Crise de l’hôpital public : 1000 chefs de service démissionnent de leurs fonctions administratives !

Paris, le mardi 31 décembre 2019 - Ils ont mis leur menace à exécution. Mi-décembre, dans le Journal du Dimanche (JDD), 660 médecins, presque exclusivement des chefs de service et exerçant à l’hôpital public faisaient part de leur intention de ne plus assurer leurs fonctions administratives pour protester contre le naufrage de l’hôpital public.

Nous partîmes 660 et par un prompt renfort

Désormais, ils sont mille, mille à annoncer leur démission conjointe soit « 10% des chefs de service toutes spécialités et services confondus sur l'ensemble du territoire » se félicite le Pr André Grimaldi, à l’initiative de cette opération inédite de « désobéissance civile » comme il l’a qualifiée sur Europe 1.

En pratique, ces mille frondeurs n’appliqueront plus la codification tarifaire, provoquant ainsi une pagaille dans le système qu’ils dénoncent celui de « l’hôpital-entreprise » instauré en 2009 par la loi HPST du ministre de la santé d’alors, Roseline Bachelot.

Aucune revendication personnelle

Derrière cette décision « symbolique », il n'y a aucune « revendication personnelle » précise avant toute chose le Pr Stéphane Dauger, chef du service de réanimation pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré de Paris : « je suis chef de service depuis 2006 et n'ai perçu aucun centime supplémentaire pour cette activité qui me prend deux heures par jour en plus de mon rôle de soignant ».

Une réanimation pédiatrique symbole fort de la crise : « A la date du 23 décembre, je n'ai que trois places de libre dans le service (…) Et nous avons dû transférer 25 nourrissons à plus de 150 km du domicile de leurs parents faute de place en pédiatrie dans un des trois hôpitaux habilités d'Ile-de-France » souligne le Pr Dauger.

« Madame la ministre, si vous êtes encore médecin… »

Leur colère, ils l’ont clairement expliqué dans le JDD : « l'hôpital public se meurt, faute de moyens à même d'assurer la qualité des soins et de garantir la sécurité des patients. Les médecins hospitaliers ont eu beau sonner l'alarme, la rigueur est devenue austérité, puis l'austérité, pénurie. La ministre actuelle ne manque pas de témoigner sa compassion, mais le vrai ministère de la Santé est désormais à Bercy. Nous devons donc nous résoudre aujourd'hui à un mouvement de 'désobéissance' inédit (…) il manque 1,3 milliard d'euros pour répondre à la seule augmentation programmée des charges. L'hôpital se meurt et la ministre ne lui administre que des soins palliatifs ».

Et le Pr Grimaldi d’inviter sa consœur, Agnès Buzyn à rejoindre le mouvement ( !) : « madame la ministre, si vous êtes encore médecin, vous devriez nous rejoindre. Est-ce que vous êtes une secrétaire d'Etat du ministre de l'Economie ou une ministre de la Santé représentante des professionnels de la santé et de l'intérêt des patients ? »

Réponse, le 6 janvier, où les 1000 praticiens adresseront la liste des pétitionnaires* au ministère de la Santé…

*Les premiers signataires sont : André Grimaldi, professeur émérite, et les chefs de service André Baruchel (hôpital Robert-Debré), Stéphane Dauger (hôpital Robert-Debré), Jean-Luc Jouves (hôpital de la Timone), Philippe Lévy (hôpital Beaujon), Agnès Linglart et Xavier Mariette (hôpital Bicêtre), Gilles Montalescot (hôpital Pitié-Salpêtrière), Antoine Pelissolo (hôpital Henri-Mondor), Ronan Roussel (hôpital Bichat).

F.H.

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Vos réactions (10)

  • Je suis scandalisé...

    Le 31 décembre 2019

    ...par cette attitude frondeuse. Ils connaissaient la situation au moment de leur prise de fonction. Ils n'avaient qu'à refuser!

    Dr François Wolff

  • Le lendemain du trop tard

    Le 31 décembre 2019

    Bravo aux chefs de services pour ce 31 Décembre!

    Les infirmières et les aide-soignante (masculin et féminin) ont toujours été seuls, soutenus parfois du bout des lèvres seulement.

    Idem les internes.

    Le scotch dans le dos, tout le monde s'en est toujours battu...

    Les VRAIS symboles et les ACTES sont seuls à déranger: hélas. Alors il faut en passer par là.
    (Même s'il y aura toujours des "moi je", "c'est les autres qu'ont qu'à...", "je compte mes sous et ma tranquillité", "chacun sa...").

    Là, il y a tellement de casse, c'est tellement l'extrémité, il a AUSSI une telle TROUILLE des "pépins", que ça bouge.

    C'est toujours comme ça: le lendemain du trop tard, et les plus individualistes (...) attendent de risquer LEURS peaux (leur image souvent) pour se préocuper (autrement que symboliquement et en coulisses) de celles des autres (soignants et patients).

    Qu'importe que l'on soit pour ou contre les GILETS JAUNES: mais il apparaît que ce sont EUX, quasi seuls, qui ont réchauffé les morts-pénards-c'est-pas-à-moi-de-bouger.
    Et "l'agglutination", tant redoutée, a un effet rassurant et désinhibant.

    Bonne année à tous !

    Dr Michel Rousseaux

  • L’idéologie managériale en cause

    Le 31 décembre 2019

    Et nous fûmes quelques dizaines à partir (malgré de bons salaires) depuis 15 ans, de ces hôpitaux « périphériques, généraux ou spécialisés », qui sont maintenant pris dans des contextes de mercenariat (les urgences) ou de visées à courtes vues et sur objectifs (contrats des « praticiens cliniciens »).

    Les CHU sont maintenant rattrapés par ces fléaux qui ne les inquiétaient pas quand ils n’étaient encore pas les leurs.
    Il n’existe effectivement plus l’esprit (mais aussi les compétences d’équipe) et l’envie « d’emmener » un service dans un projet de soin (au sens de la mission publique qui faisait la noblesse de l’exercice hospitalier public pour lequel nous nous astreignions à un parcours long et exigeant). Construire un service était un but et un enjeu qui soutenaient à la fois des pratiques cliniques et des avancées techniques et humaines qui ont structuré les hôpitaux durant 40 ans.
    L’idéologie managériale de rentabilité financière et des recrutements conjoints ad hoc ont vidé de son sens l’exercice hospitalier public.

    Dr Pascal Bourdon

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