
Par le Professeur Jean Costentin*
Des pressions convergentes, dont l’intensité redouble, s’exercent sur les médias, le monde politique et ainsi sur nos concitoyens, pour obtenir la légalisation du cannabis. Elles utilisent de façon récurrente différents arguments que nous allons nous appliquer à réfuter.
Le diable s’exprime déjà dans le choix des mots, qui ne sont pas des détails
Réprouvons l’expression « cannabis thérapeutique » qu’utilise d’emblée la mission parlementaire ayant pour objectif affiché de déterminer si la thérapeutique trouve au cannabis des intérêts pouvant justifier son élévation à la dignité d’un médicament ; ce disant elle exprime a priori ses conclusions. L’étude qu’elle initie est en rupture avec les règles élémentaires qui présidaient à l’étude d’un médicament potentiel ; bien loin de la discrétion qui prévalait en cette matière. Cette étude, sans placebo, ni médicament de référence, avec un nombre fixe et restreint de patients, sur une durée limitée, pour tester 4 indications potentielles, délivre au public, en temps réel, des fractions d’information… Aussi, avant même que ses résultats soient obtenus, ils sont d’emblée invalidés. Mais cela ne changera rien, les conclusions semblant déjà écrites. Ce cannabis dit « thérapeutique » est le faux nez de la légalisation du cannabis, à des fins toxicomaniaques. Tous les Etats qui l’ont légalisé, telle une figure obligée pour apaiser le chaland, l’ont préalablement adoubé comme « médicament ».Réprouvons aussi l’expression cannabis « récréatif » ; cet euphémisme se réfère à la récréation qui dans nos souvenirs d’enfants s’apparente à de bons moments d’interruption des contraintes scolaires ; ce faisant il occulte délibérément que la « récré » cannabique peut se terminer mal, voire même dramatiquement.
La loi de 1970 décrétant la prohibition du cannabis n’est pas obsolète
- les pipes à eau, qui centuplent le volume de fumée qui peut être inhalé dans les poumons distendus d’une façon maximale ;
- les nouveaux cannabinoïdes, obtenus par synthèse chimique (qui sont beaucoup plus puissants que le THC).
Les Français - tous premiers consommateurs du cannabis en Europe
Triste constat, de 1.500.000 usagers réguliers qui le consomment au moins une fois tous les 3 jours, dont presque 1.000.000 de consommateurs quotidiens. Cette fréquence d’usage correspond à une dépendance avérée, car le THC est une drogue très rémanente, qui agit très durablement sur l’organisme.
• la prolifération dans les cités « sensibles » d’une économie de la drogue à ciel ouvert, qui mobilise d’énormes sommes d’argent. Elle est alimentée par une immigration au-delà des capacités d’accueil de notre pays où le chômage structurel affecte plus de 3 millions de nos concitoyens ;
• les 450 tonnes de cannabis qui entrent aisément chaque année sur le territoire national, essentiellement en provenance du Maroc ;
• l’auto-culture favorisée par la prolifération dans nos villes des « Growshops »
• la propension des Français à consommer des psychotropes (anxiolytiques, hypnotiques, antidépresseurs) ainsi que diverses drogues (alcool, tabac, morphiniques…) ; cette grande vulnérabilité nationale aux toxicomanies aurait dû mobiliser les pouvoirs publics, mais les responsables politiques ont laissé filer.
• la magistrature, elle aussi, a laissé filer, submergée par un nombre croissant de diverses procédures ; elle a classé sans suite pénale les affaires qui lui paraissaient mineures relativement à d'autres dossiers, avec pour conséquence l’absence de sanction pour les consommateurs de drogues et pour les dealers. Les peines rarement prononcées sont faibles en comparaison de celles infligées dans les autres nations de l’Union Européenne pour ces mêmes délits ; en outre et très fréquemment, elles ne sont pas appliquées.
• Les rigueurs originelles de la loi de 1970 ont été régulièrement « détricotées », puisqu’on en est maintenant à l’infliction d’une simple contravention de 200 euros, en solde de tout compte, (laquelle d’ailleurs n’est pas toujours perçue) ; sans inscription sur un registre, ce qui aurait pu contribuer à dissuader des récidives, par l’augmentation du montant de la contravention en fonction de leur nombre.
• la police effectuant les investigations et contrôles qui lui sont demandés se sent désavouée par l’absence de suites judiciaires données à ses interpellations
Les assertions fausses et les méfaits du cannabis
La « grosse ficelle » (en chanvre) du « rapport Roques » (1998), très colportée, affirmait que la dangerosité du cannabis était inférieure à celle du tabac et de l’alcool, tous deux légalisés. Contrairement à cette allégation, la toxicité pour l’organisme des fumées du cannabis est supérieure à celle du tabac. La résine de cannabis (haschisch), comme celle présente sous forme de globules sur la plante (la marijuana), augmente de 200°C la température de combustion de l’élément végétal, poussant plus avant sa décomposition thermique et produisant ainsi 6 fois plus de goudrons, dont différents constituants sont cancérigènes pour les sphères bucco-pharyngée et broncho-pulmonaire. Elle produit aussi 6 à 8 fois plus d’oxyde de carbone (CO) qui, en se fixant intensément sur l’hémoglobine des globules rouges, réduit leur capacité de fixer l’oxygène pour l’amener aux tissus qui le consomment ; il s’en suit une toxicité cardio-vasculaire du cannabis plus importante que celle du tabac. Il est ainsi la 3 ième cause de déclenchement d’infarctus du myocarde ; il induit des artérites des membres inférieurs, plus précoces que celles provoquées par le tabac ; il est à l’origine d’accidents vasculaires cérébraux chez des sujets jeunes.Assertion aberrante – « la légalisation du cannabis permettrait une prévention de sa consommation »
Si la légalisation était décrétée, elle deviendrait irréversible, quels qu’en soient les méfaits (à l’instar du tabac et de l’alcool). La législation française compte diverses dispositions malencontreuses, qu’on ne sait abolir, en dépit de leurs méfaits avérés.
La légalisation serait-elle bénéfique pour le budget de la Nation ?
Face à la santé, un des biens les plus précieux, que pèseraient des taxes, même substantielles, devant la primauté qu’on doit accorder à l’Homme, et en particulier aux plus jeunes, nos germes d’éternité sur qui reposent nos espoirs de pérenniser les fondamentaux de notre société, alors que des actions concertées s’appliquent à la déconstruire, à la démolir. La volonté de certains d’une légalisation du cannabis participe à cette agression.Dans l’Etat du Colorado, qui fut un des premiers Etats américains à légaliser le cannabis, il a été calculé que pour 1 $ qu’il percevait en taxes, il lui en coûtait 4,5$ pour éponger les dépenses générées par cette drogue : en soins médicaux, (particulièrement psychiatriques), pour les accidents routiers ou professionnels dans lesquels il est en cause, les dépenses des assurances, les procès, l’incurie sociale, l’assistanat…
Un cannabis légalisé moins puissant, moins « trafiqué », serait moins dangereux
Pour tenter de diminuer sa consommation, le cannabis de régie devrait être plus cher et moins puissant que celui du marché noir ; mais on sait qu’il serait boudé par les consommateurs, qui s’adresseraient toujours au marché noir. C’est en effet à la demande de ses consommateurs que dans les produits en circulation le taux de THC a été multiplié par 6,5 en 30 ans ; ils ne seraient donc pas enclins à revenir aux « tisanes » d’antan. Dans les pays ayant légalisé le cannabis, non seulement le deal reste très actif, mais il élargit de plus l’offre d’autres drogues. Quant au cannabis de régie il serait encore plus facilement accessible aux jeunes, tout comme l’est actuellement le tabac, dont l’interdiction de vente aux mineurs est ignorée par la majorité des buralistes.La légalisation du cannabis supprimerait-elle le deal, les dealers, leurs guerres et les balles perdues ?
L’émoi suscité par la mort de quelques malfrats qui prospèrent avec le commerce des drogues qui tuent leurs consommateurs par milliers est malséant. N’ayons de compassion que pour les quelques victimes de leurs « balles perdues ». Il est naïf de croire que la légalisation du cannabis dirigerait ses 220.000 dealers vers Pole emploi et que les « gros bonnets » se mettraient en retraite anticipée. Le marché noir du cannabis perdurerait, complété le cas échéant par un élargissement de l’offre de cocaïne/crack, d’amphétamines, de cathinones, d’ecstasy, de buprénorphine, d’héroïne, de cannabinoïdes de synthèse…Les adolescents qui par l’usage du cannabis satisfont un besoin de transgression, vécu comme un viatique pour accéder au statut d’adulte, devraient, s’il était légalisé, effectuer cette transgression au niveau de la cocaïne ou des morphiniques. C’est alors que le raisonnement qui aurait prévalu pour la légalisation du cannabis devrait s’appliquer à toutes les autres drogues.– tant qu’une immigration non régulée accumulera sur le territoire national des étrangers non intégrables par le travail, en raison de leur inadéquation aux fonctions proposées et de l’absence d’emploi, du fait d’un chômage endémique ;
– tant qu’une éducation digne de ce nom, n’aura pas dissuadé une large frange de la population de se tourner vers des drogues ;
– tant que « l’argent de poche » ne sera pas assis sur un service rendu, faisant que l’argent facilement gagné repart facilement en fumées ;
– tant que l’éducation nationale ne s’investira pas dans la prévention des toxicomanies, comme lui en fait le reproche l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT), la France restera en Europe la Nation la plus grande consommatrice de cannabis ;
– tant que nos concitoyens n’auront pas compris que le marché des drogues n’existe que par l’importance de leurs consommateurs et que les adultes ne peuvent interdire aux jeunes de consommer ce qu’ils s’autorisent ; sur l’air du « faites ce que je dis (si au moins je le dis), mais ne faites pas ce que je fais ».
Des addictologues sont pourtant en faveur d’une légalisation
Plusieurs États ont légalisé le cannabis, ne prenons-nous pas le risque d’être les derniers à le faire ?
La France, qui voudrait encore être porteuse de messages pouvant profiter à l’humanité, n’a pas à rougir de sa prudence ni à s’excuser de ne pas sombrer dans le suivisme et le mimétisme, d’autant que s’il fallait lui trouver des circonstances atténuantes, elle est en Europe le tout premier Etat consommateur de cannabis. Elle n’a pas à se mettre à la remorque d’Etats qui dissolvent l’humanisme dans le lucre, les royalties et autres taxes. Après le grand Duché du Luxembourg, la nouvelle coalition qui va gouverner l’Allemagne, qui s’est déportée sur la gauche par rapport à la précédente, envisage de légaliser le cannabis. Les « verts » voient dans le cannabis un moyen d’obtenir la régression économique à laquelle ils aspirent. Le cannabis est en effet la drogue de la l’affaiblissement cognitif, de l’amotivation, du renoncement ; de la transformation des indignés en résignés ; elle peut calmer ceux qui réprouvent avec véhémence l’afflux d’immigrés qui leur semblent difficile à intégrer culturellement.Chaque individu, doit pouvoir choisir sa vie, sa drogue aussi, et ça ne regarde pas la société
Faut-il rappeler à chaque individus que nous vivons en société et que s’il vient à être dans le besoin il l’appellera à son secours. Il le fera quand son incurie, liée à sa chute dans la drogue, le privera des moyens de sa survie. Notre société a choisi le modèle de la solidarité ; elle assiste (de plus en plus souvent à crédit) les malades de toutes affections, les handicapés de tous types, aussi doit-elle impérativement limiter leur nombre, en ne laissant pas se multiplier les victimes des addictions.Pour conclure
Les civilisations sont mortelles et les drogues accéléreront la destruction de celles qui ne sauront s’en prémunir.La mondialisation correspond à de nouveaux jeux olympiques de l’esprit, de l’intelligence, du courage, de la culture ; tireront « leur épingle de ce jeu » les Nations qui ne laisseront pas leurs membres être subvertis par les toxicomanies.
*Dr. en Médecine, Pharmacien, Dr. ès Sciences
professeur émérite de la faculté de Santé de Rouen
membre titulaire de l’académie nationale de Médecine
membre titulaire de l’académie nationale de Pharmacie
membre du collège de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD)
président du centre national de prévention d’études et de recherches sur les toxicomanies (CNPERT)
directeur de l’unité de neuropsychopharmacologie du CNRS (1984-2008)
« Toxicomanies: Sauvons la jeunesse » Ed. JDH , coll. Hippocrate & Co (2021)