Etats-Unis : la Cour Suprême sur le point de restreindre le droit à l’avortement ?

Washington, le jeudi 2 décembre 2021 - « La question ne serait plus de savoir si le droit à l'avortement va être limité... mais à quel point il va l'être ». Les propos de la journaliste du Washington Post Ruth Marcus traduisent bien l’atmosphère d’inquiétude qui règne autour de la capitale américaine au moment où les magistrats de la Cour Suprême s’apprêtent à rendre l’un des arrêts les plus importants de la décennie sur la question du droit à l’avortement.

Mercredi 1er décembre, les neuf juges étaient invités à examiner une loi du Mississippi interdisant le droit à l’avortement après quinze semaines de grossesse. Une disposition législative clairement en opposition avec la jurisprudence bien établie de la Cour Suprême (le fameux arrêt Roe v. Wade du 22 janvier 1973) qui garantit le droit des femmes à avoir recours à l’avortement tant que le fœtus n’est pas viable, c’est-à-dire de vingt-deux à vingt-quatre semaines de grossesse.

Devant une loi manifestement hostile à la jurisprudence, les Tribunaux fédéraux avaient bloqué l’entrée en vigueur de la loi. Si l’exercice d’un pourvoi par les autorités du Mississipi n’était pas une surprise, l’acceptation du recours par les juges de la Cour Suprême est d’ores et déjà le signe de la bataille juridique qui s’engage autour du droit à l’IVG.

Vers une victoire politique posthume pour Trump ?

C’est devant une Cour suprême remodelée par Donald Trump que les avocats de l’État ont tenté d’aller bien au-delà d’une simple discussion autour du délai légal à l’avortement en demandant tout simplement à la Cour Suprême de balayer d’un revers de la main cinquante ans de jurisprudence.

Scott Stewart, représentant de l’État, a notamment indiqué que le droit à l’avortement « n’avait pas de fondement dans la Constitution » estimant que la décision Roe V. Wade avait « maintenu la Cour pendant cinquante ans au cœur d’une bataille juridique ».

Plusieurs magistrats conservateurs se sont montrés sensibles à ses arguments. « La Cour a été obligée de choisir un camp dans l’un des débats de société les plus clivants en Amérique », a relevé le juge Brett Kavanaugh. Mais ne devrait-elle pas « être scrupuleusement neutre » et laisser cette décision aux élus, a-t-il interrogé. Une lecture « originaliste » de la Constitution qui prive la Cour Suprême d’une large partie de son rôle en matière de protection des droits fondamentaux.

Sa consœur Amy Coney Barrett, également nommée par Donald Trump, a rappelé qu’il était toujours possible de confier un nouveau-né non désiré aux services d’adoption, disponibles dans tout le pays.

Le Chief Justice Roberts, bien que nommé par George W. Bush, semble hostile à l’idée de remettre en cause le principe du droit à l’avortement. Toutefois, ce-dernier serait disposé à envisager un abaissement du délai légal incompressible. 

La décision sera rendue avant la fin du mois de juin 2022. La Cour devra également se prononcer sur une loi texane qui, depuis le 1er septembre, interdit les avortements dès six semaines de grossesse.

Dans les faits, un droit à l’avortement déjà fortement limité

De nombreux États du Sud ont d’ores et déjà tout mis en œuvre pour rendre l’accès à l’avortement quasi impossible. Victimes de normes évoluant en permanence et obligeant les cliniques à dépenser des sommes considérables pour rester dans le cadre légal, le Mississipi a obtenu la fermeture de la quasi-totalité des cliniques permettant de réaliser une IVG. L’État de 3 millions d’habitant ne dispose plus désormais que d’une seule clinique réalisant des avortements.

Après l’audience, le président des États-Unis, Joe Biden, a souligné publiquement qu’il « continuait de soutenir » cette jurisprudence, « la plus rationnelle » à ses yeux.

C.H.

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Vos réactions (1)

  • Viable ?

    Le 03 décembre 2021

    Un foetus est mort (mort in utero) ou vivant (grossesse évolutive). Tout embryon est viable si rien ne vient l'empêcher de vivre, et parler de "viabilité" n'est applicable qu'au nouveau-né.
    Disons le donc, "l'interruption de grossesse" consiste simplement à tuer un foetus ou un embryon constitué.
    Tuer un foetus est sans doute un acte défendable, tout comme tuer un sujet en fin de vie qui préfère mourir. Mais prétendre qu'il serait rationnel de définir une date pour le faire me paraît être une hypocrisie.

    Dr Pierre Rimbaud

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