
Le grand nombre d'essais cliniques s’intéressant aux thérapies ciblées chez les patients porteurs de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) qui échappent aux divers traitements approuvés (anti-TNF, anti-intégrines anti IL-12/23 et anti-Jak) montre la nécessité de développer de nouvelles molécules. L’etrasimod, modulateur sélectif des récepteurs 1,4,5 de la sphingosine (S1P1,4,5) à prise unique quotidienne par voie orale, est en cours de développement dans le traitement de la rectocolite hémorragique (RCH) active modérée à sévère dans le programme ELEVATE UC. Cependant, du fait d’un risque de bradycardie imposant sa titration initiale et d’un service médical rendu jugé insuffisant, la Commission de transparence a reconsidéré au 29 juin 2022 la place de l’ozanimod dans la stratégie thérapeutique dans la RCH.
Deux essais de phase 3 randomisés indépendants
Dans ces deux essais randomisés, contrôlés par placebo, en double aveugle, multicentriques, de phase 3 les auteurs ont évalué la tolérance et l'efficacité de l'etrasimod chez des adultes atteints de RCH active, modérée à sévère, ne répondant pas ou avec une perte d’efficacité ou une intolérance à au moins une biothérapie ou à un anti-Jak. Les patients ont été randomisés 2 :1 pour recevoir soit une dose fixe d’etrasimod (2 mg une fois par jour) ou soit un placebo. Les critères d'exclusion comprenaient en particulier une affection cardiaque cliniquement pertinente (antécédent d'infarctus du myocarde, d'accident vasculaire cérébral ou de bloc auriculo-ventriculaire du deuxième ou du troisième degré). ELEVATE UC 52 comprenait une période d'induction de 12 semaines suivie d'une période d'entretien de 40 semaines alors que ELEVAT UC 12 évaluait l’induction à 12 semaines.
Mieux que le placebo
Au total, dans ELEVATE UC 52, 289 patient ont été assignés à l’etrasimod et 144 au placebo ; ils étaient respectivement 238 et 116 dans ELEVATE UC 12.
Dans ELEVATE UC 52, une rémission clinique était obtenue à la fin de S12 chez 74 (27 %) des 274 patients sous etrasimod contre 10 [7 %] de 135 contrôles (p<0,0001) ; à la S52, 88 (32 %) des 274 patients contre 9 (7 %) des 135 contrôles (p<0,0001). Dans ELEVATE UC 12, 55 (25 %) des 222 patients du groupe etrasimod contre 17 (15 %) des 112 patients du groupe placebo présentaient une rémission clinique à la fin de la période d'induction de 12 semaines (p=0,026 ).
Des événements indésirables ont été signalés chez 206 (71 %) des 289 patients du groupe étrasimod vs 81 (56 %) des 144 patients du groupe placebo dans l'étude ELEVATE UC 52 et 112 (47 %) des 238 patients du groupe etrasimod vs 54 ( 47 %) des 116 patients du groupe placebo dans ELEVATE UC 12. Il s’agissait principalement d’une aggravation clinique (non réponse primaire), d’anémie et de céphalées. Une bradycardie a été signalée chez 9 patients des 2 essais, dont 8 le premier jour et 1 le deuxième jour. Deux d’entre elle étaient symptomatiques et 5 étaient « d’intérêt particulier » comportant soit une fréquence cardiaque <40 /min soit des symptômes. Ces effets indésirables se sont résolus sans intervention cardiaque. Aucune tumeur maligne ni décès n’ont été signalés dans les essais.
Des résultats encourageants dans des conditions proches de la vie réelle
L'etrasimod appartient à une nouvelle classe de modulateurs des récepteurs S1P, petites molécules qui ciblent les maladies à médiation immunitaire comme la RCH. Les résultats d'efficacité, tant pour l'induction que pour l'entretien, sont conformes à toutes les classes thérapeutiques avancées pour le traitement de la RCH. Dans ELEVATE UC 52, les auteurs ont observé une augmentation de la proportion de patients en rémission clinique avec l'etrasimod par rapport au placebo à la semaine 52 et par rapport à la semaine 12, indiquant qu'un sous-ensemble de patients a obtenu une rémission clinique après la fin de l'induction. Les patients traités par l'etrasimod ont présenté un soulagement rapide des symptômes, avec plus de rémission symptomatique dès S12 et une amélioration des critères secondaires (amélioration endoscopique, rémission symptomatique et amélioration endoscopique-rémission histologique, rémission clinique soutenue et rémission clinique sans corticostéroïdes) ont été atteints chez les patients traités par l'étrasimod à S52. Les essais cliniques de phase 3 contrôlés par placebo qui évaluaient l'efficacité de l’entretien avaient jusqu’à présent des schémas de re-randomisation des répondeurs. ELEVATE-UC-52 est plus conforme à la vraie vie, où le traitement n'est pas interrompu après une période d'induction.
La réduction transitoire de la fréquence cardiaque à la première dose ou les anomalies de conduction cardiaque sont des effets connus des modulateurs des récepteurs S1P expliquant leurs contre-indications cardiaques et la crainte de les prescrire sans avis cardiologique préalable. Aucun épisode persistant de bradycardie significative nécessitant une titration de la dose initiale n’a été observé dans ces études chez les patients sans antécédent cardiovasculaire. Une présentation orale à l’ECCO 2023 a rapporté les données poolées sur 2,5 ans du profil de tolérance observé au cours du programme de développement clinique de l’etrasimod. Au total, 956 patients ont reçu au moins 1 dose d'etrasimod avec 769,3 patients-années (PA) d'exposition. Les taux d'effets indésirables (EI), d'EI graves et d'infections (y compris les infections graves, les infections opportunistes et le zona) étaient similaires entre les bras de traitement et entre les cohortes contrôlées et ouvertes. Onze (1,8 %) patients traités par etrasimod ont présenté une bradycardie.
La prudence dicte néanmoins d’effectuer un ECG préalable et un monitoring cardiaque le 1er jour du traitement et d’exclure les diabétiques du fait du risque d’œdème maculaire. Une étude d'extension menée en ouvert (OLE) sur 5 ans est en cours pour rassurer définitivement le corps médical, documenter l’acceptabilité des patients et autoriser une AMM européenne.
En conclusion l'etrasimod a été efficace et bien toléré en traitement d'induction et d'entretien chez les patients atteints de RCH active modérée à sévère. Ce modulateur des récepteurs de S1P est une nouvelle option non dénuée de risque de bradycardie. Il pourrait être un traitement de 2ème ligne de jeunes patients sans diabète ni maladie cardiaque associée sous réserve d’un monitoring cardiaque initial.
Dr Sylvain Beorchia