Crise des opioïdes aux Etats-Unis : le fentanyl est partout

Washington, le mercredi 15 février 2023 – Dans son discours annuel devant le Congrès, le président des États-Unis Joe Biden a réaffirmé sa volonté de mettre définitivement un terme à la sévère crise des opioïdes qui frappe le pays depuis près de 10 ans, et qui provoque des dizaines de milliers de morts chaque année.

« Le fentanyl tue plus de 70 000 Américains par an », a rappelé Joe Biden dans son discours du State of the Union, prononcé devant le Congrès le 7 février dernier. « Nous devons lancer une opération majeure pour mettre fin à la production, à la vente et au trafic de fentanyl », a-t-il martelé face aux parlementaires américains.

Le fentanyl est, effectivement, responsable d’une crise de santé publique d'une ampleur inédite aux États-Unis, et ce depuis près de 10 ans. Cet opioïde de synthèse est cinquante fois plus puissant que l’héroïne et cent fois que la morphine. Beaucoup de personnes en deviennent dépendantes à la suite de prescriptions médicales et contrôlées, mais d’autres sont les victimes de drogues volontairement contaminées par cet antalgique mortel.

Le fentanyl est la principale cause de décès des Américains de 18 à 49 ans

« Depuis les années 1980, le nombre d’overdoses d’opioïdes augmente de manière exponentielle. Cette épidémie se répand comme une maladie infectieuse », explique Wilson Compton, directeur adjoint de l’agence fédérale américaine de recherche sur les drogues et addiction, le Nida : 82 000 personnes sont mortes entre février 2021 et 2022 d’une surdose de fentanyl. Joe Biden a d’ailleurs partagé, lors de son discours devant le Congrès, l’histoire tristement banale d’une jeune Américaine de 20 ans décédée en raison d’une overdose d’antalgique.

Si le fentanyl peut être prescrit tout à fait légalement, la plupart des addicts y sont d’abord exposés involontairement. « [Toutes les drogues] contiennent du fentanyl », affirme le shérif du comté de Volusia, en Floride, où les drogues synthétiques ont causé la mort de 272 personnes en 2020. « Vous pensez acheter de la marijuana, vous pensez acheter de l’Adderrall [médicament prescrit dans la prise en charge du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, NDLR], vous pensez acheter de la cocaïne. En réalité, ce que vous achetez est composé à 50 % ou à 100 % de fentanyl ».

Cette substance, qui est désormais la principale cause de décès chez les adultes américains âgés de 18 à 49 ans, serait ainsi « cachée » par les cartels et les dealers pour engendrer des addictions. Des méthodes d’une dangerosité extrême pour la santé publique, sachant que moins de 2 mg de fentanyl — à peine plus que quelques grains de sel — peuvent tuer un adulte.

50 millions de comprimés contrefaits

La Drug Enforcement Agency (DEA), l’agence américaine de lutte contre les drogues, a révélé en décembre dernier qu’elle avait saisi environ 379 millions de doses théoriquement mortelles de fentanyl en 2022 — une quantité assez suffisante pour… tuer tous les habitants des États-Unis.

L’opioïde serait également fréquemment retrouvé dans des comprimés contrefaits d’Oxycontin, de Percocet ou de Xanax. La DEA a expliqué avoir trouvé des doses mortelles dans 60 % des comprimés saisis. Par ailleurs, beaucoup plus puissante que la morphine ou l’héroïne, il semble très difficile de ne pas rapidement développer une dépendance à cette substance.

Un autre élément particulièrement inquiétant est que cette drogue est très simple à fabriquer. Les cartels mexicains abandonneraient peu à peu la cocaïne et l’héroïne, qui nécessitent des champs, de la main-d’œuvre, des paysans et des récoltes, pour le fentanyl. Il suffit d’acheter la matière première illégalement depuis la Chine et de tout reconstituer en laboratoire, pour ensuite faire transiter le produit fini jusqu’aux États-Unis. La drogue est ensuite coupée dans l’Adderrall, la marijuana ou les amphétamines pour induire des addictions plus sévères chez des personnes déjà consommatrices de substances.

« Nous devons lancer une opération majeure pour mettre fin à la production, à la vente et au trafic de fentanyl, avec davantage de machines de détection de drogues pour inspecter les cargaisons et arrêter les pilules à la frontière », a annoncé Joe Biden le 7 février dernier. Il souhaite travailler avec les sociétés de transit, comme FedEx, pour mieux inspecter les colis, mais aussi alourdir les sanctions pour réprimer les trafics.

Les citoyens commencent d’ailleurs à s’organiser eux-mêmes face à ce fléau en ayant toujours sur eux du Naloxone, antidote qui permet d’arrêter momentanément l’action du fentanyl sur le cerveau — et qui permet donc potentiellement de sauver quelqu’un en pleine surdose. Une solution temporaire, en attendant que les pouvoirs publics saisissent véritablement le problème à bras le corps.

Raphaël Lichten

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