
Les biomarqueurs moléculaires du cancer sont des indicateurs basés sur des biomolécules telles que les acides nucléiques et les protéines ; ils peuvent être détectés par biopsie tumorale dans des échantillons de tissus ou, plus facilement et de manière non invasive, à partir de sang (ou de sérum ou de plasma), de salive, de selles, d'urine, de fluides biologiques en général. Dans le domaine des cancers, les applications cliniques des biomarqueurs sont nombreuses ; ils peuvent être utilisés dans l'évaluation du risque de cancer, dans le dépistage, dans le diagnostic spécifique, pour le pronostic du cancer, la prédiction et le suivi de la réponse au traitement. Ils peuvent donc contribuer à optimiser la prise de décisions dans la pratique clinique [1].
Les technologies de détection des biomarqueurs ont énormément progressé au cours des dernières décennies, y compris pour les techniques telles que la nanotechnologie ou les méthodes d'étude de l'ADN/ARN tumoral circulant ou des exosomes [1].
Des améliorations dans le domaine de la recherche des biomarqueurs du cancer sont toutefois nécessaires pour garantir de très bonnes sensibilités et spécificités pour le diagnostic, avec des techniques simples et peu coûteuses pouvant, idéalement, être utilisées sur le terrain en routine clinique.
C’est justement l’objectif de chercheurs coréens du sud (Korea Institute of Materials Science KIMS ; Changwon, Gyeongnam South Korea, et Biomedical Engineering Research Center, Samsung Medical Center, Seoul). Ils proposent une nouvelle technique pour le diagnostic de cancers à partir de prélèvement d’urine (publication en date du 15 mars 2023 dans la revue « Biosensors and Bioelectronics") [2]. Nous en présentons les principaux résultats.
Des métabolites présents dans les urines uniquement en cas de cancer
Les cellules cancéreuses sécrètent différentes substances avec, pour certaines, une élimination de métabolites dans les urines. Des techniques très coûteuses et nécessitant de volumineux appareils permettaient d’identifier ces métabolites mais leur utilisation en routine dans le diagnostic des cancers n’était guère possible.
L’étude sud-coréenne a permis d’identifier les métabolites urinaires présents seulement chez des patients atteints de cancer, par comparaison avec des personnes sans cancer (témoins) ; ces métabolites urinaires pouvaient donc être considérés comme spécifiques du cancer et leur identification devait permettre le diagnostic.
La technique proposée par les chercheurs coréens permet le dépistage du cancer de la prostate et du cancer du pancréas à partir d’un volume de 10 microlitres d’urine, cela simplement à l’aide d’une bandelette [1].
L’identification des métabolites urinaires s’est faite à l’aide d’un capteur de diffusion de type « Raman » fondé sur une nano architecture corail plasmonique tridimensionnelle (3D-PCN) qui, par l'analyse de la diffusion de la lumière, multiplie le signal optique spécifique des métabolites présents dans l'urine plus d'un milliard de fois [1]. Cette nanoarchitecture a été fabriquée sous la forme d'une bandelette de test urinaire, puis intégrée à un système Raman portable afin de mettre au point une plateforme de diagnostic urinaire sur site.
Changer la donne dans le cancer du pancréas, par exemple…
Ainsi, la détection des signaux spécifiques des métabolites du cancer par le capteur permet le diagnostic. La plateforme développée a réussi à classer les urines humaines « correspondant » à des cancers de la prostate et du pancréas avec une sensibilité et une spécificité cliniques très élevées ; le diagnostic de cancer a été confirmé chez près de 99 % des patients atteints d'un cancer de la prostate ou d'un cancer du pancréas.
Selon les chercheurs, le capteur de diffusion « Raman » employé est peu coûteux et la bandelette urinaire pourra être utilisée facilement en pratique clinique.
Il s’agit donc d’une avancée très prometteuse, en particulier pour le diagnostic du cancer du pancréas, trop souvent tardif, avec en conséquence un mauvais pronostic. Selon les auteurs « cette nouvelle méthode de diagnostic pourrait changer la donne ».
A noter que l’équipe sud-coréenne travaille actuellement à élargir l’application de cette nouvelle technologie sur bandelette à d’autres types de cancer, notamment le cancer colorectal et le cancer du poumon.
Pr Dominique Baudon