Dermatite atopique : les promesses du dupilumab

La dermatite atopique (DA) est la plus fréquence des affections cutanées inflammatoires chroniques avec une prévalence de 2  à 10 % chez l’adulte et 15 à 30 % chez l’enfant. Elle est attribuée à une dysfonction génétiquement déterminée de la barrière épidermique et à une inflammation de type Th2.

Même si les traitements classiques tels que émollients, corticoïdes locaux et inhibiteurs de la calcineurine topiques sont efficaces, leur action reste insuffisante pour beaucoup de patients souffrant de DA modérée à sévère. C’est pourquoi des traitements systémiques ont été proposés (corticothérapie orale, divers immunosuppresseurs) mais à ce jour seul l’emploi de la ciclosporine est approuvé dans certains pays pour la prise en charge des DA rebelles aux traitements topiques (y compris la photothérapie). La ciclosporine parvient à réduire de moitié l’activité de la maladie mais au prix de possibles effets secondaires et d’un phénomène de rebond à l’arrêt de son administration.

Devant le petit nombre d’options disponibles, il est donc apparu logique de tester dans la dermatite atopique les effets d’une inhibition des molécules impliquées dans la réponse inflammatoire de type Th2, telles les interleukines IL-4 et IL-13. Le dupilumab, qui est un anticorps monoclonal humanisé bloquant effectivement ces deux voies, a ainsi donné des résultats prometteurs dans des études cliniques préliminaires de phase 1 et 2 non seulement dans la DA mais aussi sur d’autres manifestations de l’atopie.

Une étude multicentrique à 5 posologies

Ceci a conduit Diamant Thaçi et coll. en Allemagne, à entreprendre une étude randomisée en double aveugle contrôlée contre placebo (phase 2b) pour évaluer les effets du dupilumab, administrées selon différentes posologies, chez des patients de plus de 18 ans présentant une dermatite atopique avec un score de sévérité de 12 ou plus (Eczema Area and Severity Index EASI), répondant mal aux traitements topiques.

Entre le 15 mai 2013 et le 27 janvier 2014, 380 patients provenant de 91 centres au Canada, République tchèque, Allemagne, Hongrie, Japon, Pologne et USA ont été inclus, dont 379 ont été randomisés (1 :1 :1 :1 :1 :1)  en 5 groupes recevant pendant 16 semaines le dupilumab en sous cutané aux doses suivantes : 300 mg une fois par semaine (n = 63) ; 300 mg toutes les deux semaines (n = 64) ; 200 mg toute les 2 semaines (n = 61) ; 300 mg toutes les 4 semaines (n = 65) ; 100 mg toutes les 4 semaines (n = 65), le sixième groupe ne prenant que le placébo, une fois par semaine (n = 61) pendant 16 semaines. Pour respecter le double aveugle, les patients traités par dupilumab toutes les deux ou 4 semaines recevaient un placebo d’aspect comparable lors des semaines sans traitement.

Efficacité dose-dépendante, manifeste dès la première semaine

La réduction moyenne, à la 16e semaine, de l’index de sévérité, EASI, principal critère de jugement s’est révélée dose-dépendante : maximale à 73,7 % pour les patients traités par 300 mg de dupilumab une fois par semaine, 68,2 % pour ceux recevant cette même dose deux fois par semaine. Avec la plus faible posologie (100 mg toutes les 4 semaines), la diminution de l’EASI est de 44,8 % tandis qu’avec le placebo, elle est de 18,1 % (différence non significative) à la 16e semaine (il était demandé à tous les patients d’appliquer un émollient deux fois par jour au cours de premières semaines ce qui explique l’importance de l’effet placebo).

La régression globale des symptômes (et notamment du prurit) s’est manifestée généralement rapidement dès la première semaine de traitement et l’amélioration maximale pouvait déjà être obtenue en 4 semaines.

Un profil de tolérance favorable

Les taux des effets secondaires (81 % et 80 % respectivement), y compris infectieux, ont été similaires dans les groupes de traitement actif et placebo avec même davantage d’effet secondaires « sérieux » dans ce dernier (7 % vs 4 %). Il s’est agi le plus souvent de rhinopharyngites, d’exacerbations de la DA, de céphalées et d’infections respiratoires hautes. On note toutefois un plus grand nombre d’infections à herpès virus dans les groupes dupilumab (8 % vs 2 %) en particulier parmi ceux recevant la plus faible posologie. Enfin 21 patients (7 %) des groupes dupilumab (dont 10 recevant la plus faible dose) et trois (5 %) du groupe placebo ont quitté l’étude à cause des effets secondaires.  

Pour les auteurs de cette étude et pour ceux de l’éditorial, l’efficacité et le profil de tolérance du dupilumab pourraient en faire un traitement systémique de choix de la DA modérée à sévère résistante aux traitements classiques. Il reste toutefois à étudier sa tolérance sur un plus grand nombre de malades et à plus long terme, à le comparer avec la ciclosporine et à examiner ses effets chez les patients plus jeunes (6 à 17 ans), essai actuellement en cours.

Dr Marie-Line Barbet

Références
1) Thaçi D et coll. : Efficacy and safety of dupilumab in adults with moderate-to-severe atopic dermatitis inadequately controlled by topical treatments: a randomised, placebo-controlled, dose-ranging phase 2b trial. Lancet, 2015; publication avancée en ligne le 7 octobre. doi.org/10.1016/S0140-6736(15)00388-8
2) Tsianakas A, Ständer S : Dupilumab: a milestone in the treatment of atopic dermatitis. (Editorial) Lancet, 2015; publication avancée en ligne le 7 octobre. doi.org/10.1016/S0140-6736(15)00389-X

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