
Paris, le mardi 28 mars 2023 – La convention citoyenne sur la fin de vie doit achever ses travaux ce week-end, avant que l’exécutif ne reprenne la main sur le sujet.
Après trois mois de travaux et de débats sur la mort qu’on imagine éprouvants, la convention citoyenne sur la fin de vie lancée le 9 décembre dernier arrive bientôt à sa conclusion. Ce week-end, les 184 citoyens tirés au sort pour réfléchir à l’avenir de la législation sur la fin de vie en France se réuniront pour une 9ème et dernière session de travail, afin d’établir définitivement une position commune et achever leur rapport à destination du gouvernement. Lundi prochain, ils seront reçus par Emmanuel Macron et ce sera ensuite à l’exécutif de décider de la suite des opérations.
Le gouvernement a prévenu : si les travaux et conclusions des citoyens tirés au sort serviront à éclairer l’exécutif sur sa décision, le Président de la République reste in fine libre de décider ou non de légiférer sur la question et dans quel sens. Ces derniers mois, Emmanuel Macron a affiché une attitude tantôt décidée, tantôt hésitante sur la question. Si, en septembre dernier, il avait clairement exprimé sa volonté de légaliser l’aide active à mourir, il a fait part de son « doute salvateur » sur la question le 9 mars dernier, d’abord lors de la cérémonie des 40 ans du comité consultatif national d’éthique (CCNE) puis au cours d’un diner à l’Elysée avec des médecins et représentants du culte.
Un parcours vers la mort semé d’embuches
Si l’avis définitif du Président de la République sur la question reste donc encore un mystère, celui des conventionnels est connu. Lors d’un scrutin organisé le 19 mars dernier sur la question, 125 conventionnels sur 165 présents (soit 75 %) ont voté en faveur de la légalisation de l’aide active à mourir. Reste désormais à définir les modalités de ce droit à choisir sa mort, ce qui sera l’objet des derniers débats au sein de la convention.
Cinq de ces citoyens chargés depuis trois mois de réfléchir à la manière dont on meurt en France ont bien voulu présenter leur projet aux journalistes de France info. Si certains s’étaient émus que la convention soit très largement favorable à la légalisation de l’aide active à mourir, le projet de la convention prévoit de nombreux garde-fous et suit en partie le modèle proposé par le CCNE dans son avis de septembre dernier (qui préconisait la légalisation du suicide assisté sous conditions).
Avant de pouvoir « bénéficier » d’une aide active à mourir, le patient devra, dans le plan proposé par la convention, accomplir de nombreuses étapes, pour s’assurer que sa volonté est bien respectée. Il devra d’abord exprimer sa volonté de mourir à deux reprises, dont au moins une fois à un médecin, qui l’informera à propos des alternatives possibles (soins palliatifs, sédation profonde…). Le discernement du patient sera ensuite évalué puis il devra exprimer sa volonté de mourir une troisième fois. Un collège pluridisciplinaire à la composition encore à déterminer examinera ensuite la demande du patient et vérifiera notamment s’il remplit les conditions fixées par la loi. Ce n’est qu’une fois toutes ces étapes franchies que le patient pourra mourir, soit à domicile, soit à l’hôpital, mais toujours sous la supervision d’un médecin. Comme le CCNE l’a préconisé, les soignants pourront, dans le plan de la convention, se prévaloir d’une clause de conscience.
Suicide assisté, euthanasie ou les deux ?
Mais derrière cette unanimité de façade, il reste de nombreuses questions à régler pour les conventionnels avant d’arriver à un projet commun. Premier sujet qui fâche, celui de la manière de donner la mort. Lors du dernier vote, 40 % des conventionnels se sont prononcés en faveur de la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie (le choix étant laissé au patient), 28 % pour un suicide assisté avec exception d’euthanasie pour les patients incapables physiquement de se donner la mort et 10 % pour que seul le suicide assisté soit autorisé. Les conventionnels se divisent également sur la question des conditions d’accès à l’aide active à mourir (âge, pronostic vital engagé ou non, souffrances physiques ou psychiques…). Si la plupart des conventionnels sont favorables à la mise en place de conditions, on compte tout même 22 % de « libertaires » qui souhaitent que toute personne puisse accéder au suicide assisté ou à l’euthanasie sans conditions.
Un vote sur 19 options distinctes combinant ces différentes questions devait être organisé le 19 mars dernier, mais a du être annulé en raison d’un problème technique. Cette ultime délibération aura donc lieu lors de la dernière session ce week-end. Mais on l’a compris, quel que soit le choix des conventionnels, c’est finalement à un seul homme, qui a le mérité de ne pas avoir été tiré au sort mais d’avoir été élu (sans se prononcer clairement pendant la campagne sur le sujet), que reviendra la décision finale : Emmanuel Macron.
Quentin Haroche