
Le virus de l’hépatite C (HCV) est le pathogène le plus
souvent transmis par le sang aux USA. Il est associé à davantage de
décès que la totalité des 60 autres maladies infectieuses les plus
répandues. Une toxicomanie IV, ancienne ou actuelle, est le
principal facteur de risque. Aux USA, on estime que 4,1 millions
d’individus ont été ou sont infectés par l’HCV. Dans cette
population, approximativement 2,4 millions ont une infection
active, dont témoigne un test moléculaire l’HCV-ARN positif. La
prévalence estimée de l’infection chronique se situe vers 1 % et
environ 44 700 nouvelles infections ont été contractées en 2017 aux
USA. La hausse la plus notable est observée chez les jeunes adultes
entre 20 et 39 ans, toxicomanes IV, touchant les 2 sexes mais
préférentiellement le sexe masculin. En effet, près de 30 % des
jeunes toxicomanes sont infectés par l’HCV et cette proportion
atteint les 70 à 90 % chez les plus âgés. Les femmes enceintes
doivent aussi être dépistées, car la prévalence de l’infection a
doublé, entre 2006 et 2014, chez celles âgées de 15 à 44 ans, ce
dont témoigne la naissance, chaque année, de 1 700 enfants
infectés.
L’US Preventive Services Task Force (USPSTF) a émis une
recommandation forte en faveur du dépistage de l’HCV chez tous les
adultes asymptomatiques entre 18 et 79 ans, sans hépatopathie
connue.
Une démarche volontaire
Le dépistage est réalisé par la mise en évidence d’anti corps
anti-HVC, grâce à un test par polymérase chaine réaction (PCR) sur
l’HCV-ARN. En cas de positivité, il peut être complété par une
biopsie hépatique mais il s’agit là d’une méthode agressive, qui
peut être remplacée par divers tests non dangereux aidant à
quantifier le degré de fibrose ou de cirrhose. La plupart des
adultes font l’objet d’un dépistage unique. Mais, chez les sujets
pour lesquels le risque d’infection est durable, il doit être
répété périodiquement, sans qu’on puisse définir avec précision,
l’intervalle entre deux tests. Il importe de bien prendre en compte
plusieurs considérations importantes :
- le test doit être une démarche volontaire du sujet, en pleine connaissance et après avoir donné son acquiescement ;
- il doit être fourni préalablement une information sur l’HCV, en précisant la signification d’une positivité ou d’une négativité du test ainsi que les avantages et les risques d’un éventuel traitement ;
- le patient doit pouvoir poser toutes questions sur la méthodologie et la pratique des tests proposés.
A ce jour, les taux de dépistage au niveau national restent
modestes, se situant respectivement à 8,3 et 17,3 % dans les
centres de santé communautaires et dans le cadre de la National
Health Intervention Study. Ils sont encore plus faibles chez
les résidents US à très faible niveau de vie ou non assurés.
L’USPSTF confirme que ce dépistage est d’une grande actualité, sans
se prononcer en faveur d’un dépistage unique ou itératif. De façon
regrettable, elle n’a pu apporter de preuves directes sur les
bénéfices du dépistage, vs un non dépistage, en matière de
santé ou quant au risque de transmission verticale en cas de
grossesse.
Efficacité et bonne tolérance du traitement par les AAD
Le traitement anti-HVC vise à prévenir les complications d’une
infection chronique, dont les cirrhoses, les défaillances
hépatiques et les carcinomes hépato-cellulaires. Il comporte la
prise d’anti viraux d’action directe (AAD) qui ne peuvent toutefois
pas être utilisés durant la grossesse, en l’absence de données sur
leur innocuité durant la gestation et l’allaitement. La durée des
traitements est en régle de 12 semaines. Leur efficacité est grande
avec des taux de réponse virologique (SVR) atteignant 95,5 à 98,9 %
selon les génotypes (dont le génotype I, le plus fréquent aux USA).
Par ailleurs, l’iatrogénie est moindre, comparativement à celle des
traitements anciens à base d’interféron. Dans une analyse mixte de
33 essais (n = 7167 participants), le pourcentage global d’effets
secondaires a certes été de 73,3 % (fatigue, céphalées, nausées,
diarrhées…), mais celui des effets secondaires graves n’a pas
dépassé 1,9 % et celui des arrêts thérapeutiques de AAD de 0,41 %
Ces traitements sont aussi actifs chez les sujets âgés, d’où
l’importance d’envisager également le dépistage dans cette tranche
d’âge. Il faut cependant remarquer que l’USPS TF n’a pu retrouver
aucune preuve forte en faveur du dépistage vs un non
dépistage, concernant le devenir de l’état de santé des sujets
dépistés ou le risque de transmission verticale chez les femmes
enceintes. A court terme, certes, une analyse commune de 10 essais
cliniques a décelé une amélioration modeste de la qualité de vie,
sans cependant d’impact significatif sur la mortalité. Par contre,
il a été démontré qu’une SVR soutenue était, de façon constante,
associée à une diminution du risque de décès, toutes causes
confondues (13 études ; Hazard ratio HR : 0,40 ; intervalle de
confiance à 95 % IC : 0,28- 0,56). Elle a été aussi reliée à une
réduction de la mortalité par hépatopathie (4 études ; HR : 0,11 ;
IC : 0,04- 0,27), par cirrhose également (4 cohortes ; HR : 0,36 ;
IC : 0,33- 0,40) ou encore par carcinome hépatocellulaire (20
travaux ; HR : 0,29 ; IC : 0,23- 0,38), après ajustement de
divers facteurs confondants.
Concernant le risque de transmission verticale lors d’une
grossesse et de l’accouchement, les preuves sont limitées. Cinq
études n’ont pu déceler aucune association avec le mode
d’accouchement. Une seule étude US, de bonne qualité, a mis en
évidence, toutefois, qu’une rupture prématurée des membranes,
au-delà de 6 heures, était associée à un risque accru (odds ratio,
OR : 9,3 ; IC : 1,5-180). Une autre, observationnelle, a signalé un
risque accru lié à l’usage d’un monitoring fœtal interne,
comparativement à un monitoring externe (OR : 6,7 ; IC : 1,1-
35,9).
Trois autres études n’ont pu aboutir à des conclusions
définitives sur le risque lié à l’allaitement maternel.
Problème de la grossesse et des dépistage itératifs chez les sujets à risque
Les recommandations 2019 remplacent les précédentes élaborées
en 2013 qui ne concernaient que les individus à haut risque
d’infection, adultes nés entre 1945 et 1965 (recommandation de type
B). Les préconisations actuelles s’étendent, au contraire, le
dépistage à tous les sujets, d’âge compris entre 18 et 79 ans.
L’USPSTF n’a, par contre, apporté aucun élément nouveau concernant
de possibles effets délétères du dépistage, en dehors d’un possible
impact psychologique ou social. Elle signale que des travaux
ultérieurs restent nécessaires, portant sur l’intérêt d’un
dépistage unique vs des dépistages itératifs chez des sujets
à haut risque ou, pour la transmission verticale, tentant de mieux
déterminer les pratiques à risque lors du travail ou encore
précisant si un traitement anti HCV avant la grossesse est à même
de réduire le taux de transmission materno-fœtale. En dernier lieu,
il devra être précisé l’épidémiologie de l’infection à HCV chez les
adolescents et l’efficacité des DAA dans cette tranche d’âge.
Dr Pierre Margent