
En 1999, la Food and Drug Administration américaine a approuvé le dispositif de réparation endovasculaire (EVAR) pour l'anévrisme de l'aorte abdominale (AAA) infra-rénale. Depuis, plusieurs études ont montré que les avantages précoces de l'EVAR disparaissaient au bout de 6 à 36 mois, avec parfois des conséquences néfastes à long terme.
Par la suite, le National Institute for Health and Care Excellence britannique n'a plus recommandé l'EVAR que dans des indications limitées. En 2021, la FDA a organisé une réunion du Circulatory Systems Devices Panel pour discuter des résultats à long terme de l'EVAR.
Alors que la plupart des derniers patients inclus dans les essais sur l’EVAR ont été recrutés il y a plus de 10 ans, une évaluation des résultats à long terme s’avérait nécessaire dans la population générale, ainsi qu’en fonction de l’âge et du sexe.
Cette étude a eu recours aux fichiers Medicare Provider Analysis and Review et Master Beneficiary Summary Files. Les patients qui avaient bénéficié de leur première EVAR ou d’une réparation d'anévrisme ouverte (OAR) pour un anévrisme aortique abdominal intact entre 2001 et 2018 ont été identifiés.
Ceux qui présentaient une EVAR ramifiée ou fenêtrée, un anévrisme thoraco-abdominal concomitant ou qui n'avaient pas de couverture Medicare Part pour l'acte lors de la procédure d'indexation ont été exclus. Les patients ont été suivis jusqu’à la fin de l'étude (31 décembre 2018) ou la fin de la couverture par leur assurance, selon la première éventualité survenue.
De grands effectifs sur une longue période
L’étude s’est penchée sur la mortalité et les réinterventions (EVAR ou OAR ultérieurs) après l'intervention index avant et après janvier 2010, date choisie pour garantir la puissance de l'étude dans les deux périodes et pour permettre à la technologie EVAR d'atteindre une bonne validité et une bonne stabilité. L'appariement par score de propension a été utilisé pour ajuster les différences dans les caractéristiques des patients.
Au total, 246 333 patients ont bénéficié d’une EVAR et 124 559 d’une OAR ; 103 574 paires ont été identifiées et appariées. L'âge moyen des patients était de 76 ans et 78 % étaient des hommes.
Une mortalité plus élevée avec le dispositif de réparation endovasculaire
Au cours des 6 premiers mois après l’intervention, l'EVAR a été associée à un bénéfice en termes de survie, mais la mortalité a été plus élevée par la suite. Sur les 18 années de l'étude, la mortalité était ainsi plus élevée avec l'EVAR (Hazard Ratio HR, 1,06 ; intervalle de confiance à 95 % IC95 % , 1,05-1,07) qu'avec l'OAR, principalement chez les hommes.
Après janvier 2010, la mortalité par EVAR a été similaire à celle de l'OAR, avec des améliorations principalement chez les patients plus âgés et les hommes. Mais chez les patients âgés de 65 à 75 ans, la mortalité globale par EVAR était encore plus élevée après janvier 2010 (HR, 1,06 ; IC95 % 1,01-1,10).
Les réinterventions ont été plus fréquente IC95 % 4,40-4,83), mais la différence a diminué après janvier 2010 (HR, 2,66 ; IC95 % 2,37-2,98). La réduction du nombre de réinterventions était plus importante chez les patients plus âgés et les femmes, en particulier dans les six mois suivant l'intervention.
Mais les résultats de l’EVAR se sont améliorés au fil du temps
Cette vaste étude nationale montre que les résultats du dispositif de réparation endovasculaire se sont améliorés au fil du temps, la survie après une EVAR étant devenue similaire à celle d'une OAR après janvier 2010, sauf chez les patients âgés de 65 à 75 ans.
De plus, l'amélioration de la survie après une EVAR est allée de pair avec une réduction plus importante de la mortalité postopératoire et à des gains plus importants chez les patients plus âgés et de sexe masculin. Les différences dans le risque de réintervention entre l'EVAR et l'OAR ont diminué, principalement chez les patients plus âgés et les femmes. Par conséquent, certains sous-groupes d'âge et de sexe peuvent être identifiés pour une surveillance à long terme des dispositifs.
Que penser ? Que décider ?
Les limites de cette étude incluent l'impossibilité de vérifier la mortalité spécifique à l'anévrisme et les détails anatomiques, l'absence de validation du décès chez quelques patients (< 1 %). Néanmoins, les données de Medicare constituent une ressource unique pour étudier les résultats des interventions chirurgicales d'urgence et des interventions chirurgicales totales au niveau de la population.
Éviter le stress initial d'une intervention chirurgicale majeure en sachant qu'elle présente des risques de décès et de complications est important pour les patients. Cependant, les risques de complications tardives, de réinterventions et de mortalité liés au dispositif de réparation endovasculaire doivent être compris et nécessitent une évaluation de la qualité de vie et des préférences du patient pour garantir une prise de décision éclairée.
La technologie des dispositifs a évolué au fil du temps, y
compris le traitement des endofuites, ce qui peut améliorer encore
les résultats de l'EVAR. Les recherches futures devraient se
concentrer sur les résultats à long terme spécifiques aux
dispositifs afin d'identifier le meilleur dispositif pour chaque
individu.
Dr Bernard-Alex Gaüzère