin de déterminer de manière binaire si le sujet répond ou non à la vaccination ». La nouvelle philosophie du conseil d’orientation est par ailleurs désormais de préconiser une protection « combinée », associant vaccination et prophylaxie par anticorps monoclonaux.
Réflexion sur le masque
Enfin, le COSV insiste sur la nécessité d’une meilleure information des personnes immunodéprimées et sur le maintien pour elles de la gratuité des masques FFP2 et des tests de dépistage. Au-delà, concernant le port du masque en population générale : « Des messages de prévention pourraient venir rappeler la nécessité de solidarité, encourageant le maintien volontaire des gestes barrières, y compris le port du masque en milieu fermé, que ce soit dans les lieux de culture et loisirs et en milieu professionnel (par exemple, sous forme d’affichettes qui incitent visiteurs à porter le masque bien que non obligatoire) ». Une façon consensuelle de prendre position dans les débats actuels concernant l’abandon de l’obligation du port du masque dans les espaces fermés.
Aurélie Haroche