
Paris, le mercredi 15 mars 2023 – Entre mesures incitatives et augmentation des effectifs des étudiants en santé, les autorités ne savent plus comment traiter le problème des « déserts médicaux ».
On s’accorde à dire que la question de la désertification médicale est l’un des enjeux majeurs de santé publique. La question, qui touche également à des problématiques d’organisation du territoire, ne risque que de s’aggraver ces prochaines années avec le départ à le retraite de nombreux médecins « baby-boomers » et l’augmentation des besoins en santé d’une population vieillissante. Actuellement, 87 % du territoire français est considéré comme étant sous-doté en médecins généralistes, les zones rurales étant bien sûr les plus touchées et l’accès aux spécialistes est encore plus problématique, certaines grandes villes n’étant désormais plus épargnées.
Plusieurs solutions ont été mises sur la table ces dernières années, avec des fortunes diverses. Longtemps perçu comme un remède miracle, le développement de la télémédecine semble n’avoir qu’un effet modéré sur la désertification médicale, plusieurs études, la dernière en date menée par l’université de Caen, montrant que ce nouvel outil est surtout utilisé par de jeunes actifs vivant en milieu urbain.
L’encadrement de la liberté d’installation, que de nombreux élus locaux appellent de leurs vœux, est rejeté tout à la fois par les médecins et par le gouvernement. Récemment, une proposition de loi en ce sens portée par des députés de droite a finalement été abandonnée avant même d’être examinée.
Des mesures incitatives modérément efficaces
Restent les mesures incitatives et d’accompagnement en tout genre : salariat, aide à l’installation, embauche d’assistants médicaux, délégation de tâches, « importation » de médecins étrangers…L’efficacité de ces dispositifs est difficile à mesurer. Dans son dernier rapport annuel paru vendredi dernier, la Cour des Comptes dresse un bilan mitigé des mesures d’incitation à l’installation prises par certaines collectivités territoriales. Selon les magistrats, aucune conclusion définitive sur l’efficacité de ces mesures ne peut être tirée, tout dépendant de leur pertinence et de leur gestion. Ainsi, si la création d’un centre de santé dans la ville de Vierzon employant quatre médecins à temps plein a permis de créer une file active de 7 200 patients, le même dispositif a échoué et s’est transformé en véritable gouffre financier pour le département de la Saône-et-Loire.
Même ces mesures incitatives pour conduire les médecins à travailler davantage, sont souvent mal perçues par les praticiens. Le très décrié contrat d’engagement territorial (CET) contenu dans feu la convention médicale, qui consistait à demander aux médecins d’augmenter leur offre de soins en échange de l’accès à une grille tarifaire plus avantageuse, a été rejetée en bloc par les syndicats, provoquant l’échec des négociations conventionnelles. Beaucoup de médecins libéraux estiment déjà travailler énormément (deux tiers d’entre eux déclarent travailler plus de 50 heures par semaine) et ne pouvoir en faire davantage. La délégation de tâches vers les professions paramédicales ne fait pas non plus que des heureux, comme le montre l’important mouvement de rejet de la proposition de loi Rist par les médecins.
Sur le long terme, la nécessaire augmentation du nombre d’étudiants en médecine
Quoi qu’on pense de ces diverses solutions pour inciter les médecins à s’installer dans les déserts médicaux et à travailler davantage, elles ne constituent que des « soins palliatifs » selon le Pr Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie du CHU Henri-Mondor à Créteil et membre du Parti Socialiste, qui publie ce lundi une tribune dans Le Monde sur les déserts médicaux.
Rappelant que « la cause essentielle de la crise est la pénurie de médecins en France », qui va ne faire que s’aggraver ces prochaines années, il appelle donc à augmenter de 30 % les effectifs des étudiants admis dans le cursus médical (donc en deuxième année de médecine). Une mesure d’autant plus urgente que, comme beaucoup de Français, les jeunes médecins ont un rapport différent au travail et sont moins enclin à sacrifier leur vie privée pour leur vie professionnelle. Pour le Pr Pelissolo, la suppression du numerus clausus en 2020 n’a pas réglé la situation, puisque le nouveau système du « numerus appertus » n’admet que 15 % d’étudiants en médecine en plus en deuxième année. « Si rien n’est fait immédiatement, nous serons dans dix ans dans une situation identique à celle que nous connaissons aujourd’hui, voire pire encore » prévient le psychiatre.
Nicolas Barbet