Étiquettes nutritionnelles : l’UE à la recherche désespérée d’un consensus

Rome, le jeudi 16 mars 2023 – L’Union européenne cherche désespérément un consensus pour sa future réglementation relative aux étiquettes nutritionnelles. Les options sont de moins en moins nombreuses, et l'abandon définitif du système français Nutri-Score n'aide en rien le travail de la Commission.

L’idée d’imposer le Nutri-Score en Europe a été définitivement abandonnée, au plus grand plaisir de l’Italie, fer de lance de la lutte contre cette étiquetage nutritionnel, mis au point en France. Pour tenter de sauver sa réglementation sur les étiquettes nutritionnelles, qu’elle veut mettre en place avant 2024, l’Union européenne est actuellement à la recherche d’une solution satisfaisante pour tous les États membres. L’objectif : plus de transparence pour les consommateurs européens, avec la lutte contre la malbouffe et les aliments ultra-transformés en ligne de mire.

Il n’y aura pas de Nutri-Score européen

Le Nutri-Score aurait pu répondre à ces objectifs mais la décision a été entérinée il y a peu et semble définitive : l’Union européenne n’adoptera pas, à son tour, le Nutri-Score. Ce système, initié par la France, est pourtant déjà assez répandu sur le Vieux Continent ayant été adopté par la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne. Déployé à partir de 2018 dans l'Hexagone, il a pour but d’indiquer facilement, grâce à un code couleur clair, la qualité nutritionnelle des aliments manufacturés.

Mais plusieurs pays européens sont fermement opposés à son expansion dans l’intégralité de l’UE, à commencer par l’Italie, qui redoute les conséquences d’un tel système pour les plats et aliments « Made in Italy ». La Première ministre italienne Giorgia Meloni a ainsi dénoncé un dispositif « discriminatoire et pénalisant pour notre système agroalimentaire ». Derrière elle, les puissants industriels italiens, comme Ferrero, et la Coldiretti, principale association professionnelle du secteur agricole dans le Bel Paese.  

Pour ces derniers, les craintes sont connues et font écho à celles entendues en France lors des débats avant l’adoption (mais sans obligation) du Nutri-Score (et qui continuent à alimenter les discours de l’industrie agro-alimentaire) : le dispositif attribuerait des notes basses à des mets et des plats traditionnels de certaines cuisines, comme l’huile d’olive, le jambon, le parmesan… Les industriels, quant à eux, redoutent sans surprise que leurs produits, souvent ultra-transformés, soient étiquetés d’un « E » rouge, qui effraierait les consommateurs… même si d’autres ont finalement accepté de jouer le jeu en modifiant leur recette et en gagnant finalement des points.

Un système loin d’être parfait

Bien sûr, les opposants au Nutri-Score ont trouvé des relais du côté des élus. Irène Tolleret, eurodéputée du groupe Renew (libéraux), souligne que la « surcharge pondérale des adolescents ne vient pas du fait qu’ils mangent trop de camembert ». Et, en effet, le Nutri-Score est un dispositif très utile, mais il est loin d’être parfait. Pour des questions de simplicité, il compare les aliments selon une même référence de 100 grammes ou 100 millilitres — alors que certains produits sont utilisés en très petite quantité, comme l’huile d’olive. Par ailleurs, la confirmation de son efficacité sur le comportement alimentaire de tous les consommateurs a parfois été accompagnée de réserves.

En tout état de cause, la Commission a déjà décidé de ne pas froisser l’Italie, et derrière elle la Grèce, la Roumanie, la République tchèque, Chypre et la Hongrie, qui l’ont ralliée dans le combat « anti-Nutri-Score ». Bruxelles examine donc plusieurs dispositifs différents, comme le « Nutrinform Battery », défendu par le Bel Paese, qui prend en compte les portions consommées en moyenne.

Ailleurs dans le monde, certains pays ont adopté des systèmes encore plus contraignants que le Nutri-Score français : au Chili, la présence d’un logo noir, symbole d’un aliment trop calorique, trop gras ou truc sucré, interdit toute publicité à la télévision pour le produit en question.

Il est peu probable que la Commission adopte un dispositif aussi strict, mais le temps presse, et une solution doit être trouvée : elle aimerait que le système européen d’étiquette nutritionnelle soit soumis au vote des eurodéputés avant 2024 et la fin de leur mandat. L'adoption rapide du dispositif est une nécessité pour Emma Calvert, qui travaille au Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), qui estime qu’une telle mesure permettrait « d’aider les consommateurs européens, en particulier les plus vulnérables ».

Raphaël Lichten

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Vos réactions (1)

  • Interdire et réprimer

    Le 18 mars 2023

    On ne peut pas se contenter de mesures aussi mal ficelées que le Nutriscore. L'Etat doit réglementer beaucoup plus sévèrement la commercialisation des aliments.
    Certains doivent être fortement taxés pour limiter leur consommation, d'autres strictement interdits de publicité (essentiellement les friandises et les boissons).
    Quant à la composition des aliments transformés (industriels ou artisanaux), elle doit être très fortement contrainte : toute adjonction d'additif, de sucre ou d'édulcorant doit être soumise à autorisation préalable, et la teneur en chlorure de sodium doit faire l'objet d'un seuil strictement réglementé pour chaque catégorie alimentaire.
    A contrario, les légumes et légumineuses, ainsi que les céréales complètes cultivées en bio doivent faire l'objet d'une détaxation totale et d'une promotion active.

    Dr Pierre Rimbaud

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