Double arthroplastie pour double coxarthrose : cela peut se faire en même temps !

Face à une coxarthrose bilatérale évoluée et cliniquement invalidante, avec une gêne fonctionnelle voisine des deux côtés, la réalisation d’une double arthroplastie totale (ATP) dans le même temps opératoire semble audacieux. Cette stratégie n’est pourtant pas dénuée d’avantages sur bien des plans : le bénéfice est à la fois humain, clinique et économique si l’on considère que l’ATP en deux temps implique nécessairement de répéter anesthésie, hospitalisation voire rééducation. En contrepartie, le risque opératoire pourrait être plus élevé du fait d’un acte chirurgical plus long et de complications per- et post-opératoires a priori plus fréquentes.

Une série française

Une étude rétrospective de type cas-témoins, réalisée dans deux services d’orthopédie du CHU de Nice retrouve cependant un rapport bénéfice/risque favorable pour l’ATP de hanche bilatérale en un seul temps opératoire (ATP-B). Deux groupes de patients opérés entre 2004 et 2018 ont été comparés selon qu’ils avaient bénéficié d’une ATP-B (n = 109) ou d’une ATP unilatérale (ATP-U) (n = 218). Un appariement a été effectué en fonction des variables suivantes : (1) âge et sexe ; (2) diagnostic clinique et radiologique; (3) scores de 1 ou 2 sur l’échelle ASA (American Society of Anesthesiologists) qui permet d’évaluer le risque lié à l’anesthésie : un score de 1 correspond à un patient en bonne santé physique et psychique, un score de 2 à un patient atteint d’une maladie chronique peu sévère et contrôlée (HTA, BPCO, asthme etc.) ; (4) voie d’abord chirurgicale : antérieure ou postérolatérale. Les besoins en transfusions sanguines, les complications précoces (≤90 jours) ou tardives (>90 jours), la mortalité et les résultats fonctionnels à long terme (12 mois) ainsi que la
satisfaction du patient ont été examinés.

Des résultats plus favorables dans le groupe « bilatéral » sans risque supplémentaire

La mortalité s’est avérée nulle dans les deux groupes. La fréquence des complications postopératoires a été globalement la même, soit 38,5 % dans le groupe ATP-B versus 40,8 % dans le groupe ATP-U (NS). Il en a été de même pour les complications précoces (8,3 % vs 7,8 %, NS) et tardives (30,3 % vs 33,0 % ; NS). Le risque hémorragique ne s’est pas avéré en rien rédhibitoire dans le groupe ATP-B.

Une inégalité de longueur des membres inférieurs a été moins souvent observée dans le groupe ATP-B que dans l’autre, soit 5,5 % vs 13,3 % (p = 0,03). Au contraire les patients ATP-B oubliaient plus souvent qu’ils étaient porteurs d’une prothèse de hanche (86 % vs 70 % ; p=0,01). L’absence de descellement du matériel prothétique au terme de 5 ans de suivi se retrouvait de la même façon dans les 2 groupes ainsi qu’en conclut une analyse de Kaplan-Meier, soit 97,2 % (intervalle de confiance à 95 % IC [91,9-99,1]) (ATP-B) versus 96,6 % (IC [93,0-98,4]) (ATP-U) (p=0,08).

A envisager chez des patients sélectionnés

Cette étude rétrospective du type cas-témoins apporte un éclairage intéressant sur un problème qui n’est pas exceptionnel dans la pratique courante, même si elle a ses limites. Face à une coxarthrose bilatérale évoluée et invalidante, la réalisation d’une double ATP de hanche dans le même temps opératoire mérite d’être envisagée, tout au moins chez un patient à faible risque opératoire ou anesthésique. Cette stratégie dont le rapport coût/efficacité a tout lieu d’être favorable ne semble pas exposer à davantage de complications postopératoires que la ATP-U. Par ailleurs, elle semble donner de meilleurs résultats pour ce qui est de la symétrie des membres inférieurs et de la satisfaction du patient… ce qui n’est pas à négliger.

Le risque de descellement à long terme n’est pas plus élevé et, dans ces conditions, il semble raisonnable de procéder dans certains cas sélectionnés, à cet acte opératoire complet qui économise énergie, moyens, souffrance et finances. Il n’est pas pour autant question d’en abuser, mais sur ce point, il faut rappeler qu’une telle procédure est subordonnée à l’accord de l’Assurance Maladie…

Dr Philippe Tellier

Référence
Micicoi G et coll. : One-stage bilateral total hip arthroplasty versus unilateral total hip arthroplasty: A retrospective case-matched study. Orthop Traumatol Surg Res. 2020 : publication avancée en ligne le 4 avril. doi: 10.1016/j.otsr.2020.02.003.

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Vos réactions (2)

  • Déjà dans les années 60

    Le 06 mai 2020

    Dans les années 60 (aux alentours de 1967) ce procédé était déjà réalisé en France sur table de Judet et par voie antérieure de Hueter Smith Petersen chez des patients sélectionnés porteurs de coxarthrose bilatérale évoluée. La mode était à l'excellente prothèse cimentée de Charnley. Une époque avant gardiste !

    Pr Jacques Bahuaud, chirurgien orthopédiste

  • Bravo

    Le 06 mai 2020

    Superbe intervention bravo aux Chirurgiens.

    Paul Seris (IDE)

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