
Lille, le jeudi 23 mars 2023 – La mort d’un élève en pleine épreuve du baccalauréat interroge sur le manque de formation aux premiers secours dans notre pays.
Jamais il ne connaitra la joie de voir son nom sur la liste des nouveaux bacheliers. Ce mardi, un jeune homme de 19 ans est mort au CHU de Lille, où il avait été transporté par le SAMU après avoir fait un malaise cardiaque, alors qu’il passait l’épreuve d’économie du baccalauréat STMG au sein du lycée Gaston-Berger dans le sud de la ville. Selon ses amis et sa famille, le lycéen souffrait d’une cardiopathie et s’était vu implanté un pacemaker il y a plusieurs années.
Au-delà du drame en lui-même et du choc psychologique pour les élèves et le personnel de l’établissement (une cellule psychologique a été mise en place pour leur venir en aide), ce sont les circonstances de la mort du jeune homme qui provoquent l’émotion chez les camarades du défunt. Selon plusieurs élèves qui se trouvaient dans la salle pour passer l’examen au moment où le jeune homme a connu son malaise, aucun des surveillants de l’épreuve ne lui seraient venu en aide ni n’a appelé les secours, ne prenant pas la mesure de la gravité de l’incident.
« Le proviseur a répondu que c’était une étape de la vie »
« Il y avait huit adultes dans la salle » explique un des lycéens qui témoigne auprès des journalistes de La Voix du Nord. « Les élèves se levaient pour aller voir ce qu’il (la victime du malaise) avait, on leur disait de se rasseoir, de continuer le bac. Un adulte continuait de passer dans les rangs pour faire signer la feuille de présence alors qu’il était toujours par terre. Il ne parlait plus, commençait à devenir bleu. Une élève s’est levée quand même et l’a mis en position latérale de sécurité (PLS). Nous on disait qu’il fallait appeler les secours. Personne n’a pu lui faire de massage cardiaque. Ce qui nous a choqués, c’est qu’il a été laissé seul un moment par terre ». Une scène surréaliste confirmée par une autre témoin de la scène. « Son ami a crié plusieurs fois qu’il fallait l’aider, qu’il avait un pacemaker. Mais ils nous ont interdit de bouger alors que des élèves voulaient l’aider. On nous a dit qu’il ne fallait pas se lever parce qu’on passait le bac ».
Un conseiller principal d’éducation (CPE) finit par appeler les secours, qui arrivent rapidement et prennent la victime en charge. Les élèves sont alors évacués de la salle d’examen et conduits dans une autre salle où, encore une fois selon plusieurs témoignages, le proviseur de l’établissement leur demande de reprendre l’examen. « On a dit qu’on ne pouvait pas continuer, que quelqu’un était en train de mourir. Le proviseur a répondu que c’était une étape de la vie et que quitter la salle, c’était abandonner le bac » explique un des lycéens. Finalement, face aux protestations soutenues des élèves, l’épreuve a été annulée et reprogrammée à la semaine prochaine. Trop tôt estiment beaucoup d’élèves, encore choqués par le drame.
Ces témoignages doivent évidemment être pris avec précaution. Mais s’ils s’avèrent exactes, difficile de comprendre le manque de réactivité des surveillants, qui pourrait s’assimiler au délit de non-assistance à personne en danger. Pour le moment, le rectorat n’a pas répondu aux journalistes sur ces accusations des élèves et se contented’indiquer que les secours ont été contactés rapidement.
Peut-on être formé à être plus humain ?
La mort tragique de ce jeune homme, qui aurait peut-être pu être évitée si des premiers secours lui avaient été apportés promptement, nous rappelle que la France est très en retard par rapport à ses voisins européens dans la lutte contre la mort subite. Seuls 40 % des Français sont formés aux gestes qui sauvent et sont capables de reconnaitre les signes d’un arrêt circulatoire, contre plus de 80 % des Norvégiens, des Allemands et des Autrichiens. Le taux de survie en cas d’arrêt circulatoire subi serait cinq à dix fois inférieur en France à ce qu’il est dans les pays anglo-saxons et scandinaves (ce qui reste à vérifier).
Chaque année, ce sont entre 40 000 et 50 000 Français qui décèdent subitement, dont un tiers de moins de 55 ans. En 2020, le Parlement a voté une loi pour améliorer l’apprentissage des premiers secours en France, avec l’espoir que 80 % des Français soient formés aux « gestes qui sauvent » d’ici 2030, ce qui pourrait sauver 3 000 vies par an.
Faute de connaitre le dossier médical
de cet élève et la nature de sa cardiopathie, de savoir quel était
le mécanisme exact de cet arrêt circulatoire (fibrillation
ventriculaire, asystolie…), le délai réel entre la perte de
connaissance et le début de la réanimation et le type de traitement
entrepris, il est évidemment impossible de déterminer si les
surveillants de cet examen ont une quelconque responsabilité dans
l’issue fatale de ce malaise.
Quentin Haroche