
Depuis le 1er septembre dernier, en application de la loi de
bioéthique de 2021, le don de gamète n’est plus anonyme. Toutes les
personnes nées par technique de procréation médicalement assistée
(PMA) avec tiers donneur pourront avoir accès à l’identité du
donneur sans que ce dernier puisse s’y opposer…mais seulement à
leur majorité. La loi n’entrera donc pleinement en effet qu’en
2041.
Les personnes nées grâce à une PMA avec donneur et déjà
adultes qui désireraient en savoir plus sur leur « parent
biologique » doivent donc se tourner vers la toute nouvelle
Commission d’accès des personnes nées d’assistance médicale à la
procréation aux données des tiers donneurs (Capadd), instituée le 7
septembre dernier. A la demande des enfants issus d’un don, la
Capadd est chargé de retrouver le donneur et de lui demander s’il
consent à ce que des informations identifiantes et/ou non
identifiantes soit transmises à son enfant biologique. Les donneurs
peuvent également anticiper les demandes en adressant leur identité
à la commission.
Des données non identifiantes trop lacunaires
Parmi les membres de la commission, présidée par un magistrat
judiciaire, on trouve notamment Audrey et Arthur Kermalvezen,
cofondateurs de l’association Origines, tous deux nés d’une
insémination artificielle. Ce mardi, ils ont présenté leur
démission, deux mois à peine après la création de la commission,
pour protester contre le manque de moyens et de pouvoirs de
l’institution nouvellement créée.
« Il y a un fossé entre ce que permettent les tests ADN et
ce qu’offre cette commission comme accès aux informations »
explique au Figaro le couple. Arthur Kermalvezen est d’ailleurs
parvenu il y a quelques années à retrouver son « géniteur » en
menant sa propre enquête à partir d’un test ADN réalisé des
Etats-Unis. Les deux militants dénoncent l’opacité qui entoure
l’enquête menée par la Capadd, un comble (selon eux) pour une
commission chargé d’aider les personnes à mieux connaitre leurs
origines.
« En cas d’échec, les demandeurs sans réponse ne sauront
jamais s’il s’agit d’un refus, si ce dernier (le donneur : NDLR)
est mort ou si la commission n’a pas réussi à le retrouver »
s’insurge Audrey Kermalvezen. « On présume aussi que les
donneurs morts auraient voulu rester anonymes alors que leurs
familles auraient pu accepter de communiquer des informations »
ajoute-t-elle.
Les deux démissionnaires critiquent également le caractère
très lacunaire des données non identifiantes qui peuvent être
transmisses au demandeur. Ainsi, les antécédents médicaux du
donneur ne sont pas transmis. « C’est un obstacle à un suivi
médical et à des mesures de dépistage » alerte Audrey Kermalvezen,
« on demande juste au donneur d’indiquer dans quel état de santé il
se trouve, c’est lunaire ».
Seulement 170 demandes d’accès aux origines pour le moment
La personne issue du don n’est pas non plus informée de
l’existence d’éventuels demi-frères ou demi-sœurs ce qui créé «
un risque de rencontres consanguines » dénonce la fondatrice de
l’association Origines. Elle-même aurait découvert grâce à un test
ADN que certain des membres de son association étaient en réalité
ses
demi-frères et sœurs. Enfin, les deux militants critiquent le
fait que la loi ait autorisé l’utilisation de gamètes issus de dons
antérieurs au 1er septembre 2022 (et donc non soumis à la levée
obligatoire de l’anonymat) « jusqu’à une date non fixée et qui
n’est enserrée dans aucun délai ».
Sans aller jusqu’à claquer la porte, l’association BAMP !
partage une partie de ces critiques. Sa présidente, Virginie Rio,
regrette notamment que les parents ne puissent pas avoir accès à
certaines données non identifiantes pendant la minorité de
l’enfant, afin de plus facilement aborder la question de ses
origines avec lui.
Pour le moment, la Capadd n’a été contacté que par 170
personnes désirant avoir accès à leurs origines et par 87 donneurs
souhaitant divulguer leur identité au cas où l’enfant issu de leur
don voudrait connaitre son origine. Si on estime qu’environ 70 000
personnes sont nées d’un don de gamètes en France, tous ne sont pas
encore majeurs et surtout tous n’ont pas forcément la volonté de
connaitre l’identité de leur géniteur.
Quentin Haroche