Crise des urgences : le fossé se creuse entre le ministre et les syndicats

Paris, le jeudi 8 septembre 2022 – François Braun et les syndicats s’opposent sur le bilan à tirer de cet été sous tension pour les hôpitaux et sur les mesures à prendre.

Depuis plusieurs semaines, le ministre de la Santé François Braun tente de défendre les mesures qui ont été prises sous son égide pour juguler la crise des urgences et par la même de minimiser les difficultés rencontrées par les hôpitaux au cours de cet été. Après son interview au Quotidien du médecin, dans laquelle il a affirmé que « la catastrophe annoncée ne s’est pas produite », le ministre intervenait (à distance) ce jeudi aux universités d’été de la Fédération hospitalière de France (FHF) à Paris.

François Braun veut pérenniser la régulation de l’accès aux urgences


L’occasion donc d’affirmer encore une fois que le système de santé avait « tenu cet été » et ce « grâce à l’effort des professionnels engagés ». L’occasion également de tirer le bilan des différentes mesures issues de la mission flash et de déterminer lesquelles devaient être pérennisées.

A ce titre, le ministre a de nouveau défendu la mise en place d’un système généralisé de régulation médicale de l’accès aux urgences, via le développement du service d’accès aux soins (SAS). Selon lui, les Français ont entendu son incitation à appeler le 15 avant de se rendre aux urgences, ce qui a permis « une diminution des passages aux urgences cet été ». La régulation « est une logique qu’il serait bon de pérenniser » selon l’ancien urgentiste.

Autre mesure de la mission flash que le Dr Braun souhaite pérenniser, « la reconnaissance de la pénibilité, en particulier de la pénibilité du travail de nuit » pour les médecins hospitaliers via des revalorisations.

D’une manière plus générale, le ministre, apprécié par les syndicats de médecins libéraux, souhaite « créer de nouvelles passerelles entre la ville et l’hôpital pour faire tomber ces barrières trop persistantes ». Des propositions qui seront surement explicités lors de la fameuse « conférence des parties prenantes » sur la santé qui doit s’ouvrir très prochainement.   

De l’été « catastrophique » à l’automne « très compliqué »


Malheureusement, les syndicats ne partagent pas l’optimisme du locataire de l’avenue de Ségur et son bilan positif de l’été qui vient de s’écouler. Ainsi, pour la CGT Santé, l’été est loin de s’être bien passé puisqu’il a au contraire été « catastrophique ». Le syndicat évoque notamment la fermeture de nombreux services d’urgence à travers le pays (longtemps niée par le ministre) et les centres d’appels du 15 « débordés » et conclu qu’il existe « un fossé entre la communication du ministre et la réalité ».

Du côté de l’intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), dont la présidente le Dr Rachel Bocher a été reçu par le ministre ce mercredi, on dénonce une « absence de vision politique » chez le Dr Braun et l’on s’inquiète que le ministre ait évoqué la nécessité de respecter des contraintes budgétaires.

Les témoignages qui émanent des hôpitaux semblent également assez loin du bilan optimiste tiré par le ministre. Au CHU de Rennes, le chef du service des urgences le Pr Louis Soulat constate que l’été a été « pire que les précédents, comme on l’avait anticipé » avec les quatre services d’urgence du département fermés simultanément pendant la nuit.

A Toulouse, le patron du Samu le Dr Vincent Bounes considère également « qu’on ne peut pas dire que ça s’est bien passé » avec « des fermetures de services sur de nombreux établissements, parfois sur une semaine entière ».

Même le syndicat Samu-Urgences de France, qui fut longtemps dirigé par le Dr Braun, n’est pas en phase avec l’opinion du ministre. « Les équipes sont essorées et très fragiles » explique le Dr Marc Noizet, chef du service des urgences du CHU de Mulhouse et nouveau président du syndicat, qui dit craindre un « automne très compliqué » où « certains services risquent de se retrouver encore en plus grande difficulté ».

Si François Braun dit régulièrement être un homme de dialogue et de concertation, force est de constater que le fossé se creuse entre lui et les syndicats.

Grégoire Griffard

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Vos réactions (1)

  • Urgences publiques / Urgences en cliniques privées

    Le 11 septembre 2022

    Les urgences saturées de nos hôpitaux étaient jusqu’au 1er janvier 2022 aidées par les nombreux plateaux techniques en cliniques privées, où travaillent des collègues urgentistes, généralistes et pédiatres, dans des conditions parfois difficiles. A de rares exceptions près, les tarifs conventionnels y sont pratiqués, afin de favoriser l’accès aux soins. La mise en œuvre de l’avenant 9 aboutit à une baisse de 30 à 40 % des revenus des pédiatres (tranche 1 , SU1), sans compensation possible. De nombreuses «urgences pédiatriques privées» ferment ou fermeront avant l’hiver car il est inconvenant de faire travailler les pédiatres dans ces conditions. Cela aboutira inévitablement à un encombrement majeur du système public. Est-ce une volonté de nos gouvernants ? Est-ce un « blanc » de la loi que l’on avait pas vu venir ? Dans tous les cas il est urgent de s’emparer du problème car sinon nous aurons en pédiatrie un hiver apocalyptique.

    Dr S. Tourtet

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