En Iran, une troisième vague hors de contrôle

Téhéran, le mardi 24 novembre 2020 – Le nombre de contaminations et de décès ne cesse d’augmenter en Iran, sans que les timides mesures de restrictions mises en place par le gouvernement n’y change grand-chose.

« Si l’épidémie n’est pas contrôlée, nous devrons ramasser des corps dans les rivières ». Le discours de Said Namaki, ministre de la santé, donne le ton sur la situation épidémique que connait actuellement l’Iran. Après la première vague de mars/avril et la deuxième vague de juillet/août, la République Islamique connait depuis environ deux mois une troisième vague bien plus meurtrière.

On compte ainsi dans le pays environ 13 000 contaminations quotidiennes et entre 450 et 500 morts par jour, pour une population de 82 millions d’habitants. Au total, 45 000 Iraniens sont morts du Covid-19 depuis le début de la pandémie. Des chiffres largement sous-estimés de l’aveu même du gouvernement. Ainsi, selon le Centre national de lutte contre le coronavirus, ce serait en réalité plus de 110 000 Iraniens qui auraient perdu la vie depuis février.

Les médecins iraniens demandent un confinement

Tous les hôpitaux iraniens sont saturés et notamment dans la capitale Téhéran, qui comptabilise la moitié des décès officiels du pays. « On nous a dit qu’il n’y avait même plus de lit pour les malades âgés de 30 ou 40 ans » explique la fille d’un malade. « On se dirige vers un effondrement du système sanitaire » explique un médecin. Face à cette situation, un véritable marché noir médical est en train de se développer. Dans certains hôpitaux, des médecins et infirmiers acceptent de « libérer » un lit en échange d’un pot-de-vin. D’autres praticiens organisent un système de soins à domicile hors de tout encadrement légal, en pratiquant des prix exorbitants : 3 000 euros pour trois jours, dans un pays ou le salaire minimum est d’environ 100 euros mensuel.

Pour lutter contre l’épidémie, le gouvernement renforce timidement les restrictions. Début novembre, le port du masque est devenu obligatoire dans tout le pays. Depuis le 10 novembre, dans les grandes villes, les commerces non-essentiels doivent fermer à partir de 18 heures. A Téhéran et Ispahan, les cinémas, cafés, restaurants et même les mosquées ont été fermés. Insuffisant pour les médecins. Dans une lettre ouverte au président Hassan Rohani, 65 présidents de faculté de médecine demandent la mise en place d’un confinement national de 15 jours. Le monde hospitalier, qui a payé un lourd tribut à l’épidémie (358 médecins et infirmiers décédés) est devenu le principal centre d’opposition au régime.

Le gouvernement iranien cède au fatalisme

Mais le gouvernement n’est pas prêt à sauter le pas. Depuis le début de l’épidémie en février, il se refuse à toute mesure de confinement. Pour Hassan Rohani, l’économie iranienne, déjà très affaibli par les sanctions américaines, ne tiendrait pas le choc. D’habitude très répressives, les autorités ferment les yeux sur les manquements aux règles sanitaires. Le ministre de la santé reconnait lui-même que rien n’est fait pour empêcher les rassemblements et faire respecter le port du masque.

« Nous n’avons pas d’autres options » expliquait déjà le président Rohani en avril. Pour lui, le principal responsable de la crise est, comme toujours, les Etats-Unis, qui bloquent toute aide humanitaire à la République Islamique et notamment celle du Swiss Humanitarian Trade Arrangement (SHTA). « Les autorités ont cédé à une sorte de fatalisme » résume Jonathan Piron, historien spécialiste de l’Iran.

Nicolas Barbet

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