Don du sang des homosexuels : la fin d’une précaution plus que d’une discrimination

Paris, le mercredi 12 janvier 2022 – Le ministère de la Santé va prendre un arrêté pour supprimer les règles spécifiques appliquées aux hommes homosexuels souhaitant donner leur sang.

En se baladant sur les réseaux sociaux ce mardi soir, on se serait cru revenu au temps de l’adoption du mariage homosexuel ou de la PMA pour toutes. De nombreux défenseurs des droits des LGBT mais aussi des représentants de l’Etat se sont félicité de la suppression prochaine (l’arrêté entrera en vigueur le 16 mars) de la période d’abstinence de 4 mois pour les hommes homosexuels souhaitant donner leur sang. C’est « une avancée majeure » pour l’association SOS Homophobie, « une décision attendue depuis de longues années » par l’Interassociative LGBT, « une évolution sociétale majeure » selon le Directeur Général de la Santé Jérôme Salomon.

42 % des nouveaux séropositifs sont des HSH

C’est nier que les règles spécifiques s’appliquant aux homosexuels masculins souhaitant donner leur sang n’ont rien d’homophobes (elles ne visent d’ailleurs pas les lesbiennes), mais répondent à un objectif de santé publique : éviter la transmission du VIH. Les hommes homosexuels ont été interdits de donner leur sang en 1983, au tout début de l’épidémie de ce que certains appelaient encore (de façon stigmatisante) le « cancer gay ». N’en déplaisent à certains, le VIH continue de nos jours à toucher plus souvent des « hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes » (HSH) que le reste de la population. Selon une étude de 2017, 14 % des HSH fréquentant des « lieux de convivialité homosexuel » sont séropositifs. En 2018, 41,6 % des personnes nouvellement diagnostiquées séropositives étaient des hommes homosexuels.

Les HSH ont finalement été ré-autorisés à donner leur sang en 2016, à condition de respecter une période d’abstinence sexuelle d’un an, ramené à 4 mois en 2020. Avec l’entrée en vigueur du nouvel arrêté, les donneurs ne se verront plus poser de questions sur leur orientation sexuelle, mais uniquement sur leurs éventuelles « pratiques individuelles à risques ». Le gouvernement justifie ce changement de doctrine par l’amélioration des techniques de dépistage qui aurait réduit par 40 depuis 1990 le risque qu’un don de sang contaminé passe entre les mailles du filet. « La réalité, c’est qu’il n’y a pas eu de nouvelles estimations de ce risque résiduel » avertit Fabrice Pilorgé, responsable à l’association AIDES.

Peut-être l’exécutif a-t-il été sensible à un autre argument, celui du manque de sang, l’Établissement Français du Sang (EFS) étant dans une situation de tension permanente depuis le début de la pandémie de Covid-19.

Donner son sang n’est pas un droit

Des mesures de surveillance vont être mises en place pour suivre les conséquences du nouvel arrêté a déclaré le ministère, sans plus de précision.

L’arrêté prévoit également d’interdire le don du sang aux personnes ayant pris un traitement pré ou post-exposition au VIH (PrEP ou PEP) dans les 4 derniers mois, car ces médicaments peuvent fausser le dépistage du VIH dans le sang et sans soute surtout parce que les personnes qui suivent cette prophylaxie « sont généralement liées à des pratiques à risque » explique Cathy Bliem, directrice générale de l’EFS. On rappellera par ailleurs que de nombreuses autres personnes ne peuvent pas donner leur sang (les épileptiques, les sujets ayant résidé au Royaume-Uni avant 1996…) sans que l’on parle de discrimination, tout simplement parce que donner son sang n’est pas un droit et que la transfusion est un acte médical. 

En juillet 2020, plusieurs députés avaient déjà tenté de supprimer les règles spécifiques appliqués aux donneurs homosexuels par un amendement à la loi de bioéthique. Le ministre de la Santé Olivier Véran avait alors condamné cette proposition. « Statistiquement et non pas moralement, il y a un surrisque chez les HSH, cet amendement est dangereux » expliquait le ministre. Le même ministre qui va prendre l’arrêté mettant fin à ces règles spécifiques et qui s’est félicité ce mardi d’avoir « mis fin à une inégalité injustifiée ». Comme quoi il n’y a pas que sur la question de la Covid-19 que la parole d’Olivier Véran est fluctuante.

Quentin Haroche

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