Dons de gamètes : des débuts difficiles pour la commission d’accès aux origines

Paris, le jeudi 10 novembre 2022 – Deux membres de la commission d’accès aux origines ont claqué la porte, deux mois seulement après sa création.

Depuis le 1er septembre dernier, en application de la loi de bioéthique de 2021, le don de gamète n’est plus anonyme. Toutes les personnes nées par technique de procréation médicalement assistée (PMA) avec tiers donneur pourront avoir accès à l’identité du donneur sans que ce dernier puisse s’y opposer…mais seulement à leur majorité. La loi n’entrera donc pleinement en effet qu’en 2041.

Les personnes nées grâce à une PMA avec donneur et déjà adultes qui désireraient en savoir plus sur leur « parent biologique » doivent donc se tourner vers la toute nouvelle Commission d’accès des personnes nées d’assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (Capadd), instituée le 7 septembre dernier. A la demande des enfants issus d’un don, la Capadd est chargé de retrouver le donneur et de lui demander s’il consent à ce que des informations identifiantes et/ou non identifiantes soit transmises à son enfant biologique. Les donneurs peuvent également anticiper les demandes en adressant leur identité à la commission.

Des données non identifiantes trop lacunaires


Parmi les membres de la commission, présidée par un magistrat judiciaire, on trouve notamment Audrey et Arthur Kermalvezen, cofondateurs de l’association Origines, tous deux nés d’une insémination artificielle. Ce mardi, ils ont présenté leur démission, deux mois à peine après la création de la commission, pour protester contre le manque de moyens et de pouvoirs de l’institution nouvellement créée.

« Il y a un fossé entre ce que permettent les tests ADN et ce qu’offre cette commission comme accès aux informations » explique au Figaro le couple. Arthur Kermalvezen est d’ailleurs parvenu il y a quelques années à retrouver son « géniteur » en menant sa propre enquête à partir d’un test ADN réalisé des Etats-Unis. Les deux militants dénoncent l’opacité qui entoure l’enquête menée par la Capadd, un comble (selon eux) pour une commission chargé d’aider les personnes à mieux connaitre leurs origines.

« En cas d’échec, les demandeurs sans réponse ne sauront jamais s’il s’agit d’un refus, si ce dernier (le donneur : NDLR) est mort ou si la commission n’a pas réussi à le retrouver » s’insurge Audrey Kermalvezen. « On présume aussi que les donneurs morts auraient voulu rester anonymes alors que leurs familles auraient pu accepter de communiquer des informations » ajoute-t-elle.

Les deux démissionnaires critiquent également le caractère très lacunaire des données non identifiantes qui peuvent être transmisses au demandeur. Ainsi, les antécédents médicaux du donneur ne sont pas transmis. « C’est un obstacle à un suivi médical et à des mesures de dépistage » alerte Audrey Kermalvezen, « on demande juste au donneur d’indiquer dans quel état de santé il se trouve, c’est lunaire ».

Seulement 170 demandes d’accès aux origines pour le moment


La personne issue du don n’est pas non plus informée de l’existence d’éventuels demi-frères ou demi-sœurs ce qui créé « un risque de rencontres consanguines » dénonce la fondatrice de l’association Origines. Elle-même aurait découvert grâce à un test ADN que certain des membres de son association étaient en réalité ses
demi-frères et sœurs. Enfin, les deux militants critiquent le fait que la loi ait autorisé l’utilisation de gamètes issus de dons antérieurs au 1er septembre 2022 (et donc non soumis à la levée obligatoire de l’anonymat) « jusqu’à une date non fixée et qui n’est enserrée dans aucun délai ».

Sans aller jusqu’à claquer la porte, l’association BAMP ! partage une partie de ces critiques. Sa présidente, Virginie Rio, regrette notamment que les parents ne puissent pas avoir accès à certaines données non identifiantes pendant la minorité de l’enfant, afin de plus facilement aborder la question de ses origines avec lui.

Pour le moment, la Capadd n’a été contacté que par 170 personnes désirant avoir accès à leurs origines et par 87 donneurs souhaitant divulguer leur identité au cas où l’enfant issu de leur don voudrait connaitre son origine. Si on estime qu’environ 70 000 personnes sont nées d’un don de gamètes en France, tous ne sont pas encore majeurs et surtout tous n’ont pas forcément la volonté de connaitre l’identité de leur géniteur.

Quentin Haroche

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article